Interview du lundi. La filiale publicitaire de l’opérateur Orange poursuit son développement et sa transformation grâce, notamment, à l’avènement de la TV adressée qui lui ouvre de nouveaux marchés. Orange Advertising s’appuie désormais uniquement sur les assets du premier opérateur télécom français pour diversifier ses activités. Arrivée de Netflix et Disney+ sur le marché publicitaire, fin des cookies, développement d’Orange Ad Mobility… Sophie Poncin, directrice générale était l’invitée du lundi de 100%Media.
100%Media : Comment va Orange Advertising en cette fin d’année 2022 ?
Sophie Poncin : Plutôt bien globalement et cela grâce à notre stratégie de diversifications qui porte ses fruits : c’est-à-dire des revenus Display qui reprennent des couleurs après un T3 en retrait et de belles croissances sur nos activités de diversification
100%Media : L’activité publicitaire / régie d’Orange est parfois ignorée, pouvez-vous expliquer votre périmètre et le positionnement qui a fortement évolué ?
S.P. : En effet, nous déployons depuis 3 ans un vaste plan de transformation qui consiste à recentrer notre proposition de valeur à 100% sur nos assets opérateur, avec 3 objectifs principaux : en premier, se différencier dans un marché dominé par les GMA, en second, contribuer au développement des nouveaux écosystèmes TV/Digital, et enfin, diversifier nos activités pour générer de nouveaux leviers de croissance.
Pour s’engager dans une telle voie, il faut avoir les moyens de ses ambitions, en d’autres termes avoir un reach important et une data volumique. Notre chance est d’appartenir à un opérateur telco leader avec 25 millions de clients, dont 7 millions de foyers connectés à la TV d’Orange, et 8 millions qui se connectent tous les jours sur nos sites.
Notre rôle et je dirais même notre « raison d’être » est de transformer ces précieux assets en solutions efficaces et pertinentes au service du marché de la publicité digitale.
On peut parler de changement de modèle puisque nous avons élargi notre périmètre métiers en proposant de nouveaux services liés à la monétisation data et la tech, comme data provider, créateur de plateforme technologique pour la TV segmentée ou bien encore acteur de la mesure d’audience.
Pour réussir et inscrire cette stratégie dans la durée, nous avons mobilisé les savoir-faire industriels et les moyens financiers d’Orange. Concrètement c’est plusieurs millions investis par l’opérateur dans la TV segmentée mais aussi dans le domaine des mesures d’audience avec la montée d’Orange au capital de Médiamétrie il y a un an.
100%Media : Avez-vous quelques chiffres à nous donner ?
S.P. : Pas précisément mais ce que je peux dire c’est qu’à mesure que nous déployons notre stratégie de diversification à travers ces nouveaux services, le mix de nos revenus évolue et se rééquilibre car moins dépendant des aléas du marché Display ; ce qui nous rend plus solides et plus sereins pour l’avenir.
100%Media : 2023 sera l’année de la TV segmentée après des mois de lancement des offres. Pouvez-vous nous faire un point sur l’offre en TV segmentée auprès des régies ?
S.P. : Nous constatons effectivement une incroyable dynamique depuis 6 mois avec un volume mensuel de remplacement des spots multiplié par 2 et une accélération sur le T4, ce qui augure effectivement une belle année 2023.
Ce nouveau marché illustre parfaitement notre volonté de mettre les assets opérateurs au service du marché publicitaire. Orange a clairement été moteur de ce nouveau marché, d’abord via la constitution d’un parc puissant qui représente aujourd’hui la moitié des foyers adressables.
Ensuite nous avons été moteur dans la dynamique de mise à disposition des segments de ciblage, pierre angulaire de la TV segmentée. Cette année, nous avons construit pour les chaînes plus de 100 segments sur le parc Orange, c’est 3 fois plus qu’en 2021, avec la création de nouvelles cibles de plus en plus tactiques comme les Foyers avec tout-petits enfants issus de l’analyse de la consommation des programmes jeunesse du foyer.
