Une de La Provence sur la visite de Macron : le directeur de la rédaction réintégré après une mise à pied
Confrontée à une grève illimitée des journalistes, la direction du quotidien régional La Provence, propriété de l’armateur CMA CGM, a décidé de réintégrer le directeur de la rédaction mis à pied vendredi en raison d’une Une sur la visite d’Emmanuel Macron à Marseille.
« La direction de La Provence est satisfaite d’annoncer un accord avec Aurélien Viers, directeur de la rédaction » dont le « retrait de la mise à pied (…) a été décidé après une réunion de travail avec Gabriel d’Harcourt, directeur général », précise le titre dans un communiqué.
Les journalistes du quotidien régional, qui avaient dénoncé vendredi une « ingérence éditoriale inadmissible » et des « pressions politiques » s’étaient mis en grève illimitée, soutenus par de nombreux confrères, dont ceux d’autres titres appartenant à Rodolphe Saadé, qui dirige CMA CGM, basé à Marseille. Le journal n’est pas paru depuis samedi.
Malgré la réintégration de son directeur, que l’intersydicale (SNJ, CFE-CGC et CFDT) du journal appelait de ses voeux, la rédaction de La Provence maintient un rassemblement prévu lundi matin devant le siège du journal à Marseille car « il reste de nombreuses interrogations », a indiqué un élu du Syndicat national des journalistes (SNJ), majoritaire parmi les journalistes.
« Nous rappelons que la Une invoquée pour la mise à pied n’était pas problématique » a-t-il ajouté.
Grève à La Tribune ?
« Ce n’est pas sûr que la grève soit annulée. On va refaire une AG ce lundi », a également indiqué un journaliste de La Tribune, autre média dans le giron du poids lourd du transport maritime, dont la rédaction avait voté massivement pour une grève mardi, jugeant « l’interventionnisme de Rodolphe Saadé et de sa filiale médias WhyNot Media (…) inacceptable ».
« Nos revendications d’indépendance qu’on présentera à la direction demain portent notamment sur le droit d’agrément de la rédaction en cas de nomination dans la direction de la rédaction, la création d’un comité de déontologie, entre autres. Des choses que la Provence va faire ratifier dans sa charte et que nous n’avons pas. C’est une +synergie+ mais par le haut cette fois », a ajouté le journaliste de La Tribune.
En octobre 2022, l’armateur est devenu propriétaire du groupe La Provence (quotidiens régionaux La Provence et Corse Matin). Il est entré fin 2022 au capital de M6, puis, début avril 2023, à celui du média vidéo en ligne Brut, avant de prendre le contrôle de La Tribune via le rachat du groupe Hima. Et vendredi dernier, il a annoncé le rachat d’Altice Media, qui comprend BFMTV et RMC.
Mobilisations chez Altice Media
Pointant les décisions « scandaleuses » prises à La Provence, les sociétés des journalistes de BFMTV et de RMC, ainsi que plusieurs syndicats d’Altice Media, avaient appelé vendredi à un « rassemblement symbolique » sur leur site et dans les rédactions en région lundi à 10H00.
La crise à La Provence est partie de l’annonce de la mise à pied du directeur de la rédaction pour la Une du quotidien de jeudi, barrée du titre « Il (Emmanuel Macron, ndlr) est parti et nous, on est toujours là…», reprenant les mots d’un habitant de la cité paupérisée de La Castellane, à Marseille, interrogé en page intérieure.
Le titre surplombe une photo montrant deux personnes, de dos, regardant passer une policière en patrouille dans cette cité de la deuxième ville de France, où le président de la République était venu par surprise mardi annoncer une opération « place nette XXL », qu’il présentait comme « sans précédent » contre le narcotrafic.
Cette citation « a été reprise en Une, sans être explicitement sourcée. Cette erreur dans la composition de la Une revêt un caractère problématique, certains lecteurs ayant cru que cette citation provenait de narcotrafiquants. Elle est à l’origine du rappel à l’ordre du directeur de la rédaction » estime dans son communiqué la direction, qui s’excuse par ailleurs auprès des lecteurs de la non-parution du journal samedi, dimanche et lundi.
Une déléguée syndicale du SNJ avait pourtant souligné que la rédaction n’avait reçu aucune plainte de lecteurs à la suite de cette Une, « juste quelques tweets d’élus locaux ». Une autre avait dénoncé des « pressions politiques » ayant conduit à la mise à pied d’Aurélien Viers.
« Au terme d’une discussion constructive engagée depuis plusieurs mois par la direction du journal, de la rédaction et les syndicats représentatifs de celle-ci, la charte d’indépendance éditoriale et de déontologie de La Provence sera promulguée d’ici le 15 avril », a indiqué la direction de La Provence.
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