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Rodolphe Saadé (CMA CGM) à l’Arcom : « Je n’aime pas être numéro 2 ! »

Rodolphe Saadé (CMA CGM) à l’Arcom : « Je n’aime pas être numéro 2 ! »
Rodolphe Saadé (CMA CGM) et Nicolas de Tavernost devant l'Arcom. Crédit : François Quairel

C’est une nouvelle étape qui a été franchie dans le rachat d’Altice Media par l’armateur CMA CGM. Les deux parties, le vendeur et l’acheteur, ont été auditionnées par l’Arcom ce jeudi. Les délégations ont défendu le projet. L’occasion de voir pour la première fois, côte à côte, Rodolphe Saadé, PDG de CMA CGM et son nouveau Monsieur Médias : Nicolas de Tavernost.

C’est l’opération qui va animer le monde des médias dans les semaines à venir. Avec un chiffre d’affaires de 362 millions d’euros et 900 journalistes, le 3ᵉ groupe privé audiovisuel veut changer de main. CMA CGM a choisi de s’offrir Altice Media, la maison mère de BFMTV, RMC, RMC Story et RMC Découverte pour 1,55 milliard d’euros. Si l’opération se réalise, l’armateur marseillais prendra 80% d’Altice Media, les 20% restants allant à la holding familiale, Merit France. Une cession soumise à l’autorisation de l’Arcom et de l’Autorité de la Concurrence. Si le second devrait se prononcer favorablement tant le groupe CMA CGM est vierge dans le secteur de l’audiovisuel, le régulateur des médias semble vouloir étudier cette prise de contrôle avec minutie.

Success story de BFM et RMC

« L’agrément concerne uniquement les autorisations en cours et ne préempte pas les autorisations en cours d’appel » a précisé le président de l’Arcom Roch-Olivier Maistre en introduisant les deux auditions publiques successives : l’équipe de Patrick Drahi représenté par Arthur Dreyfuss, PDG d’Altice France, et celle de CMA CGM menée par Rodolphe Saadé. Ainsi, tous les regards se tournent aussi vers la procédure d’attributions de 15 fréquences TNT qui se tient parallèlement à cette demande de changement d’actionnaire. Les auditions des candidats auront lieu pendant la première quinzaine de juillet et concerne notamment le navire amiral d’Altice : la chaîne BFMTV.

La première audition menée par le PDG d’Altice France entouré, notamment, du patron de l’info Hervé Béroud et Raphaël Porte, DG de la régie publicitaire, a été une forme de bilan des deux dernières décennies. « En 20 ans, le groupe RMC et BFM a changé des chaînes en partant d’une radio indépendante », a retracé Arthur Dreyfuss, rendant hommage à Alain Weill, le repreneur de la moribonde RMC en 2000 qui a lancé ensuite BFMTV, devenue la première chaîne info de France. Depuis le rachat par Patrick Drahi, en 2015, Altice Media a vu son résultat multiplié par trois, a rappelé Arthur Dreyfuss, et est le groupe le plus rentable sur le marché ».

L’expression a rapidement tourné autour du projet du futur propriétaire, qui souhaite conserver le management actuel. « Avec ce projet de cession, s’ouvre une nouvelle ère alors que l’industrie des médias doit se transformer. (…) Nous pensons que l’année 2024 sera déterminante » a souligné le dirigeant. « Nous nous réjouissons de voir arriver un entrepreneur avec une vision à long terme comme Rodolphe Saadé. (…) Ce projet de changement de contrôle se résume en trois mots : développement, stabilité et ambition ». 

Restitution de fréquences TNT locales

Seule ombre au tableau du projet de CMA CGM : l’obligation de restituer les fréquences TNT des chaînes locales BFM Alsace et BFM Lyon concernées par la réglementation qui interdit une revente de fréquences dans les 5 ans suivant leur attribution. « Nous recandidaterons. Mais en attendant, rien ne changera pour les grilles et les équipes. Ces chaînes continueront d’opérer sur l’ensemble des espaces digitaux et FAI » a rassuré Arthur Dreyfuss. Autre détail du projet : les chaînes RMC Sport 1 et RMC Sport 2 resteront dans le giron de SFR.

Investissements et maintien des équipes

L’équipe de CMA CGM, menée par Rodolphe Saadé et Nicolas de Tavernost, recruté il y a quelques semaines, a détaillé les contours de son projet pendant moins d’une heure. Le président de l’Arcom Roch-Olivier Maistre n’a pas manqué de taquiner l’ex-patron du groupe M6 : « Nous aurions été déçus de ne pas vous retrouver ! ». Réponse de Rodolphe Saadé : « Vous l’avez retrouvé au bon endroit ! »

L’homme d’affaires franco-libanais a rappelé l’épopée de son groupe et comment son père a fondé la CMA avec un seul bateau qui faisait des liaisons entre Marseille et Beyrouth. « Depuis, CMA CGM est devenu le 3ᵉ armateur mondial avec 650 navires, 5 avions-cargos, 20 000 camions, plus de 1000 entrepôts et 160 000 collaborateurs dans 183 pays et a été le premier à aller en Chine ». Tout en rappelant la stratégie de son groupe qui a vu ses revenus bondir après la crise du Covid : « Notre succès s’appuie sur l’investissement au service du développement de l’activité du groupe. 90% de nos bénéfices ont été réinvestis dans l’entreprise ».

Rodolphe Saadé compte ainsi appliquer la même philosophie dans les médias qu’il voit comme une diversification. « Nous sommes une entreprise avec une vision de long terme et avons une politique de croissance. Je souhaite faire la même chose chez Altice Media : le développement et le maintien des équipes, a-t-il promis. Je donnerai des moyens à Altice Media pour redevenir un acteur de premier plan. Je n’aime pas être numéro 2 ! ». Un clin d’œil aux dernières audiences TV mensuelles qui a vu CNews doubler BFMTV en part d’audience.

Indépendance éditoriale

L’échange avec les collèges de l’Arcom a tourné autour de l’indépendance éditoriale, alors que La Provence a connu un mouvement de grève en mars dernier. « Je n’interviendrai pas dans les lignes éditoriales. Nous négocions une charte de déontologie à La Provence, nous maintiendrons à l’identique celle d’Altice Media. (…) Je prône un modèle qui garanti à l’accès à une information libre et nuancée », a-t-il voulu rassurer. Le groupe de médias, chapeauté par la nouvelle holding CMA Médias, sera divisé en deux entités, le pôle presse dirigé par Jean-Christophe Tortora, autour de La Tribune et La Provence, et le pôle audiovisuel avec Arthur Dreyfus à sa tête. Il n’y aura pas de directeur de l’information en commun, « car les réglementations sont différentes » a précisé Nicolas de Tavernost.

Sur ses futures ambitions dans les médias, Rodolphe Saadé, actionnaire minoritaire de M6 et Brut n’en a pas dit plus. « Une fois l’intégration (d’Altice Media, NDLR) réalisée, je souhaite regarder des investissements à l’étranger » a-t-il expliqué sans préciser s’il comptait racheter le groupe M6 comme certains l’imaginent. Mais ce sera une autre histoire…

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