Que doit-on attendre des Etats généraux de l’information ?
Lancés ce mardi, les États généraux de l’information ont pour but de défricher les problématiques liées à un secteur en crise. Concentration des médias, fake news, défiance envers le métier de journaliste et arrivée de l’IA, quels en sont les principaux enjeux ?
Pour Christophe Deloire, délégué général du comité indépendant qui pilote ces États généraux, qui s’achèveront avant l’été 2024, « le but est d’aboutir à un plan d’action ». Si le périmètre est très large, il est amené à parler au plus grand nombre, notamment hors de la sphère journalistique. « On veut partir des citoyens, en allant leur parler là où ils sont », continue le délégué général. Afin de garantir le doit à l’information à l’heure du numérique, les États généraux auront pour mission de proposer des mesures fiscales, législatives et budgétaires.
La place de l’IA dans le débat
Selon une étude de la London School of Economics, près de trois quarts des répondants ont estimé que des outils comme ChatGPT, capables de générer du texte, représentaient de « nouvelles opportunités pour le journalisme ». Mais plus de 60% ont exprimé des inquiétudes sur la qualité éditoriale, la précision ou l’équilibre. Son utilisation est aujourd’hui questionnée à l’heure où Google prospecte dans les rédactions (« New York Times », le « Washington Post » et le « Wall Street Journal »…) afin de vendre son outil de rédaction d’articles. Parallèlement, Onclusive licencie, en France, 209 salariés dédiés à la veille média sur 447 pour les remplacer par une intelligence artificielle.
Concentration des médias et indépendance
Vincent Bolloré, Daniel Kretinsky, Xavier Niel, Rodolphe Saadé, de nombreux médias français appartiennent à des groupes privés ou à des milliardaires. « Ces États généraux doivent permettre d’articuler réalités économiques et principes démocratiques », veut croire Christophe Deloire. Cela a d’ailleurs fait l’objet d’une commission d’enquête sénatoriale en 2022. Dans le même temps, nombre d’observateurs font valoir que sans gros financeurs privés, la survie des médias n’est pas garantie.
Une question revient d’ailleurs régulièrement, celle de l’indépendance éditoriale vis-à-vis de ces actionnaires. L’épisode du Journal du Dimanche nous l’a d’ailleurs rappelé. Beaucoup y ont vu la main du milliardaire ultra-conservateur Vincent Bolloré, dont le groupe Vivendi est en passe d’avaler Lagardère, propriétaire du JDD. Lagardère s’en est défendu. « Ce serait une erreur de penser que les États généraux sont une réponse à Bolloré, c’est beaucoup plus large », affirme Christophe Deloire.
Fake news et défiance
Distinguer le vrai du faux : « l’éducation à l’information » et sa « fiabilité » seront l’un des enjeux, à l’heure où les réseaux sociaux rebattent les cartes chez les jeunes. Selon le baromètre Kantar – La Croix publié en janvier, ces plateformes sont la deuxième source d’information des Français de 18 à 24 ans, derrière les journaux télévisés. Et au niveau mondial, le réseau chinois TikTok est utilisé par 20% des 18-24 ans pour accéder à l’info, avec les risques de désinformation qui vont de pair, selon un récent rapport de l’institut Reuters.
Autre sujet : la perte de confiance dans les médias, tendance de fond des dernières années. Plus de la moitié des sondés (54%) de ce même baromètre pense ainsi que « la plupart du temps, il faut se méfier de ce que disent les médias sur les grands sujets d’actualité ». Des journalistes à la peine face à des lecteurs en manque de confiance. Parallèlement, la protection des sources fait une apparition au menu de ces États généraux. Propulsé sur le devant de la scène par la récente garde à vue de la journaliste de Disclose, Ariane Lavrilleux, après une enquête sur une mission de l’armée française en Égypte.
À lire aussi
La rédaction de Marianne refuse finalement le rachat par Pierre-Edouard Stérin
La rédaction de Marianne s'est finalement opposée jeudi au rachat du magazine par Pierre-Edouard Stérin, qu'elle avait accepté dans un premier temps, au lendemain d'un article du Monde sur ses liens avec le RN, a-t-elle annoncé dans un communiqué.
À lire plus tard
Vous devez être inscrit pour ajouter cet article à votre liste de lecture
S'inscrire Déjà inscrit ? Connectez-vous