Julie Hardy (The Brandtech Group) : « Nous voulons consolider notre avance en GenAI »

Fondé en 2015 sous le nom de You & Mr Jones, puis renommé The Brandtech Group en 2022, le groupe poursuit sa quête de devenir la référence mondiale du marketing digital, et plus particulièrement de la GenAI appliquée au marketing. C’est le but de la récente levée de fonds de Série C de 115 millions de dollars annoncée fin mars, qui porte le total des fonds levés par The Brandtech Group à plus de 700 millions de dollars. De quoi alimenter sa stratégie de croissance orientée sur les nouvelles technologies, et portée notamment par des acquisitions ou des investissements minoritaires, comme l’explique à TheMediaLeader.tech. Julie Hardy, Partner de The Brandtech Group.

The Media Leader : En 2023, The Brandtech Group a été particulièrement actif en matière d’acquisition, avec les rachats de l’agence internationale Jellyfish, mais aussi et surtout, en matière d’IA, de Pencil, une plateforme de création publicitaire basée sur la GenAI. Comment les 115 millions de dollars levés cette année doivent vous permettre d’accélérer l’intégration de l’IA dans votre business model ?

Julie Hardy : L’IA est dans la roadmap depuis le début ! La volonté de David Jones était de construire un groupe exploitant tout le potentiel de la technologie pour rendre le marketing plus efficace. Le tout, sur l’ensemble de périmètre digital, et à une dimension internationale. Pour y parvenir, nous avons procédé via des acquisitions ou des participations minoritaires dans des solutions dont nous avons accompagné le développement.

C’est par ce biais que nous nous sommes développés dans l’intelligence artificielle, avec des investissements dès 2016 dans Automat, spécialiste des chatbots, et Elsy, qui utilise l’IA pour optimiser le media planning. En 2018, nous nous sommes également rapprochés d’AI Foundation, qui développe des AI twins, soit des avatars, ou de Crossing Minds, qui fait de la recommandation de contenus grâce au deep learning. Je peux aussi citer CreativeX, qui optimise des contenus grâce à l’IA…

The Media Leader : Le rachat de Pencil en 2023 a également dû aider à accélérer votre positionnement sur le sujet IA ?

J.H : Pencil a été lancé en 2018 et nous les avons accompagnés dans le développement de Pencil Pro. Ce rachat nous a permis de compléter notre portefeuille et de prendre de l’avance en matière de GenAI. Pencil compte déjà des milliers de clients et un million de campagnes réalisées ! Et pour répondre à votre précédente question : les 115 millions de dollars vont nous permettre de consolider cette avance sur le marché.

Pour l’instant, il y a eu beaucoup d’effets d’annonces de la part d’acteurs du marché, mais les solutions répondant à des cas concrets, à grande échelle et qui offrent aux marques un environnement sécurisé sont encore rares. Cette levée de fonds va financer Pencil et le travail des ingénieurs qui développent la solution, mais aussi financer le développement de l’IA dans toutes les entités du groupe.

The Media Leader : Le rachat de Jellyfish en 2023, quelques semaines avant Pencil, va vous permettre également de faciliter cette diffusion, le groupe étant connu pour ses activités de formation… Lors du rachat, vous insistiez notamment sur le fait que Jellyfish forme les équipes des GAFAM à l’utilisation de leurs propres produits !

J.H : Le rachat de Jellyfish nous a permis d’accélérer dans tous les domaines, étant donné les compétences de l’agence en matière de data, de créa et surtout de média. Mais aussi dans l’IA, du fait des relations privilégiées que l’entreprise a en effet noué avec les grandes plateformes. Les équipes de Jellyfish ont une grande capacité à former sur les nouvelles technologies à grande échelle, ce qui permet de déployer ces innovations plus rapidement que certains concurrents qui n’ont pas les mêmes ressources en interne.

The Media Leader : Jellyfish et Pencil sont vos deux plus grosses opérations à date. Faut-il s’attendre à de nouvelles acquisitions de ce type dans les mois qui suivent, ou allez-vous au contraire prendre le temps de développer les synergies entre les entreprises de votre portefeuille ?

J.H : En 2019, le rachat d’Oliver, spécialiste de l’in-housing, était déjà une opération conséquente. Quant à faire de nouvelles acquisitions… il est en effet fort probable que nous en fassions à nouveau prochainement. Notre focus est l’accélération de nos activités, et toutes les acquisitions, à partir du moment où elles concernent des acteurs en forte croissance, participent à cette accélération. De nouvelles acquisitions sont prévues mais malheureusement, il est encore trop tôt pour vous en dire plus. Je peux seulement vous indiquer que notre boussole reste la réponse à des problématiques concrètes exprimées par le marché. Nous entrons toujours par le use case, là où la technologie apporte le plus de valeur ajoutée.

The Media Leader : Quels sont les use cases les plus pertinents ou urgents ? N’avez-vous que la GenAI en tête où d’autres problématiques du marketing digital méritent-elles que vous réalisiez des investissements ? Le retail media et la fin des cookies sont au premier rang des préoccupations pour 2024…

J.H : Les use cases se développent au fur et à mesure de l’adoption de l’IA et des innovations des LLM et autres acteurs. Aucune entreprise ne peut dire qu’elle maîtrise suffisamment le sujet de l’IA pour faire face à la révolution en cours, et je pense que l’IA a systématiquement une influence sur les évolutions que vous citez, qui sont par ailleurs centrales pour le marché. Mais nous restons donc focalisés sur l’IA, et notamment la GenAI, qui est un changement de paradigme pour le marché publicitaire : il y a encore quelques années, celui-ci se plaignait de ne pas avoir assez de contenus pour adresser toutes les typologies d’audience de manière pertinente et personnalisée. Aujourd’hui, c’est l’inverse : la GenAI démultiplie les capacités de création de tous les utilisateurs, et pour les marques, l’enjeu est plutôt de réussir à distribuer leurs contenus de manière optimale en s’assurant de réussir à cibler et émerger auprès des bonnes audiences, tout en gérant cette explosion des contenus qui soulève des questions importantes en matière d’impact notamment. Mais ce n’est qu’une partie de la révolution en cours, qui touche tous les métiers de l’entreprise.

The Media Leader : Comment adressez-vous ces enjeux responsables ?

J.H : Nous nous engageons bien sûr afin de maximiser l’efficacité de nos solutions tout en minimisant leur impact écologique. C’est un sujet sur lequel nous travaillons notamment avec les acteurs qui développent des LLM et qui sont les premiers concernés. Nous adressons aussi les enjeux éthiques de l’IA, en développant par exemple des outils internes pour lutter contre les biais présents en ligne et susceptibles d’être reproduits par l’IA.

The Media Leader :  Où en sont les entreprises sur ces sujets selon vous ?

J.H : Aujourd’hui, je pense que les entreprises ont suffisamment de maturité, du moins les plus technologiques, pour avoir identifié leurs besoins et les usages qu’elles peuvent faire de la GenAI. Fin 2022, tout cela était encore exploratoire et court termiste. Aujourd’hui, elles cherchent à placer l’IA au bon endroit du réacteur, et veulent des solutions propriétaires pour garder la main sur la donnée ou sur l’algorithme, sans être dépendant d’un LLM.

Il est temps d’adopter une approche concertée et centralisée, afin d’arrêter de laisser ses différentes entités explorer dans leur coin, avec tous les problèmes de propriété intellectuelle ou de sécurité de la data que l’on connaît. En tant qu’agrégateur de LLM, Pencil nous permet d’être particulièrement bien placés pour faire face à ces enjeux.