Thomas Jamet (UDECAM) : « Les agences médias sont au cœur de l’écosystème de la communication »
Interview du lundi. Après un premier semestre difficile pour le marché publicitaire, l’UDECAM aborde la rentrée avec de nombreux chantiers en prévision. L’Union des Entreprises de Conseil et d’Achat Media, qui fédère 27 agences médias, doit reconduire son Conseil d’Administration le 27 septembre à l’occasion d’une assemblée générale. Sujets autour de la RSE, les jeunes talents, la transformation de la monnaie d’échange de la TV du GRP en CPM, la sauvegarde de l’écosystème média ou encore les compétitions d’agences : le président Thomas Jamet trace l’année dans une interview de rentrée à The Media Leader.
The Media Leader : Un an après votre élection à la tête de l’Udecam, quel bilan en faites-vous ?
Thomas Jamet : L’UDECAM n’a jamais été aussi utile et importante. Et pourtant le contexte ne nous a pas aidé ! Depuis un an, nous avons, en effet, vu les difficultés économiques se superposer à toutes les réinventions induites par la pandémie. Ceci a mis en évidence l’importance cruciale des agences médias, qui sont plus que jamais au cœur des stratégies et du succès business des annonceurs. Dans cette période plus difficile que prévu, toute l’équipe du Conseil d’Administration* élue à mes côtés il y a un an, a œuvré de façon remarquablement collective. Je crois que ce qui fait la marque de fabrique de notre association, c’est que nous avons vraiment été unis face aux défis du moment et utiles à toute l’industrie de la communication, de la publicité et des médias.
L’UDECAM s’est pour ceci profondément réinventée : nous avons repensé notre gouvernance et nos statuts avec une nouvelle équipe de permanents, avons participé à de nombreux chantiers avec l’interprofession de façon plus dynamique et participative, avons remis à plat le fonctionnement de nos commissions (qui travaillent pour toutes nos agences membres sur des dossiers de fond), pris position sur la RSE avec responsabilité, misé sur l’avenir avec une nouvelle commission jeunes talents, et également réinventé complètement le format des Rencontres de l’UDECAM.
Notre objectif est d’être utile à l’industrie avec des évènements innovants, vivants, concrets.
The Media Leader : Vous aviez en effet lancé un nouveau format pour les Rencontres de l’UDECAM avec trois matinées de conférences consacrées à des sujets spécifiques. Allez-vous reconduire cette formule ?
T.J. : Les Rencontres de l’UDECAM sont sans nul doute un des moments les plus attendus par la profession. Notre nouvelle formule recentrée autour de matinées de débats sur le fond des sujets, sans langue de bois, a été un succès incontestable en 2022-2023 suivi par plus de 2000 personnes et 90 experts sur des sujets du quotidien et d’avenir comme le trading, le digital et la RSE. Nous allons poursuivre la dynamique et accélérer avec deux rendez-vous pour cette nouvelle saison : le 14 novembre, nous proposerons une Rencontre sur le thème « Nouvelle mesure, nouvelle efficacité, nouveau trading » et le 12 mars 2024 sur le thème « Talents, expertise, valeur : people business ». Notre objectif, une nouvelle fois, est d’être utile à l’industrie avec des évènements innovants, vivants, concrets et nous l’espérons passionnants.
Nous souhaitons spécifiquement être particulièrement solidaires de tout l’écosystème des médias français.
The Media Leader : Vous avez lancé une commission jeunes talents. Quel est l’objectif ?
T.J. : Je tiens à préciser que cette commission n’est ni un gadget ni un gimmick. Nous l’interrogerons réellement sur de nombreux sujets et je m’y implique d’ailleurs personnellement. La genèse de l’idée vient du fait que notre métier est confronté à des difficultés d’attractivité, de recrutement, de fidélisation, comme dans d’autres secteurs de l’industrie de la publicité. Nous avons donc souhaité faire confiance à ces talents qui feront les agences médias demain et en tout premier lieu réfléchir avec eux aux leviers qui permettent aux jeunes de s’intéresser aux agences médias. J’ai d’ailleurs été très surpris par le succès rencontré : nous avons eu trois fois plus de candidats que nous l’espérions ! Il y a une vraie envie de participer à ce collectif, de la part des jeunes talents des agences, qui bûchent en ce moment sur leur plan d’action. J’ai hâte de le découvrir et de vous le présenter !
