David Larramendy (M6 Publicité) : « Nous transformons notre modèle de TV classique vers un modèle mixte »
Après une année 2022 marquée par l’abandon de la fusion avec TF1 et du projet de vente par Bertelsmann, le groupe M6 se met en ordre de marche pour affronter les mutations du marché des médias. Le modèle TV classique est en pleine transformation vers un modèle mixte où le linéaire et non-linéaire sont réunis en plaçant la plateforme 6Play au centre de la stratégie. S’adaptant à l’érosion des audiences et au boom de l’audio digital, le pôle radio va connaitre des changements avec un nouveau modèle de commercialisation. Profitant du succès des émissions emblématiques, la stratégie de diversification doit se poursuivre. David Larramendy, directeur général de M6 Publicité est l’invité du lundi de 100%Media.
100%Media : Quel bilan faites-vous de l’année 2022 pour M6 Publicité, marquée par l’abandon de la fusion avec TF1 ?
David Larramendy : Le Groupe M6 est en ordre de marche pour relever les défis d’un marché en pleine transformation avec l’audace et l’agilité qui nous caractérisent depuis 35 ans. Nous comptons jouer pleinement notre rôle dans ce nouveau monde audiovisuel.
En 2022, le Groupe M6 a réalisé une année record en TV auprès de la cible commerciale sur la case stratégique du prime (27% FRDA-50). Sur cette même cible en prime, M6 a réalisé sa meilleure année depuis 10 ans avec de belles nouveautés comme Les Traitres, des marques emblématiques performantes et une offre d’information toujours plus puissante. 2023 a très bien commencé avec le retour de Qui veut être mon associé qui marche très fort notamment auprès du jeune public (35% de PDA auprès des 25-34 ans).
Côté radio, RTL, RTL2 et Fun Radio s’inscrivent dans une belle dynamique et affichent d’excellents résultats sur l’ensemble de l’année 2022 avec une part d’audience du Groupe à 18,4% pour 2022. Par ailleurs, RTL est 1ère radio de France d’après la nouvelle mesure d’audience EAR insights de Médiamétrie.
Notre plateforme 6play se porte très bien : 45M de Français l’ont visitée en 2022 en y passant 1h par jour en moyenne. L’un des enjeux dans le futur est d’élargir l’audience de 6play au-delà du replay des programmes TV. En 2022, 40% des utilisateurs ont déjà regardé des contenus inédits non diffusés en linéaire et nous allons continuer dans cette direction en investissant fortement dans le streaming dans les années à venir.
Au global, chaque mois, plus de 95% des Français consomment les médias du Groupe M6. Cette couverture très large, associée à nos innovations produits et nos opérations spéciales, permet à M6 Publicité d’accompagner les annonceurs avec succès dans leurs prises de parole.
L’effet drive-to-web du média TV est tout simplement unique
100%Media : Côté audiences, on voit que TF1 reste leader, mais la chaîne a connu sa plus faible année malgré une Coupe du Monde de football très positive. Autre point : l’érosion continue de la durée d’écoute, avec 15 minutes en moins par rapport à 2021. Quelle est votre vision sur l’avenir du média en version linéaire ?
D. L. : Chez M6, nous transformons depuis plusieurs années notre modèle de TV classique vers un modèle mixte, linéaire et non-linéaire, avec une présence élargie sur tous les supports. Nous allons chercher notre public là où il se trouve : en linéaire, sur 6play, notre plateforme AVOD et sur les réseaux sociaux. Notre partenariat avec Snapchat par exemple illustre notre capacité à dupliquer notre métier à un autre univers en éditant les extraits et monétisant les audiences sur une plateforme tierce.
Il faut également rappeler que la force de frappe instantanée du média TV reste incomparable, comme l’illustre l’impact d’un programme comme Qui veut être mon associé sur le business des candidats : lors de la 1ʳᵉ soirée, le trafic des sites des candidats a été multiplié par 13 en moyenne ! Certains ont réalisé un mois de vente en une soirée !