Et depuis peu, une nouvelle étape vient d’être franchie avec la capacité pour les annonceurs de cibler avec leur propre donnée ou celle de leurs partenaires tiers comme celle des retailers par exemple. Concrètement cela permet à un annonceur de ne cibler par exemple que ses clients ou ses prospects, ou bien encore de cibler les acheteurs d’une catégorie de produit en particulier.
La vraie révolution de la TV segmentée tient dans ces nouvelles capacités de ciblage issues des opérateurs. C’est LE levier créateur de valeur pour les chaînes qui peuvent ainsi faire valoir un atout unique face aux plateformes. Une belle opportunité de reprendre la main…
100%Media : Quelles sont les marges de progression sur cette activité ?
S.P. : Elles sont immenses. Le marché n’en est qu’à ses débuts. Le prochain défi est celui de la mesure de l’efficacité, étape indispensable pour emporter l’adhésion des annonceurs. Chez Orange, nous sommes emparés du sujet en créant une méthodologie basée sur l’analyse des logs TV opérateurs permettant de mesurer de l’apport en couverture d’une campagne de TV segmentée venant en surpression d’une campagne linéaire. Les premiers tests ont été concluants avec un uplift de près de 5 pts de couverture incrémentale grâce à la TV segmentée ! Nous avons partagé cette méthodologie avec les autres opérateurs et le SNPTV afin d’étendre cette mesure à l’ensemble des parcs dans un soucis d’harmonisation.
100%Media : Netflix a lancé ses offres avec publicité, avant Disney+ dans quelques semaines. Comment voyez-vous cette concurrence ? Est-ce un avantage ou un inconvénient pour ce marché de l’AVOD ?
S.P. : Je pense que ces offres viennent surtout en frontal avec celles des chaînes TV. Pour autant ces nouveaux acteurs devront apporter des preuves concrètes de leur efficacité à commencer par la mesure de leur audience par un tiers.
Ce que l’on sait c’est que Médiamétrie a pris un engagement fort à horizon 2024 pour lequel Orange et les opérateurs auront sans aucun doute un rôle à jouer en mettant à disposition de Médiamétrie leur voie de retour, c’est-à-dire les logs d’usage sur leur parc IPTV.
Ce qui ne se mesure pas n’a pas de valeur, or ces acteurs ont mis la barre très haut en terme de pricing, ce qui peut être une bonne nouvelle pour le marché qui pourrait ainsi revaloriser ses offres ?
Ce qui est fondamental, c’est que tous les acteurs puissent jouer à armes égales car il serait à nouveau très injuste que ces nouveaux venus se développent à l’instar des grandes plateformes sur le digital, en s’affranchissant de toute transparence en matière de mesure. Par conséquent, je pense que les annonceurs/agences ont de grandes responsabilités pour veiller à ce que les conditions de ce marché soient justes et équilibrées.
Si l’on se projette sur le marché de la vidéo au sens large, je suis convaincue que le nerf de la guerre résidera dans la capacité de chacun à proposer un ciblage riche, granulaire et fiable. A ce titre, la TV segmentée possède d’ores et déjà toutes les armes pour répondre à ces enjeux.
100%Media : Comment Orange Advertising se prépare-t-il à un monde cookiesless et consentless ?
S.P. : La question n’est plus de se préparer mais d’agir car ce nouveau monde est une réalité avec plus de 50% des inventaires du marché qui ne sont d’ores et déjà plus adressables. Notre urgence est de faire en sorte que chaque impression puisse à nouveau être ciblée par les annonceurs.
C’est un sujet sur lequel nous travaillons depuis plus d’un an avec la mise en place d’une plateforme data ID centric construite avec notre partenaire Mediarithmics, dont le principe est d’exploiter la complémentarité des IDs Logués (65% de nos users) et des 1st party cookies, ces deux types d’IDs étant persistants dans un monde cookieless. Notre objectif est de répondre dès à présent à 4 enjeux clés de nos clients :
– Cibler dans les environnements cookieless et réadresser dès maintenant les internautes sur Safari et Firefox via la mise en place d’une stratégie 1st party Data
– Cibler dans les environnements consentless grâce au contextuel adossé à de l’Intelligence artificielle permettant de projeter un profil derrière chacune de nos urls.
