Thomas Boutte (Club des Annonceurs) : « Le monde a besoin de communication, si elle disparaissait, nous aurions un gros problème »
INTERVIEW. À l’occasion de l’événement The Brand Immersion dont The Media Leader est partenaire, Thomas Boutte, président du Club des Annonceurs et directeur de la marque AXA, revient sur le rôle essentiel des marques dans la société et sur les défis auxquels elles sont confrontées dans un contexte économique et sociétal en mutation. Dans cet entretien, il aborde la responsabilité des marques, l’importance de donner du sens à la communication et la nécessité de faire rêver tout en faisant face aux réalités du monde actuel.
The Media Leader : Vous avez été élu président du Club des Annonceurs en décembre dernier. Bientôt une première année pleine. Quel premier bilan tirez-vous à la tête du club ?
Thomas Boutte : Le bilan est très positif. Nous avons eu une année particulièrement animée. Le Club des Annonceurs regroupe aujourd’hui entre 170 et 180 membres, tous dans des fonctions de direction de la communication, direction de la marque ou marketing. Ces membres se réunissent pour échanger, s’inspirer et débattre de l’actualité de nos métiers, l’entraide est au cœur de nos valeurs. Cette année a été riche en sujets : l’actualité et les enjeux des médias, l’intelligence artificielle qui a bousculé nos secteurs, et les imaginaires de marques qui ont beaucoup fait parler.
Point très encourageant, le club attire de nouveaux membres, souvent plus jeunes ou venant de secteurs qui n’étaient pas traditionnellement représentés. Cela dynamise le Club, qui malgré ses 33 ans, reste en excellente forme avec un esprit très énergique et à la pointe des tendances.
The Media Leader : Comment se porte le moral des annonceurs actuellement ? Vous-même, en tant qu’annonceur, que ressentez-vous, surtout après un été marqué par l’effervescence des Jeux olympiques ?
T.B : Il est difficile de parler pour tous les annonceurs, mais le moral semble plutôt bon, malgré une période complexe. Nous sortons d’une crise qui a bouleversé la relation entre les marques et les consommateurs. Cependant, il y a une conviction partagée que les marques jouent un rôle central, peut-être plus important qu’avant, dans la construction d’un nouveau modèle. Beaucoup d’entreprises voient les directions marketing ou communication comme les moteurs de grandes transformations, que ce soit sur le plan sociétal ou dans le développement de nouveaux produits et services.
Nous sortons d’une crise qui a bouleversé la relation entre les marques et les consommateurs
Cette reprise de l’importance des marques est un signal positif, surtout dans le contexte de notre événement The Brand Immersion qui se tiendra le 26 novembre prochain, dont The Media Leader est partenaire.
The Media Leader : Le Club des Annonceurs lance donc la neuvième édition de The Brand Immersion avec la thématique « Faire rêver ou faire face : les communicants vont-ils dans le mur ? ». Quel est l’objectif de cette édition et pouvez-vous nous parler de l’étude que vous allez présenter ?
T.B : The Brand Immersion est devenu un rendez-vous majeur du Club des Annonceurs. Cette année, pour sa neuvième édition, nous voulons aborder un sujet crucial : comment les marques peuvent-elles continuer à faire rêver les consommateurs tout en faisant face aux réalités économiques et sociétales ?
Cette nouvelle édition a fait le choix de s’inscrire dans une volonté d’enrichir les débats avec un regard unique et sans concession sur les enjeux sociétaux actuels et futurs. Les travaux de contenus sont menés en collaboration avec Usbek & Rica, dont l’expertise est reconnue pour leur capacité éditoriale à briser les tabous et à avoir un regard prospectiviste. Ce partenariat résonne particulièrement avec notre thème central, stimulé par une approche sans langue de bois, pour un débat authentique sur la responsabilité des marques face aux réalités du monde d’aujourd’hui et de demain, inspiré de leur format des Tribunaux des Générations Futures. Nous allons également présenter une étude réalisée en exclusivité avec l’Institut Viavoice qui s’intitule : « Les Français, la publicité et l’intérêt collectif ». Elle repose sur les réponses de 1 000 consommateurs Français et de professionnels de la communication. L’étude met en lumière la perception des Français vis-à-vis des marques, notamment sur leur utilité dans la société.
Beaucoup de Français disent qu’un grand nombre de marques pourrait disparaître sans que cela ne les affecte
The Media Leader : Quels enseignements tirez-vous de cette étude ? Est-ce que les marques sont encore perçues comme utiles dans la société ?
T.B : Les résultats seront révélés et débattus le 26 novembre prochain, mais nous pouvons déjà annoncer que les Français sont très paradoxaux. L’étude montre qu’à leurs yeux, les marques semblent incontournables dans la manière dont nous façonnons à la fois notre vision du monde, avec parfois ses fantasmes, et la réalité de ce même monde. Un écart significatif entre les deux existe donc souvent…
Cela dit, leur attachement aux marques reste fragile. Beaucoup de Français disent qu’un grand nombre de marques pourrait disparaître sans que cela ne les affecte. Cette dualité entre attachement et détachement est un défi pour les responsables de marque. Mais donner du sens et s’engager dans des discours de valeurs permet de reprendre du poids aux yeux des consommateurs. L’utilité des marques dépasse la simple consommation. C’est aussi leur rôle dans la société, leur capacité à rassembler et à impulser des changements positifs.
Les Jeux olympiques, par exemple, ont montré l’utilité des marques, notamment avec des partenariats concrets comme celui d’EDF, qui a accompagné des enfants pour leur apprendre à nager. Ce type d’engagement fait sens et donne aux marques une raison d’être au-delà de la simple visibilité.
The Media Leader : « Faire rêver ou faire face : les communicants vont-ils dans le mur ? » Comment répondriez-vous à cette question ?
T.B : Je ne vais pas répondre directement, car c’est une question que chacun devra se poser lors de The Brand Immersion. Nous aurons une grande diversité de points de vue, avec des intervenants de différents horizons. Le rôle des communicants est central dans la création des imaginaires et dans leur capacité à accompagner le public vers un futur désirable. Certaines stratégies misent sur le rêve, d’autres sur une approche plus terre à terre. Les deux sont valides, mais cela dépend du contexte et des attentes des consommateurs.
Ce qui est sûr, c’est que les communicants doivent être conscients des risques. Il est important d’apprendre des erreurs passées et de comprendre pourquoi certaines campagnes ont échoué pour mieux appréhender l’avenir.
The Media Leader : Si demain la communication disparaissait, quelles en seraient les conséquences ?
T.B : Le monde a besoin de communication. Si elle venait à disparaître, nous aurions un gros problème tant elle est essentielle à notre société, à notre démocratie, à notre économie… La communication est omniprésente et elle continuera toujours d’exister, mais surement sous de nouvelles formes. Elle deviendra probablement plus interpersonnelle, plus relationnelle, et moins descendante. Nous voyons déjà ce mouvement avec des marques qui se rapprochent des consommateurs, non pas pour leur vendre des produits, mais pour engager un dialogue. Ce qui est important, c’est que les marques conservent leur valeur et que les consommateurs puissent continuer à comprendre ce qu’elles représentent pour les aimer pour ce qu’elles sont et non pour ce qu’elles vendent.
La communication est un engagement. Lorsqu’une marque prend la parole, elle doit être jugée sur ses déclarations et sur ses actes. Elle doit démontrer sa capacité à apporter une utilité réelle. C’est pour cela que la communication est essentielle pour les entreprises, car elle peut guider leur action et leur éthique.
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