Le coronavirus, nouvelle épreuve pour l’industrie chancelante des médias américains
Le secteur américain des médias, déjà en difficulté, se prépare à subir un autre choc économique du fait de la pandémie du coronavirus, à une époque où le public a particulièrement besoin d’informations fiables.
L’impact devrait particulièrement se faire sentir pour les journaux, qui ont vu 2 000 publications disparaître dans la dernière décennie, les emplois dans les rédactions se réduisant de moitié.
Les organes de presse devraient subir les contrecoups d’une baisse des revenus publicitaires pendant le ralentissement économique, et pourraient voir une chute de leurs abonnements alors que les lecteurs tentent de réduire leurs dépenses.
Les colloques et conférences qui permettent d’ordinaire à certaines organisations de presse d’augmenter leurs revenus risquent également d’être annulés tant que persistera l’urgence sanitaire.
«Si vous vous reposez sur la publicité, un ralentissement économique peut être très néfaste pour votre entreprise», explique Gabriel Kahn, professeur de journalisme à l’université de Californie du Sud, qui suit les tendances économiques de l’industrie. «Pour les petits acteurs locaux, il s’agit d’un coup dont il est difficile de se relever».
«90% de nos revenus, entre la publicité et nos événements, sont directement liés aux rassemblements de groupe. Le coronavirus a pratiquement éliminé tous ces revenus d’un coup», a d’ailleurs souligné The Stranger, hebdomadaire gratuit de Seattle qui a commencé à demander des dons à ses lecteurs pour surmonter la crise.
– «Un service public» –
En même temps, l’épidémie permet de redonner confiance aux lecteurs après de nombreuses années difficiles, explique le professeur de journalisme de l’université de l’Oregon Damian Radcliffe : «Pendant une crise de santé publique nationale et internationale, les populations ont plus que jamais besoin de journalisme fiable».
M. Radcliffe remarque que plusieurs organes de presse ont commencé à offrir leur contenu gratuitement pendant la crise pour montrer que «le journalisme est un service public».
M. Kahn convient que pour de nombreuses salles de rédaction, «c’est un moment propice pour développer un lien avec le public et prouver leur valeur».
Joseph Lichterman, propriétaire du Philadelphia Inquirer, anticipe quant à lui d’énormes défis pour les entreprises de presse dans leur couverture de la crise. «Elles doivent maintenir leur entreprise à flot tout en s’assurant que leur personnel est en sécurité», déclare-t-il.
– Décisifs pour la santé publique –
Certains chercheurs ont souligné l’importance des médias locaux pour aider la population à faire face aux épidémies.
Une étude de 2018 réalisée par des chercheurs de l’université de Caroline du Nord a montré que les employés des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) américains s’appuient sur les médias locaux pour surveiller la propagation de nombreuses maladies.
«Les CDC utilisent les journaux locaux comme système d’alerte, ce qui est essentiel pour endiguer la propagation», selon le rapport. «Les médias sociaux sont beaucoup moins fiables».
Des études ont montré que de nombreuses populations américaines étaient face à des «déserts d’information» sans entreprise de presse locale, une tendance en croissance qui pourrait s’aggraver pendant le ralentissement économique.
De nombreux journaux locaux et régionaux sont également en pleine mutation après avoir été rachetés par de grandes entreprises.
«Toutes les entreprises de presse sont maintenant détenues, gérées, ou contrôlées par un ou plusieurs fonds spéculatifs ou sociétés de capital-investissement», souligne Joshua Benton, qui dirige le Nieman Journalism Lab à l’université de Harvard dans un article de blog.
«Au minimum, attendez-vous à une nouvelle vague de licenciements. Dans le pire des cas, une récession liée au coronavirus pourrait-elle précipiter la vague de fermetures de quotidiens que les gens anticipaient depuis une décennie?», s’interroge-t-il.
M. Lichterman, quant à lui, estime que «le soutien direct des lecteurs» doit être «un élément clé de la solution» à la crise.
(Avec AFP)
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