Mort de Berlusconi : le magnat des médias à l’origine de l’échec de La Cinq en France
L’italien Silvio Berlusconi, décédé ce lundi à 86 ans, s’est révélé être un entrepreneur habile et innovant, notamment dans les médias, même s’il a manqué la révolution du numérique. Il a notamment lancé en France La Cinq en 1986 avant un échec retentissant.
« Silvio Berlusconi a inventé la télévision commerciale en Europe, en même temps que les Britanniques, alors que le continent vivait encore sous un monopole des télévisions publiques nationales », selon Carlo Alberto Carnevale Maffè, professeur de stratégie à l’Université Bocconi de Milan.
Il a conçu une télévision « très populaire, sur le même modèle que celui des tabloïds anglais, en amenant la vie quotidienne sur les petits écrans », rappelle-t-il.
Sa télévision fait la part belle aux jeunes femmes dévêtues, aux jeux et talk shows légers.
La Cinq, première chaîne privée gratuite en France
« Il avait créé une chaîne à l’italienne, avec des paillettes. C’était le côté champagne et filles qui dansent », se souvient Jean-Claude Bourret, passé sur La Cinq en 1987 après avoir été l’un des présentateurs stars de TF1.
La Cinq naît en février 1986, sous l’impulsion du président François Mitterrand. Il est partisan de la création d’une première chaîne privée gratuite en France, après le lancement réussi d’une payante, Canal+, en 1984.
L’industriel Jérôme Seydoux et le pionnier de la télévision privée en Italie, Silvio Berlusconi, sont choisis au terme d’un appel d’offres critiqué par les partisans d’une télévision à dominante culturelle.
Au contraire, La Cinq s’inspire de Canale Cinque, fleuron italien de Berlusconi, tendance populaire et paillettes.
La programmation ultra-généraliste mêle divertissements, séries américaines (« K2000 », « Supercopter »…), films grand public et figures de la télé française (Christian Morin, Roger Zabel, Alain Gillot-Pétré…) ou italienne (Amanda Lear qui présente le jeu « Cherchez la femme »).
Privatisation de TF1
Mais l’aventure française se complique rapidement. Jacques Chirac, devenu Premier ministre en mars 1986, privatise TF1 et résilie la concession de la Cinq.
En 1987, une nouvelle chaîne du même nom lui succède, menée par Robert Hersant, toujours en tandem avec Berlusconi.
La Cinq nouvelle mouture se fait peu à peu une place dans l’Audimat, même si elle n’est pas reçue dans certaines parties du territoire.
Mais l’audience de la Cinq, qui culmine à 13% en 1989, est trop faible pour rentabiliser une chaîne entièrement financée par la publicité et qui a beaucoup dépensé pour recruter des animateurs.
Liquidation judiciaire en 1992
Elle accumule les déficits et reçoit des amendes pour diffusion de programmes violents ou non-respect de quotas de diffusion.
Les actionnaires se divisent et Hersant jette l’éponge en 1990. Le CSA désigne le groupe Hachette, dirigé par Jean-Luc Lagardère, qui rêve de se lancer dans la télévision, pour gérer la chaîne. Berlusconi reste actionnaire, mais privé de tout rôle opérationnel.
L’ambition de Lagardère, qui tente de miser sur la qualité, se heurte à la réalité économique. Les pertes se creusent et la liquidation judiciaire de la chaîne, qui employait 900 personnes, est prononcée en 1992 au vu d’un passif déclaré qui approche quatre milliards de francs (soit 60 millions d’euros).
Elle cesse d’émettre le 12 avril 1992 après de multiples tentatives pour la sauver.
Sa disparition entraîne de vifs débats sur l’octroi de sa fréquence. Le gouvernement la préemptera rapidement pour lancer la chaîne franco-allemande Arte.
(Avec AFP)
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