L’effet drive-to-web du média TV est tout simplement unique, sans même prendre en compte l’important effet de halo qu’il a pour les marques sur les plateformes et réseaux sociaux.
100%Media : Vous allez diffuser 18 matchs de la Coupe du Monde de Rugby, grâce à une sous licence signée avec TF1. Ce sera la première fois que M6 diffuse du rugby. Comment vous préparez-vous ? Le rugby peut-il autant rassembler que le football et générer autant de chiffre d’affaires ?
D. L. : Nous nous réjouissons de devenir diffuseur officiel de la Coupe du Monde de Rugby. Le fait que le tournoi se déroule en France et que notre équipe nationale fasse partie des favoris aura un effet entraînant pour l’ensemble de la compétition. Le rugby, comme le football, est un sport très rassembleur, avec des valeurs humaines fortes et une très bonne image. Son potentiel de chiffre d’affaires est donc important.
100%Media : Vous avez lancé 6Play Max, une version payante sans pub. Comment allez-vous articuler votre stratégie gratuite / payante dans un écosystème où les plateformes de streaming souhaitent se développer sur le marché publicitaire ?
D. L. : Le Groupe M6 est pionnier dans la plateformisation de son offre globale : en 2008, nous avons été les premiers à lancer une offre de replay avec 6play qui est désormais une véritable plateforme AVOD avec son catalogue exclusif. 6Play max est aujourd’hui une option de confort pour les utilisateurs souhaitant profiter des standards de visionnage premiums. Notre volonté est de continuer néanmoins à proposer un maximum de contenu financé par la publicité et accessible gratuitement. Le développement de notre offre AVOD est stratégique et nous allons accroître le développement de cette offre dans les années à venir. D’un point de vue régie, cela nous permet d’ajouter à notre large inventaire linéaire de l’inventaire digital de qualité, avec la même exigence de brand-safety et de qualité de la mesure.
Après avoir longtemps revendiqué le zéro-pub, les plateformes SVOD basculent toutes vers un modèle hybride abonnement / publicité. Nous considérons ce changement de paradigme avec intérêt. Le pricing élevé de Netflix montre que la télévision, tant linéaire que digitale, est probablement sous-valorisée, ce qui est intéressant pour les acteurs dits traditionnels. Nous ne sommes qu’au début de cette transformation et il va falloir du temps pour que l’inventaire disponible augmente et que les mesures d’audience soient certifiées par un tiers externe comme Médiamétrie.
Pour les annonceurs, tester Netflix aujourd’hui se fait plus dans une logique d’innovation et d’image que dans un objectif de réel apport de performances/couverture. Nous suivrons l’évolution de cette offre ainsi que l’arrivée des nouveaux acteurs comme Disney+.
Nous faisons très attention au respect du contrat d’écoute avec nos téléspectateurs.
100%Media : Un article du Parisien relaye un ras-le-bol des téléspectateurs face aux temps publicitaires sur les replays. Quelle est votre réponse ? Comment allier rentabilité sur une offre gratuite et acceptabilité de la publicité ?
D. L. : Je ne pense pas qu’il faille généraliser la frustration de certains à l’ensemble des consommateurs de catch-up. Nous faisons très attention au respect du contrat d’écoute avec nos téléspectateurs. Il y a entre 4 et 5 minutes de publicité en moyenne par heure sur 6play, ce qui représente une pression équivalente à ce que proposent les plateformes dans leur offre « avec pub » mais pour un contenu qui, lui, est gratuit. Cette pression publicitaire est par ailleurs plus faible qu’en télévision linéaire. En moyenne, le nombre de coupures publicitaires sur 6play ne dépasse pas 2 emplacements par vidéo même s’il peut y avoir des différences selon le profil des utilisateurs et le mode de connexion à la plateforme (IPTV, OTT).
