L’écosystème publicitaire digital doit se débarrasser des MFA. Interview de Thibaud Chevalier, Directeur du Digital de 366
Bonjour Thibaud. Vous avez récemment publié sur Linkedin un post sur ce qu’on appelle les sites MFA. Pouvez-vous détailler en quoi ces sites sont un problème ?
Thibaud Chevalier : L’industrie publicitaire programmatique doit constamment faire face à des phénomènes qui dégradent la chaîne de valeur de l’annonceur à l’éditeur et impactent les utilisateurs, compromettant la transparence et la sécurité, ce qui conduit à une perte de confiance globale.
Ce n’est pas nouveau dans l’industrie, mais ces derniers temps, le sujet prend de l’ampleur, surtout avec la récente annonce outre-Atlantique concernant Forbes. Les MFA (made-for-advertising ou made-for-arbitrage), ces sites de faible qualité conçus uniquement pour attirer des investissements publicitaires, sans considération pour l’expérience utilisateur ni pour la véracité des informations, créent un biais important sur le marché.
En quoi est-ce un danger pour la chaine de valeur de l’écosystème digital français ?
T.C. : Je vais répondre par quelques chiffres : tout d’abord 21% des impressions mondiales sont aujourd’hui attribuées à des sites MFA, ce qui détourne un cinquième du marché en volume ! En valeur cela veut dire, 15% des dépenses publicitaires qui se dirigent vers ces sites. C’est donc 15% de la valeur du marché qui ne revient pas aux autres éditeurs de contenus, notamment aux journalistes. Au final l’ANA estime que 22 Md$ sont gaspillés au niveau mondial, notamment sur ce type de sites. Nous n’avons pas le détail sur la France mais le phénomène est important.
Face à cette prolifération, il est crucial de réagir et d’arrêter de financer ces sites qui alimentent la désinformation et dégradent la confiance des Français dans les médias.
Qu’attendez-vous concrètement du marché ?
T.C. : Les agences peuvent prendre des initiatives structurantes, comme celle de GroupM avec “Back to News” qui vise à orienter les investissements des annonceurs vers des sites d’informations proposant des contenus crédibles et vérifiables. Idéalement il faudrait aussi qu’elles décident d’exclure les sites MFA des listes de diffusion.
Les solutions d’ad vérification sont en train de déployer de nouvelles fonctionnalités permettant aux agences et annonceurs d’identifier ces sites MFA. Il y a une vraie légitimité à garantir la sécurité des campagnes publicitaires programmatiques. Les enjeux autour du programmatique ont historiquement toujours été focalisés sur la notion de maîtrise de la diffusion ; c’est le moment d’aller plus loin.
Pensez-vous que cette problématique ait été identifiée par les annonceurs ?
T.C. : Peut-être pas de façon généralisée mais certains grands annonceurs sont très conscients du problème. Ce qui est sûr, c’est que la problématique de la qualité des contenus et la préservation du journalisme font partie de leurs préoccupations, donc c’est peut-être le bon moment pour se saisir du problème des MFA.
On peut imaginer qu’à l’avenir, dans la foulée du colloque organisé récemment à la Sorbonne par l’UDECAM et l’ACPM, les annonceurs définissent des guidelines de répartition vertueuse de leurs investissements publicitaires, qui privilégient les sites qui contribuent le plus à l’équilibre de notre société démocratique. Le critère du moindre impact carbone qui commence à arbitrer les supports montre que les annonceurs peuvent donner du sens à leurs investissements. Pourquoi pas un sens plus sociétal ?
Nous avons au sein de 366 et avec nos médias territoriaux une grande sensibilité à ces questions de la valorisation d’une information sincère et vérifiable. Avec la proximité et l’exclusivité des informations que nos éditeurs produisent, ce sont les piliers de nos valeurs. Veillons ensemble à ce que ces valeurs soient préservées.
The Media Leader n’a pas participé à la rédaction de ce contenu.
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