Droits TV : Amazon en force pour la Ligue1 et la Ligue 2 de football, Canal+ annonce se retirer
Nouveau coup de tonnerre dans le feuilleton des droits TV du foot français : Amazon a fait irruption vendredi en Ligue 1 en obtenant 80% des matches, un rebondissement fustigé par Canal+, qui a annoncé «se retirer», laissant présager une nouvelle bataille juridique.
Selon la répartition adoptée vendredi par le Conseil d’administration de la Ligue de football professionnel (LFP) et consultée par l’AFP, le géant américain de la distribution doit verser 250M€ par saison pour la période 2021-2024 pour récupérer les huit matches de chaque journée auparavant détenus par le diffuseur défaillant Mediapro.
Et cette irruption a aussitôt fait grincer des dents chez Canal+ : la chaîne cryptée, détentrice de deux affiches acquises en 2018 pour 332M€ chaque saison, estimait son lot surévalué et souhaitait de son côté une nouvelle redistribution des lots et des matches en lien avec son allié beIN Sports.
Selon une source proche du dossier, la décision a été accueillie avec «surprise» et comme une «folie complète» du côté de beIN et de la chaîne cryptée, qui a émis un communiqué intitulé : «Canal+ se retire de la Ligue 1».
«Après l’échec du choix de Mediapro en 2018, Canal+ regrette la décision de la Ligue de football professionnel (LFP) de retenir aujourd’hui la proposition d’Amazon au détriment de celle de ses partenaires historiques Canal+ et beIN Sports», peut-on lire.
La LFP, qui a validé ce choix «à l’unanimité du Conseil d’Administration moins une abstention», a émis un communiqué pour se féliciter de l’arrivée d’Amazon et pour réaffirmer que le lot détenu par Canal+ «reste exploité par le Groupe Canal+».
Il faudra voir de quelles marges de manœuvre juridiques dispose la chaîne cryptée pour rompre le contrat lié au lot attribué en 2018 : Canal+, évincé de l’appel d’offres initial par Mediapro, était passée en 2019 par un accord de sous-licence avec beIN pour racheter son lot de deux matches à prix coûtant (332M€).
La chaîne qatarienne, qui était en lice vendredi pour 80% des matches de Ligue 1 et 100% des matches de Ligue 2, doit pour sa part se contenter selon la répartition actée vendredi des deux matches par journée de L2 qu’elle diffusait déjà (30M€), le reste allant à Amazon pour 9 M€ (plus le paiement des coûts de production, estimés à 25M€).
L’opérateur Free doit lui conserver le lot des extraits en «quasi-direct» pour 42M€.
Au total, selon ce scénario, les clubs professionnels se partageront moitié moins que ce qu’ils pensaient percevoir (1,2 mds€) au moment du choix de Mediapro, diffuseur défaillant dont l’incursion en France a tourné au fiasco.
Reste à savoir si la rupture sera définitivement consommée avec Canal+, qui a engagé un bras de fer juridique depuis plusieurs semaines avec la LFP pour contester les modalités de réattribution des lots de Mediapro: alors que la Ligue privilégiait une réattribution partielle, Canal+ souhaitait une remise à plat globale.
Le tribunal de commerce de Paris avait donné raison en mars à la LFP, mais Canal+ avait aussitôt annoncé faire appel.
Dans une procédure lancée en parallèle, l’Autorité de la concurrence a pour sa part rejeté vendredi matin un recours de Canal+, qui accusait la LFP d’«abus de position dominante».
«Nous regarderons si nous sommes saisis à nouveau par un acteur économique contre cette décision» de choisir Amazon, a commenté vendredi soir sur FranceInfo la présidente de l’Autorité de la concurrence Isabelle De Silva. «A ce stade ce n’est pas encore le cas. On va peut-être laisser aux uns et autres le temps pour expliquer comment la Ligue a attribué ces droits et quel est son projet avec Amazon.»
En attendant, c’est une entrée tonitruante dans le paysage du foot hexagonal pour le groupe américain, qui s’est invité ces dernières années sur le marché des droits sportifs via sa plateforme Prime Video, acquérant par exemple certains droits TV du foot en Angleterre, en Allemagne et en Italie, ou encore des matches de tennis à Roland-Garros pour le marché français.
La stratégie du géant de la distribution en ligne vise principalement à favoriser les abonnements à sa plateforme Prime, service qui regroupe musique, films, séries, documentaires et coûte actuellement 49 euros par an ou 5,99 euros par mois.
Le football français, très ébranlé par la pandémie de Covid-19, était pressé de se prononcer rapidement sur le dossier des droits TV alors que la Ligue 1 n’avait toujours pas trouvé de diffuseur à moins de deux mois de la reprise de la saison 2021-2022 début août.
En outre, les clubs doivent présenter un budget cohérent le 14 juin devant la DNCG, gendarme financier du football français.
Mais quelles certitudes peuvent-ils avoir si Canal+ choisit de partir à nouveau au combat, retardant l’épilogue de cet interminable feuilleton ?
(Avec AFP)
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