– Cibler cross device via la construction d’un graph ID permettant une vue utilisateur centralisée Digital, Mobile, TV et SMS
– Cibler avec la donnée client via la mise en place de Clean Rooms sécurisées favorisant les synergies data avec nos clients et partenaires
100%Media : En 2022, vous avez lancé le pôle « Orange Ad Mobility », pouvez-vous nous en dire plus ?
S.P. : Orange Ad Mobility, c’est une proposition de valeur unique sur le marché avec des contextes, des formats et de la data 100% dédiés à la mobilité. Ce pôle d’expertise est né avec l’arrivée cette année de l’appli Bonjour RATP dans notre offre rejoignant ainsi les sites Mappy et ViaMichelin.
Notre objectif est d’apporter une offre servicielle complète au travers des solutions omnicanales pour répondre à toutes les problématiques de référencement et de drive to store.
100%Media : Orange Advertising est désormais chargé des contenus News/Actualité du site orange.fr. Est-ce une première étape vers de nouveaux périmètres autour de la production de contenus ?
S.P. : Non ce n’est pas notre métier. Nous ne produisons aucun contenu mais nous travaillons avec des partenaires de contenus best in class dans leur domaine afin de de proposer des contenus de qualité aux abonnés d’Orange. Ils sont d’ailleurs plébiscités par nos abonnés et représentent le 2ème usage après le mail, soit un driver fort de la puissance d’audience du site qui accueille tous les jours 8 millions de visiteurs uniques.
Notre feuille de route est claire, nous allons d’une part optimiser l’audience en améliorant l’animation de nos contenus en home page et d’autre part, nous mettrons l’accent sur les besoins spécifiques de nos annonceurs sur certaines thématiques.
Nous réfléchissons également à créer davantage de synergies avec Orange sur des sujets majeurs liés à la RSE comme les enjeux climatiques ou l’inclusion numérique.
100%Media : La RSE est un vrai sujet qui mobilise le monde de la publicité. La publicité est responsable d’émissions carbone. Quelles sont les mesures prises par Orange Advertising ?
S.P. : Nous nous sommes emparés du sujet dès 2020 sous l’angle de l’écoresponsabilité avec le lancement du programme Green By Design. Notre première action a été de réaliser le bilan carbone de la Régie. Sans surprise, la majorité de nos émissions sont directement liées à la diffusion des campagnes et donc dépendantes de la stratégie des annonceurs qui arbitrent les formats et les volumes. Notre rôle est donc de les aider à mieux appréhender leurs émissions carbones au sein de nos environnements et de les mettre en situation de diminuer ces émissions sans pour autant affecter l’efficacité publicitaire. Nous avons donc lancé notre calculateur carbone dès 2021 avec EcoAct et nous avons systématisé son utilisation, ce qui nous permet aujourd’hui de disposer d’une base de données volumique (235 campagnes / 1,1Mds d’impressions).
Grace à l’analyse des données de notre Orange EcoBase, nous serons en mesure début 2023 de proposer au marché des offres publicitaire « éco-concues » avec une promesse forte : des émissions de CO2 pour 1000 contacts en dessous des moyennes constatées pour une performance business équivalente.
100%Media : Comment voyez-vous l’évolution du marché publicitaire en 2023 ?
S.P. : En 2022 il devrait finir en croissance mais le contexte de forte instabilité de ces derniers mois me laisse penser que 2023 sera « l’année de tous les dangers ».
Dans ce contexte nous sommes convaincus que le marché a besoin de partenaires locaux, puissants et qui apportent une vraie valeur ajoutée. C’est pourquoi nous pensons que notre rôle va encore se renforcer dans les prochains mois/années, c’est tout le sens de notre stratégie de diversification.
Propos recueillis par François Quairel