Salto : le grand saut vers l’inconnu
Que va devenir la plateforme de streaming français Salto alors que TF1 et M6 ont acté leurs retraits du capital, sans compter celui de France TV qui semble ineluctable ? Si Canal+ montre de l’intérêt au rachat, l’avenir de Salto se joue peut-être à l’étranger, alors que « le Netflix à la française » est plutôt en forme et semble gagner des abonnés.
France TV, TF1 et M6 : un pied dehors, un pied dedans
Pendant que TF1 et M6 ont acté leurs retraits du capital, France TV, qui avait déjà fait part de son souhait de quitter la tour de table, devrait également annoncer son départ. Mais qu’est-ce qu’un navire sans équipage ? Si les deux actionnaires sont partis et un est sur le départ, deux choix s’imposent à la plateforme : la faillite ou la reprise. Mais pour quoi ? TF1 et M6, qui n’ont pas pu fusionner, souhaitent développer leurs propres offres de streaming vidéo, notamment les plateformes payantes MyTF1Max et 6PlayMax.
Salto doit trouver un nouvel « actionnariat »
À la recherche de 45 millions d’euros afin de boucler son budget 2023, Delphine Ernotte présidente de France TV, Salto va devoir trouver un repreneur pour ses 800 000 abonnés. Les trois actionnaires viseraient une vente standard à un acteur tiers plutôt qu’un rachat des parts des autres. Pour subsister, Salto doit trouver un nouvel « actionnariat », a indiqué hier au Figaro Delphine Ernotte, la présidente de France TV. Le service de streaming, « a un avenir, mais pas avec l’actionnariat tel qu’il est aujourd’hui », a déclaré Delphine Ernotte. « Si demain il trouve un acquéreur, je n’aurai aucun problème à y laisser nos contenus », a-t-elle ajouté, sans préciser explicitement si France TV souhaitait également sortir du capital de Salto.
Canal+, pour asseoir son leadership français ?
Départ ou non, les trois actionnaires de Salto pourraient tout de même garder un pied dans la maison, annoncent plusieurs médias, en continuant, comme ils le font maintenant, de vendre les droits de leurs programmes à la plateforme selon le repreneur. Un acteur sort aujourd’hui du lot : Canal+.
La filiale de Vivendi serait ainsi sur les rangs pour muscler son implantation sur le secteur, alors que parallèlement, elle serait actuellement en négociation pour racheter OCS à Orange.
« Le groupe Canal présente un certain nombre d’avantages. Premièrement, son ADN, centré comme Salto sur la création française. Deuxièmement, la synergie des programmes possible avec ceux de Salto. Troisièmement, son offre intègre déjà MyTF1 et 6play. Un avantage en ce qui concerne les droits de difusion », nous indique Philippe Bailly, président de NPA Conseil
L’autre scénario étudié serait la liquidation pure et simple ou la reprise par un repreneur étranger.
La base d’abonnés de Salto pourrait aussi intéresser un acteur étranger souhaitant s’implanter en France. Les Échos ont avancé récemment le nom du groupe britannique Sky et celui du scandinave Viaplay.
Quid des abonnés ?
Le Baromètre OTT NPA Conseil / Harris Interactive confirme la fourchette de 800 000 à 900 000 abonnés mentionnée par Le Figaro, soit un nombre doublé par rapport au printemps 2021. À eux seuls, ces abonnés totalisaient plus de 3 % de la consommation de SVoD en France au troisième trimestre 2022, soit deux fois plus qu’à la même période de 2021. Assez loin de Netflix et Disney+, mais la plateforme tricolore enregistre une certaine dynamique…
S’agissant du profil des abonnés à Salto, il apparait plus jeune et plus féminin que celui du SVoDiste moyen. Le recrutement de la plateforme s’est aussi davantage effectué parmi les CSP-, et hors de la région parisienne. On peut supposer encore que son utilisation plus marquée via les canaux OTT (Smart TV, clé HDMI, box OTT) est aussi la conséquence de sa faible présence chez les FAI (Bouygues Telecom est le seul à distribuer Salto). « Attention donc au rachat du parc d’abonnés et au risque de discontinuité de l’offre. Si du jour au lendemain, il y avait un changement complet, une perte de repère, les risques de fuites d’abonnés sont beaucoup plus grandes, surtout dans un univers sans engagement. Pour qu’un transfert fonctionne, il faut que les abonnés y voient quelque chose en plus et non en moins », indique Philippe Bailly, avant de conclure : « la question des abonnés est tout aussi importante que celle du repreneur ».
Vincent Thobel
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