De manière plus générale, dans un contexte fortement inflationniste, une très grande partie des Français se dit prête à visionner de la publicité pour avoir accès à du contenu vidéo gratuit. L’hybridation des plateformes en est l’illustration. Nous veillons néanmoins constamment à optimiser la publicité sur 6play pour améliorer l’expérience publicitaire : équilibrer la charge publicitaire sur l’ensemble des contenus, réduire les écarts entre les utilisateurs et optimiser la pertinence et donc l’acceptabilité des messages pour l’utilisateur grâce au ciblage.
100%Media : La TV adressée va connaître son essor en 2023. Quel est votre premier bilan ?
D. L. : La TV segmentée a décollé en 2022 avec davantage de couverture, le déploiement du prime time et du multi-spots ainsi que de nouvelles capacités de ciblage. Elle permet d’attirer de nouveaux annonceurs, notamment locaux, mais elle est également utilisée par des annonceurs historiques pour améliorer la couverture de leur campagne en ciblant les petits et moyens consommateurs TV.
En 2022, nous avons multiplié par 8 notre chiffre d’affaires et délivré 350 campagnes. 40% des annonceurs actifs au second semestre en sont déjà au moins à leur 2ème campagne, ce qui est un marqueur fort du succès de cette offre. Je pense que la croissance va se poursuivre sur un rythme fort en 2023 avec la progression des box éligibles, puisque 50% des box, soit 1/3 des foyers français, seront éligibles à la fin de l’année.
100%Media : Que représente la diversification de vos marques d’émission dans votre business ? Est-ce un centre de profit qui peut compenser l’érosion du média TV ?
D. L. : Les diversifications font partie de l’ADN du Groupe M6 qui s’est construit depuis 1987 dans un esprit entrepreneurial fort. L’idée générale a toujours été de capitaliser sur les actifs que nous avons réussi à développer au travers de nos marques et talents, leur proximité unique avec les Français, pour leur offrir une vie en dehors de la télévision en nous associant avec des spécialistes du métier. C’est le cas avec Stéphane Plaza Immobilier et ses 700 agences dans toute la France, la marque Top Chef qui se décline désormais en bistrot à Suresnes et bientôt dans toute la France, mais également avec la plateforme d’e-learning Academee dont le Groupe M6 est associé à 50%.
100%Media : Médiamétrie prépare sa nouvelle mesure cross media. Qu’en attendez-vous ?
D. L. : M6 Publicité joue un rôle central au côté de Médiamétrie afin que la mesure d’audience TV / Vidéo reflète toujours mieux la réalité des audiences et de leurs usages, mais aussi qu’elle réponde aux attentes des annonceurs dans le pilotage de leurs campagnes. La feuille de route de Médiamétrie est aujourd’hui claire avec un triple objectif : mesurer dès 2024 la consommation des contenus TV sur tous les écrans à domicile (aujourd’hui seul l’écran de TV est pris en compte), passer à une base d’audience France entière ainsi que lancer une mesure cross-media vidéo.
Cette mesure cross média vidéo est très attendue par les annonceurs et leurs agences et nous y sommes bien entendu très favorables. Nous serons néanmoins très vigilants sur les conditions de mise en œuvre de cette mesure et notamment sur la question des indicateurs communs à tous qui seront pris en compte pour le calcul des audiences. Il est impératif que ces indicateurs soient aussi exigeants que le sont ceux de la mesure TV actuelle. Tous les contacts ne se valent pas. Le temps d’exposition, la visibilité, la taille de l’écran, le son : tous ces éléments devront bien être pris en compte dans l’intérêt des annonceurs et de l’efficacité de leurs campagnes.
Nous le regrettons mais beaucoup d’agences médias et d’annonceurs considèrent encore la radio comme un pur média drive-to-store.
100%Media : On a eu l’impression que l’activité radio/audio n’était pas la priorité du groupe. Vous venez pourtant de réorganiser sa commercialisation en la différenciant du pôle TV/vidéo. Pourquoi ? Qu’avez-vous prévu pour 2023 ?
