Interview d’Aurélie Irurzun (Affiperf) et Yves Del Frate (Havas Media France) : «Il est extrêmement important de ne pas tomber dans la fascination pour le modèle américain»
Près d’un an après le lancement de «La Française de Programmatique», une offre qui regroupe un inventaire 100% français, Aurélie Irurzun, Directrice d’Affiperf France, et Yves Del Frate, CEO d’Havas Media France, tirent un premier bilan de cette initiative. Ils évoquent également les enjeux autour de la visibilité et la transparence vis-à-vis des annonceurs, le duopole Facebook/Google, ainsi que les projets du groupe en matière de programmatique.
100%MATIC : Quel bilan tirez-vous de La Française de programmatique ?
Aurélie Irurzun : Nous avons lancé la Française de programmatique pour mettre en place un environnement premium français avec des critères de visibilité, avec essentiellement des campagnes de branding, sur fixe et mobile. Il y a 3 types de pack : vidéo, catch up et presse. On a énormément travaillé sur des campagnes vidéo, avec des KPIS de taux de complétion et d’impressions visibles, ainsi que sur des campagnes d’impressions visibles avec beaucoup de bannières sur des grands titres de presse. Sur du display classique, les campagnes atteignent au minimum entre 70 et 80% de visibilité. Au total, nous avons une trentaine de titres (Les Echos, Le Parisien, L’Equipe, TF1, Orange, ndlr), et environ 20 annonceurs, essentiellement des secteurs du service public, de la banque et des télécoms.
100%MATIC : Comment peut évoluer cette initiative ?
Yves Del Frate : Au départ, l’idée était d’aider les éditeurs français à mieux monétiser leurs audiences online et de garantir à nos clients un environnement de qualité. Un an plus tard, il s’agit d’envisager les développements de cette offre. Nous sommes ouverts à toutes les propositions des éditeurs. On peut envisager par exemple d’aller sur des inventaires nouveaux qui aujourd’hui sont vendus avec d’autres moyens que les plateformes programmatiques. On imagine un jour de pouvoir acheter de la radio, de la télévision ou de l’affichage.
On utilise le programmatique quand il est stratégique. L’achat programmatique a des avantages, avec des points forts et des points faibles. Il ne répond pas à 100% des briefs. En fonction des clients, on apporte la réponse la plus adéquate. Aujourd’hui, c’est un formidable outil pour travailler sur du ciblage utile, sur des cibles très identifiées en one-to-one, mais pas encore une réponse à la logique de puissance instantanée.
100%MATIC : Comment répondez-vous aux nouvelles demandes des annonceurs sur les sujets de la transparence et de la visibilité ?
AI : Nous avons toute une série de critères de qualité et de visibilité au sein de la sélection des éditeurs qui font partie des inventaires Affiperf. Nous adaptons le tracking en fonction de la typologie de la campagne, indispensable sur l’in-read par exemple, et de plus en plus sur la performance, avec des critères de visibilité IAB, MRC, etc. Sur les bannières, nous utilisons Adledge, Integral Ad Science sur la vidéo, puis différents outils au sein des DSP. Nous privilégions un outil d’advisibilité qu’on va intégrer pour confronter ensuite les deux outils. Celui de l’annonceur fait toujours foi.
100%MATIC : Comment vous positionnez-vous en regard de la position dominante de Facebook et Google ?
AI : Google et Facebook ont une part de plus en plus importante sur le marché de la publicité digitale. Ce sont des inventaires appropriés pour les clients car ils génèrent du volume, mais ils ne doivent être activés seuls pour répondre aux enjeux qualitatifs des campagnes. Les réseaux ou sites premium sont tout aussi performants car ils travaillent sur la qualification de leur audience et sont à activer en complément. Tout notre travail réside dans la bonne combinaison des audiences afin d'assurer les performances escomptées sur les campagnes clients. Enfin, nous travaillons beaucoup avec d'autres DSP où leurs écosystèmes ne sont pas fermés. C'est ce que nous avons fait avec Appnexus sur lequel MFG Labs a pu développer un algorithme de bidding pour accroître les performances des campagnes.
YDF : Notre vision des médias est totalement agnostique, basée sur la consommation média du public. Le premier inventaire vidéo de France n’est pas YouTube et ce n’est donc pas normal que YouTube capte le plus d’inventaires. En tant qu’agence média, on veut un maximum de qualité online pour nos clients. Il est extrêmement important de ne pas tomber dans la fascination pour le modèle américain. Les campagnes en France sont surpondérées par rapport aux GAFA. Il faut arriver à garder un équilibre, avec pour seul arbitre la consommation de l’internaute. On ira toujours chercher l’inventaire le plus efficace pour le client.
100%MATIC : Havas a mis en place une formation interne 100% programmatique qui prévoit de former environ 20 000 collaborateurs. Quel est l’objectif ?
YDF : A terme, notre métier sera très influencé par les techniques d’achat et de ciblage programmatique. Plus tôt l’ensemble de nos collaborateurs sont confrontés à cette culture nouvelle de l’achat du ciblage planning, meilleurs nous serons et pourrons anticiper sur les nouveaux contenus. Le programmatique va pouvoir prendre une partie du rôle que le CRM avait jusqu’à présent. Aujourd’hui, il y a de nouveaux métiers qui naissent comme les data analyst, data scientist, Design technologist, UX, etc. Au sein d’Havas, nous avons des personnes sur la performance des deals ID et des responsables de la performance du programmatique. C’est un travail en binôme pour que le programmatique s’intègre au sein de la stratégie média.
100%MATIC : Quels sont vos projets programmatiques pour 2017 ?
AI : Nous travaillons sur le lancement de nouvelles solutions Affiperf, avec notamment des équipes en veille sur la TV programmatique, des premiers chantiers sur des synergies avec la TV, un GRP commun et l’identification de la cible commune pour jouer la complémentarité avec des dispositifs TV et vidéo. Nous allons collaborer avec des entités internes du groupe Havas comme avec CSA data consulting qui reconstitue les cibles non consommatrices de TV, CSA research sur les panels TV CSA (85 000 panélistes), et nos outils marché TGI et Kantar. Parmi les autres projets, nous regardons des solutions de marché sur la synchro TV et radio avec Mobext pour élaborer un outil interne.
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