À l’occasion de la septième édition d’InnovAudio le 27 novembre prochain, Julien Rosanvallon, directeur exécutif chez Médiamétrie, et Jean-Paul Dietsch, directeur général adjoint de l’ACPM, partagent leur regard sur une année 2024 marquée par des mutations profondes dans le secteur de l’audio. Retour sur les temps forts de l’année écoulée, les enjeux pour 2025 et l’impact potentiel de l’intelligence artificielle dans ce domaine.
The Media Leader : Le marché de l’audio a connu de nombreuses évolutions cette année. Quels moments vous ont le plus marqué en 2024 ?
Julien Rosanvallon : Ce fut une année dynamique, marquée par des changements de grilles et l’arrivée de nouveaux animateurs. Mais surtout, elle confirme que l’audio est le média de tous. Presque tous les Français écoutent la radio au moins une fois par mois, et 80 % au quotidien. Chez les 15-24 ans, cette tendance est encore plus marquée. La radio reste le leader de l’audio avec 56 % du volume d’écoute, et la numérisation s’accélère : 20 % des écoutes se font en numérique, contre 12 % il y a peu. Enfin, le podcast connaît une croissance impressionnante : 20 millions de Français en consomment chaque mois, avec 176 millions de podcasts écoutés ou téléchargés.
Jean-Paul Dietsch : De notre côté à l’ACPM, nous observons l’évolution des usages, notamment via le streaming et les podcasts. Ce qui nous frappe, c’est la pérennisation de ces formats : leur croissance à deux chiffres confirme une transformation durable. L’écoute mobile, surtout via smartphone, rend l’audio accessible partout et tout le temps. C’est une mutation profonde qui redéfinit la consommation des médias.
TML : Quels seront, selon vous, les grands enjeux pour l’audio en 2025 ?
J.R. : La digitalisation reste un enjeu majeur, notamment avec le développement des podcasts et des plateformes audio dans les véhicules. Ce dernier point est clé : les auditeurs attendent une expérience fluide et connectée. Par ailleurs, les formats publicitaires audio numériques doivent continuer à se structurer et se valoriser. Médiamétrie devra accompagner ces évolutions avec des mesures hybrides mêlant EAR > Insights et données granulaires pour mieux comprendre ces nouveaux usages.
J-P.D. : Pour moi, deux défis se dessinent. Le premier, c’est de mieux connecter l’audio aux attentes des annonceurs : comment transformer une audience fidèle en une opportunité publicitaire efficace ? Le second, c’est de reconquérir l’écoute à domicile, qui a beaucoup basculé vers le digital et le mobile. Historiquement, la radio était omniprésente dans les foyers. Retrouver cette place, à l’heure des enceintes connectées, est un vrai défi.
TML : L’intelligence artificielle peut-elle être un game changer pour l’audio ?
J.R. : L’IA suscite autant d’espoirs que de craintes. Certes, elle soulève des questions sur les droits d’auteur ou la vérification de l’information. Mais c’est aussi une formidable opportunité. Comme Photoshop pour la photo ou ProTools pour la musique, l’IA est un outil puissant à maîtriser. Elle ouvre la voie à des interactions vocales plus riches, à l’image des enceintes connectées, qui sont devenues le deuxième support numérique pour la radio, derrière le smartphone. Dans cet univers post-écran, la radio a des atouts uniques à valoriser.
J-P.D. : L’IA démocratise des usages complexes : désormais, chacun peut personnaliser son expérience audio sans compétences techniques. Pour les éditeurs, c’est un outil d’efficacité, mais il faut préserver l’âme du média. La radio, c’est avant tout une émotion, qu’elle provienne d’un animateur ou d’un choix musical. L’IA ne remplacera jamais cet aspect humain.