The Media Leader : Quels sont les autres chantiers ?
T.J. : Je crois que le maître-mot est la responsabilité. Nous souhaitons spécifiquement être particulièrement solidaires de tout l’écosystème des médias français, que nous voulons soutenir dans un contexte de plus en plus difficile. Nos actions futures seront marquées par cet engagement. En cette rentrée, nous signons également avec deux labels autour de l’engagement environnemental : ADNet Zero et DESI (Data Ethics, Sustainable Insight). Et pour que nos événements soient également responsables, nous allons chercher le label LEAD (Label Evénement à Ambition Durable) qui évalue les résultats d’un événement en termes d’éco-responsabilité.
The Media Leader : Concernant la monnaie d’échange du marché de la télévision et ce projet du passage du GRP au CPM, le SNPTV est favorable, l’Union des Marques semble dubitative. Quelle est votre position actuelle sur ce sujet qui va révolutionner le mode de commercialisation de la télévision en le rapprochant du digital ?
T.J. : C’est un sujet complexe pour lequel nous devons penser collectif et sur lequel il ne faut pas prendre de position hâtive. L’UDECAM est toujours très pragmatique, comme notre métier d’agence : notre travail quotidien est de défendre les annonceurs. Nous travaillons donc avec cette unique boussole sur ce chantier de la transformation du planning et du trading TV et nous voulons le faire avec tous. Des groupes de travail sont calés avec tout le collectif, l’Union des Marques et le SNPTV. Tout avance dans la concertation avec pragmatisme et optimisme !
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The Media Leader : La forte concurrence entre les agences médias peut-elle être handicapante dans le fonctionnement de l’Udecam ?
T.J. : Tous les talents des agences membres de l’UDECAM ont la chance de faire le même métier, qui est vraiment un job formidable et exaltant. Je me réveille tous les jours en me disant que je vais apprendre quelque chose de nouveau. J’ai la chance de travailler dans cette industrie, peuplée de gens bienveillants et brillants depuis plus de 20 ans, et l’honneur d’être engagé dans cette association depuis 2009 en tant que président de commission (Brand Content) puis plus récemment en tant qu’Administrateur et Vice-Président, pendant les mandats de Raphaël De Andreis (Havas) et Gautier Picquet (CEO de Publicis Media France, NDLR). Nous avons collectivement tous beaucoup de chance d’avoir un groupe comme l’UDECAM. Mais nous ne sommes un collectif que parce que nous avons aussi des intérêts individuels à défendre. L’UDECAM est utile à tous les niveaux des agences médias. Personne ne compte ses heures pour s’impliquer dans les travaux, notamment au sein du conseil d’administration et des commissions. J’ai aussi voulu poursuivre et accélérer un fonctionnement mis en place par mes prédécesseurs, notamment Gautier Picquet : celui de l’horizontalité, de la transparence et du partage. Toutes les décisions sont prises ensemble.
Notre mission est de toujours démontrer que les agences médias sont au cœur de l’écosystème de la communication, que nous sommes les garants de la productivité et de l’efficacité des stratégies de communication des annonceurs. Nous sommes les meilleurs alliés pour défendre leurs intérêts, qui sont aussi les nôtres. En cela, nous sommes unis, et c’est pour cela que nous avons donc tout intérêt à aller tous dans la même direction !
Les conditions des appels d’offres semblent se dégrader. Nous le regrettons. Une évolution devient nécessaire.
The Media Leader : Les compétitions sont au cœur du business des agences. La charte “la Belle Compétition” signée par l’AACC, l’Udecam, l’Union des marques et d’autres syndicats en 2014 doit-elle évoluer ?
