Quand André Rousselet négociait avec Gilbert Gross pour les conditions d’achat de l’espace de Canal+ à ses débuts
Le 12 octobre paraîtra aux éditions Kero «A mi-parcours», un livre de 736 pages où André Rousselet raconte ses mémoires avec Marie-Eve Chamard et Philippe Kieffer.
100%MEDIA vous dévoile en exclusivité un extrait du livre dans lequel André Rousselet relate ses relations commerciales avec Gilbert Gross sur les conditions de commercialisation de l’espace de Canal+ :
Maintenant, le revers de la médaille, c’est le caractère de Gilbert… Chaque opération qu’il conduit, celle-ci pas moins qu’une autre, n’est pas dénuée d’arrière-pensée. Je ne suis pas dupe non plus d’une tactique où il excelle, à sa manière, pour rendre tant soit peu redevables ceux avec qui il fait affaire. Comme le montrera la suite de cet épisode… Au moment où nous avions créé la régie publicitaire de Canal Plus, au lancement de la chaîne, je lui avais demandé de nous donner un coup de main pour convaincre les annonceurs de venir sur l’antenne en achetant de l’espace chez nous.
Fidèle à lui-même, il m’avait dit «oui», à la condition expresse de bénéficier de 1% de remise supplémentaire par rapport à tous les autres sur l’espace qu’il nous achèterait. Je lui avais expliqué que c’était impossible, étant à la tête de Havas, son concurrent en matière d’achat d’espace, je ne pouvais évidemment pas m’engager de cette manière à défavoriser Havas. Mais c’était ça ou rien…
Finalement, dans la difficulté où nous étions de trouver de l’argent, je lui ai concédé l’avantage qu’il souhaitait, le temps d’aider au lancement et à l’installation de la chaîne. Il était clair que cette situation n’était pas appelée à perdurer. Il a fortement aidé Canal Plus à décoller publicitairement. Jusqu’au jour où la responsable de la régie, Marie-Christine Vendroux – une femme en tous points remarquable dans la défense de Canal Plus à ce poste – est venue me trouver en me disant : «Président, on ne peut pas continuer indéfiniment comme ça. L’avantage dont se prévaut Gilbert Gross devient un problème…». Elle avait raison. Tout en le remerciant d’avoir positivement contribué au sauvetage de Canal Plus, j’ai dit à Gilbert Gross : «Il est impossible de continuer ainsi. Je ne peux pas maintenir l’avantage consenti pour nos débuts…» Il n’a rien voulu entendre.
Apparemment, ce qui avait été clair dans mon esprit l’était moins dans le sien. Son côté «businessman» qui ne fait pas de quartier a pris le dessus. Soutenant ne voir «aucune raison» de revenir sur un accord conclu, il a tout fait, tout essayé pour garder ce point différentiel supplémentaire de remise. Les rapports se dégradant entre notre régie et lui, je lui ai signifié que nous devions mettre un terme à la faveur dont il bénéficiait. Nous sommes restés très amis, jouant souvent au golf ensemble, mais, croyez-le ou non, Gilbert Gross m’en veut encore de cette histoire comme si c’était hier. Pas plus tard qu’il y a quelques semaines, il est venu déjeuner chez moi, et ça n’a pas loupé, le repas ne s’est pas terminé sans qu’il me reparle de ce 1% auquel il avait «droit» – il y a maintenant trente ans ! – et sur quoi je n’avais pas cru bon de continuer à honorer un «engagement pris» !
C’est probablement la raison pour laquelle, tout en étant amis, je n’ai jamais été tout à fait du premier cercle de ses proches. Quelque part, pour être de ce cercle, il aurait fallu que je trahisse ma fonction, par amitié pour lui, en laissant perdurer cet avantage. C’est le versant quelque peu ambigu du personnage, et sa force, si on y cède : il faut accepter de se mettre en situation de lui devoir.
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