D. L. : Nous sommes très fiers de nos trois radios RTL, RTL2 et Fun. Elles sont, au même titre que nos chaînes de TV et de 6play, stratégiques pour notre développement. Les marché TV et radio, même s’ils partagent de grandes similitudes comme leur digitalisation rapide, sont d’un point de vue publicitaire aujourd’hui distincts. Nous le regrettons mais beaucoup d’agences médias et d’annonceurs considèrent encore la radio comme un pur média drive-to-store. Nous avons la conviction qu’il est bien plus que cela ! Comme les agences média sont aujourd’hui organisées avec des équipes de trading spécialisées par média, nous avons décidé de repenser notre organisation commerciale en 2023 autour d’un pôle TV d’un côté et Radio de l’autre dans un souci d’efficacité.
Cela ne nous empêchera pas de continuer à pousser pour que plus d’annonceurs, notamment FMCG, reviennent (ou viennent) en radio pour tester ce formidable média.
De notre côté, nous allons continuer de faire baisser la pression publicitaire sur nos antennes pour converger vers les 12 minutes horaires, ce qui selon nous sera triplement vertueux, à la fois pour les auditeurs, nos clients qui émergeront davantage et pour nous. Nous allons également accélérer le développement de l’audio digital qui sort d’une très belle année 2022 et qui a, avec toutes ses qualités, beaucoup de potentiel de croissance dans le futur.
Nous allons continuer de faire baisser la pression publicitaire sur nos antennes radio
100%Media : Médiamétrie a publié les dernières audiences. La nouvelle mesure automatique EAR Insights place RTL en tête sur 1 mois, alors que l’EAR de novembre – décembre 2022 vous place derrière France Inter. Comment s’y retrouver ?
D. L. : Comme pour la télévision, la mesure des audiences radio doit continuer d’évoluer pour suivre les usages. Cette nouvelle mesure EAR Insights, avec des chiffres fournis par une AIP, une audience automatisée, plutôt que via des déclaratifs par sondage, est très intéressante. Nous sommes bien entendu heureux d’en ressortir première radio de France, mais le plus important est ailleurs. C’est aujourd’hui une mesure complémentaire de l’étude principale, EAR, et Médiamétrie va continuer de l’améliorer dans les mois à venir. J’espère qu’à terme, elle pourra remplacer l’audience déclarative : cela renforcera la crédibilité du média et aura un effet positif sur le marché publicitaire radio.
100%Media : La transition écologique est centrale. Cette thématique va-t-elle impacter structurellement le marché de la publicité ?
D. L. : C’est certain. Tous les acteurs de l’écosystème se mobilisent pour répondre aux nécessaires évolutions à venir. La publicité a toujours anticipé les changements de comportement des Français.
On le voit aujourd’hui avec l’importance qu’a pris la publicité TV pour les véhicules propres, bien supérieure à la part des immatriculations qu’elle représente aujourd’hui. La publicité continuera d’accompagner avec responsabilité la société et les entreprises dans leur transition écologique et industrielle, et particulièrement la publicité TV qui est la plus à même de faire évoluer durablement les comportements.
Chez M6 Publicité, nous avons lancé très tôt un audit carbone de nos activités publicitaires avec Axionable, pour mieux comprendre et mesurer notre impact. Cela nous permet de participer activement aux initiatives du marché en matière de calculette carbone pour mesurer l’impact des campagnes publicitaires. Enfin, nous proposons des offres publicitaires « écrins » pour valoriser les communications responsables sur nos antennes, avec entre autres les offres 6green et Comportements Responsables, construites en partenariat avec l’ADEME.
D’un point de vue éditorial, le Groupe M6 est particulièrement engagé au travers de ses médias et valorise les enjeux environnementaux au cœur de ses programmes tout au long de l’année, avec un coup de projecteur particulier en début d’année à l’occasion de la Semaine Green qui revient pour sa 4ème édition du 5 au 12 février 2023 sur toutes les antennes du Groupe.
Propos recueillis par François Quairel.
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