T.J. : Les conditions des appels d’offres semblent se dégrader. Nous le regrettons. Une évolution devient nécessaire pour mieux encadrer l’accord que représentait la charte de « La Belle Compétition » en l’inscrivant dans un référentiel de « Responsabilité d’Entreprise ». Cette évolution a aussi un rôle de pédagogie auprès des annonceurs, qui n’ont malheureusement pas forcément le réflexe de se référer à la Belle Compétition. Nous allons lancer prochainement une étude en interne à l’UDECAM pour mesurer les impacts pour les agences média, en termes de coûts, d’enjeux de productivité du temps passés de nos talents. Il sera nécessaire de récolter des enseignements avant de démarrer de futurs chantiers avec nos camarades de l’interprofession. Nous aurons prochainement l’occasion de prendre clairement la parole à ce sujet.
The Media Leader : Le JDD a été au cœur d’une polémique cet été avec l’arrivée du nouveau directeur de la rédaction qui a entraîné une longue grève des salariés opposés à une nouvelle ligne éditoriale. Quelle est votre vision ?
T.J. : Tout d’abord, nous ne faisons pas de politique et nous ne sommes pas là pour dire ce qui est bien ou ce qui ne l’est pas. Ce qui caractérise les agences médias c’est l’objectivité. Nous nous basons sur des mesures et des données avant de prendre des décisions. Notre métier est de défendre nos clients et leur brand safety : si le contexte n’est pas opportun ou dangereux, nous prenons les décisions qui s’imposent, aidés par les outils dont nous disposons. L’UDECAM s’est pour autant fortement positionnée en faveur du vote de l’European Media Freedom Act (MFA) sur la liberté des médias devant la Commission Européenne qui aura lieu dans quelques jours. Elle vise à préserver la liberté et l’indépendance des médias dans l’UE, et lutte contre les ingérences politiques dans les médias, essentielle pour la brand safety. Nous avons souhaité qu’on y ajoute le critère de la question de la mesure d’audience, qui doit être transparente, comparable et vérifiable.
On peut espérer que la crise est derrière nous et que 2024 va être différent.
The Media Leader : Après un premier semestre difficile, le marché publicitaire va-t-il rebondir ?
T.J. : Après des prévisions de nos départements d’études des agences sur la santé du marché publicitaire pour l’année 2023 allant de +3% à +7,5%, le premier semestre s’est effectivement montré très timide. Nous sommes raisonnablement confiants pour une reprise dès septembre, que nous appelons de nos vœux, espérant qu’elle accompagne la rentrée et la reprise économique. N’oublions pas que le marché publicitaire est intimement corrélé au PIB et que beaucoup de prévisionnistes annoncent un retour de la consommation et une baisse des prix. Nous sommes prudents, mais on peut espérer que la crise est derrière nous et que 2024 va être différent, a fortiori en France avec de nombreux événements populaires comme les Jeux Olympiques ou encore la Coupe du Monde de Rugby, qui commence bientôt.
The Media Leader : L’UDECAM est partenaire du prix Agence Media de l’année dont la 11ème édition vient d’être lancée. En quoi cet événement est-il important pour l’écosystème ?
T.J. : Nous sommes naturellement partenaires de l’événement depuis le début ! Cette année, le prix a opéré quelques vrais changements qui vont dans le bon sens ! À noter que le jury est composé exclusivement d’annonceurs, avec un souhait de totale transparence, des méthodologies accessibles facilement et la parution objective des notes décernées. Les nouvelles catégories de prix couvrent un grand nombre de métiers et s’inscrivent dans les tendances actuelles, comme les démarches environnementales ou inclusives. Ce Prix Agence Média a un effet mobilisateur pour les équipes, qui sont ainsi fières d’appartenir à leur agence. C’est également un outil incontournable pour les annonceurs, qui leur permet de situer les points d’attraits des agences. Nous le soutenons et appelons les agences à s’inscrire !
* Le Conseil d’administration de l’UDECAM est composé d’Arnaud Baudry d’Asson (OConnection), Vice-Président ; Laurent Broca (Havas), Vice-Président ; Anne-Sophie Cruque (Publicis Media), Trésorière ; Pierre Calmard (Dentsu) ; Mathieu Morgensztern (GroupM) ; Patrick Gouyou-Beauchamps (Values.Media) ; Emmanuelle Soin (OMG)
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