Thomas Jamet et Magali Florens (UDECAM) : « Il est de notre responsabilité d’accompagner nos talents »
Les premières Rencontres de l’UDECAM de 2024 s’intéressaient ce mardi aux talents. Confrontés aux défis du recrutement et une perte d’attractivité, les agences médias veulent réenchanter la désirabilité des métiers mais aussi fidéliser tout en imaginant un futur où la révolution numérique et l’IA vont complètement modifier les métiers.
Le Président Thomas Jamet et la directrice générale de l’UDECAM Magali Florens reviennent sur les grands enjeux.
The Media Leader : L’attractivité du métier d’agences médias est au centre de vos attentions. Quelle est votre analyse ?
Magali Florens : Je suis très heureuse d’avoir ouvert hier les 17ᵉ Rencontres de l’UDECAM dans mon nouveau rôle et encore plus sur ce sujet des talents, les femmes et les hommes, tous les talents qui font ce merveilleux métier. Ceux qui me connaissent savent que c’est mon moteur.
Depuis 55 ans, date de création de la 1ʳᵉ centrale d’achat comme on nous appelait à l’époque), chacun des grands changements de l’univers des médias s’est accompagné de l’émergence de nouveaux métiers, de la création ou de la redéfinition de postes.
Aujourd’hui, plus de 5 000 personnes travaillent en agences médias, 5 000 personnes que leurs entreprises accompagnent dans un monde qui change tous les jours – transformation par la tech, la data, nouveaux leviers, nouveaux modes d’achat, et demain l’IA. Certains diront que nous faisons un métier de chiffres, de plus en plus technique, potentiellement pour partie opérable par les machines, les algorithmes. Mais ce sont les êtres humains, leur intelligence des marques et des consommateurs, leur expertise des médias et de la tech, leur empathie, leur passion qui représente l’or noir des agences.
Cependant, nos métiers ne sont pas assez connus ! L’étude que nous venons de mener auprès des staffs d’agences avec Ifop démontre que seuls 28% des gens en poste avaient une bonne connaissance du monde des agences avant d’y entrer. Nos membres ont tous les mêmes objectifs : il nous faut être plus visibles, plus attractifs, mieux fidéliser et transformer nos métiers, à l’ère, notamment, de l’IA.
The Media Leader : Les sujets RSE et la défiance vers la publicité est-elle en cause ?
Thomas Jamet : Nous évoluons dans un monde où l’innovation, la créativité et l’agilité de nos talents sont les moteurs du succès. Dans un univers des médias et de la communication en révolution perpétuelle, les agences médias émergent comme des piliers incontestables du changement, y compris sur des sujets RSE. Nos équipes reflètent le monde diversifié que nous desservons. Elles se challengent, se forment et s’inspirent de l’ensemble des acteurs de l’éco-système, les marques, les médias, les régies, les technologies…
Pour piloter ces changements, l’UDECAM a choisi de créer une Commission Jeunes Talents qui rassemble 16 jeunes talents de toute notre industrie. Nous leur avons demandé de travailler dans le cadre de leur mission, de réfléchir au sens de nos métiers et de le réenchanter. Ils présenteront prochainement un Manifeste, qui expliquera comment ils voient notre métier et ses évolutions.
The Media Leader : Y a-t-il un problème de salaires en agence média ?
M.F. : Je ne pense pas qu’on puisse parler de problème, mais effectivement les salaires d’entrée et des 4 ou 5 premières années dans les agences sont inférieurs à ceux d’autres secteurs du marketing et en particulier à ceux des entreprises du digital et de la tech. En revanche, c’est un métier où l’on peut significativement améliorer son salaire en évolution de carrière, soit managériale, soit experte.
Mais nous évoluons dans un environnement relativement contraint. En effet, les hommes et les femmes sont la matière première des agences, dont la valeur est reconnue par les annonceurs et les audits mais insuffisamment compensée.
Je voudrais partager 2 chiffres avec vous :
137, c’est l’indice de progression de la masse salariale des agences en 5 ans, mix d’augmentation des salaires, de seniorisation et du financement de nouveaux jobs.
114, c’est l’indice de progression de la marge brute de ces mêmes agences.
Un décrochage de 13 points qu’il est important de partager avec nos clients. Je ne suis pas certaine que tous en soient conscients. Nous sommes des entreprises, elles aussi soumises à l’inflation, à la guerre des talents, à la formation et à la fidélisation de nos équipes …
The Media Leader : Repenser les approches managériales : est-ce la solution pour fidéliser en agences ?
T.J. : Nous sommes un People Business et il est de notre responsabilité d’accompagner nos talents tout au long de leur carrière en agences médias. Il faut enrichir notre attractivité. Il est temps de se demander : quelle attractivité notre secteur offre-t-il aux jeunes talents ? Comment pouvons-nous améliorer et optimiser cette attractivité pour créer une pépinière d’innovation et de créativité ? Mais aussi fidéliser et faire progresser nos équipes : face à la diversité croissante de nos métiers, à la volatilité des expertises, à la compétition des talents et au défi du turnover, nous devons repenser nos approches managériales, fidéliser et faire progresser, former nos talents pour construire des équipes résilientes et innovantes.
La révolution numérique et l’avènement de l’IA nous confrontent à des défis majeurs. Il nous importe de réinventer nos structures, de mettre en place les équipes de demain. Il est essentiel d’intégrer l’IA sans perdre l’essence humaine qui est la valeur ajoutée de notre service à nos clients annonceurs.
M.J. : Un de nos invités a parlé de « repenser le contrat social entre l’entreprise et ses salariés. Un jeune homme de 25 ans qui vient de démarrer sa carrière n’a pas les mêmes attentes qu’une femme manager de 35 ans. Le télétravail (parfois à grande distance), le temps partiel permettent un équilibre vie pro/vie privée qui fait partie du nouveau management. La formation (continue dans quasi toutes les agences médias) est un outil puissant pour faire progresser nos équipes, leur permettre la mobilité interne.
The Media Leader : L’IA et les innovations peuvent-elles justement être la solution à certaines difficultés de recrutements ?
M.F. : D’évidence, l’IA va changer notre façon de travailler, nos organisations, nos définitions de fonction. Dans un premier temps, IA va nous libérer des tâches fastidieuses et basiques et libérer du temps pour mieux utiliser l’intelligence de nos équipes. Un trader soulagé de la mise en ligne, de l’optimisation de campagne, des bilans vont pouvoir mieux se consacrer à la connaissance de son media, de ses audiences, et se consacrer à interpréter et à apprendre des résultats pour toujours améliorer ses recommandations.
Je suis convaincue que plus que jamais, l’IA va valoriser le rôle de l’intelligence et de l’empathie humaines
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