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Ce que Utiq va changer dans l’écosystème de la publicité en ligne

Ce que Utiq va changer dans l’écosystème de la publicité en ligne
Après avoir dirigée Orange Advertsing, Sophie Poncin prend la tête de l'activité française d'Utiq.

Interview du lundi. Les opérateurs télécom européens Deutsche Telekom, Orange, Telefonica et Vodafone se sont réunis dans une co-entreprise pour développer leur plateforme de publicité numérique. Baptisée Utiq, cette solution fournit un service de consentement authentifié pour donner aux consommateurs plus de contrôle, de transparence et de protection sur leurs données. Elle sera uniquement disponible pour les annonceurs via ID Fusion, la solution d’identité universelle d’Adform. Sophie Poncin, ex-directrice déléguée d’Orange Advertising France, vient de prendre la tête de l’adtech en tant que managing director France. Elle est l’invitée de 100%Media.

100%Media : Le projet d’identifiant publicitaire alternatif aux cookies tiers d’Orange, Vodafone, Deutsche Telekom et Telefonica annonce son lancement commercial en France. Pourquoi les opérateurs ont-ils souhaité lancer leur solution ?

Sophie Poncin : Nous sommes sur le terrain de l’innovation et l’innovation, c’est dans l’ADN des opérateurs. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que les opérateurs jouent un rôle stratégique dans le marché de la publicité digitale. Regardez la TV segmentée : c’est l’illustration parfaite d’une volonté des opérateurs d’innover et de coopérer pour créer de la valeur.
Notre propre industrie est fondée sur l’innovation, et le contexte de fin des cookies tiers est le catalyseur de la fin d’un cycle qui rebat les cartes en redonnant le pouvoir aux utilisateurs. Ce nouveau paradigme devient un enjeu majeur pour tous les acteurs et les grands gagnants d’aujourd’hui ne seront pas forcément en capacité de le rester demain.
Ce tournant donne l’opportunité à de nouveaux entrants de réinventer un écosystème plus responsable, basé sur la souveraineté numérique des utilisateurs, des éditeurs et des marques. C’est précisément la mission que se sont donnés les opérateurs à travers Utiq en créant des solutions alternatives, transparentes et respectueuses des utilisateurs.

100%Media : En quoi est-ce nouveau par rapport aux solutions existantes et en quoi est-ce innovant ?

S.P. : Pour bien comprendre, il faut distinguer aujourd’hui deux types de solutions sur le marché : les « déterministes » et les « probabilistes » qui restent assez limitées, soit en termes de reach, soit en termes de sécurité des données, ou bien encore en scalabilité cross devices.
Les solutions Utiq se distinguent radicalement car elles reposent sur trois assets fondamentaux : l’approche Privacy by design, le niveau de reach élevé issu du mapping de la population par les opérateurs et enfin la capacité de faire du cross devices.
En d’autres termes, la technologie unique des opérateurs télécom nous permet de reconnaître les utilisateurs de manière déterministe, à une échelle beaucoup plus importante et sur tous les devices, mobile browsing et applicatif, desktop, et pourquoi pas demain CTV/IPTV.

Nous pensons que la solution Utiq est complémentaire à Google. Elle permet au marché d’assurer une continuité dans ces cas d’usage tout en étant centrée sur le consentement éclairé du client.
Sophie Poncin

100%Media : Comment vous positionnez-vous face à Google ou Apple qui ont leurs solutions ?

S.P. : Nous cherchons tous à préserver l’écosystème de la publicité en ligne, en fournissant une solution permettant d’adresser les trois principaux besoins de l’industrie : le ciblage des audiences, la maîtrise de la fréquence d’exposition et le tracking du ROI.
La différence fondamentale, c’est la méthode. Google propose une solution centrée autour de son navigateur, qui vient redéfinir le mode de fonctionnement de la publicité en ligne tel qu’on le connaît aujourd’hui.
Coté Utiq, nous fournissons une brique technique permettant l’identification et la préservation de la vie privée des utilisateurs, qui vient s’inscrire dans les schémas de la publicité en ligne actuelle, sans remettre en cause les rôles des différents acteurs qui existent aujourd’hui (SSPs, DSPs, CDP, etc.) mais en les supportant.
Google a pris la décision de ne plus utiliser des IDs mais d’avoir une approche par cohorte. C’est une autre façon d’adresser la privacy mais qui re-questionne tous les cas d’usage de la publicité digitale (capping, ciblage, remarketing, mesure, attribution…).
Nous pensons que la solution Utiq est complémentaire. Elle permet au marché d’assurer une continuité dans ces cas d’usage tout en étant centrée sur le consentement éclairé du client.

100%Media : Comment cela va-t-il fonctionner pour les clients des opérateurs ?

S. P. : Lors de leur navigation sur des sites ayant intégré la solution Utiq, les utilisateurs clients des opérateurs partenaires se verront demander leur consentement, via une popin, pour mettre à disposition du site un identifiant unique, pseudonomisé.
Côté expérience client, notre service de consentement authentifié va bien au-delà du simple recueil puisqu’il propose un « Consent Hub », c’est-à-dire une interface centralisée qui permet à chaque utilisateur de gérer tous ses consentements de manière simple et transparente.
Cette démarche est fondatrice de notre stratégie « people first » qui vise à replacer l’utilisateur au centre, dans un objectif de contribuer à un monde digital plus responsable, basé sur la confiance.
Côté éditeur, il est important de préciser que si un utilisateur ne donne pas son consentement à Utiq, cela n’invalide en aucun cas celui qu’il lui aurait donné via sa CMP. L’éditeur n’a donc rien à perdre mais au contraire tout à gagner.

100%Media : Quel est le calendrier de mise en production et la roadmap globale ?

S. P. : La solution est pour l’instant activable sur le web mobile 3/4G, puis d’ici décembre seront pris en compte le wifi, le mobile applicatif, l’internet fixe. Et pourquoi pas demain la CTV/IPTV.

100%Media : Avez-vous déjà des clients ?

S. P. : Le bureau français a été lancé début juin, mais l’entreprise Utiq existe depuis plusieurs mois. Des discussions avec des éditeurs et des annonceurs étaient déjà ouvertes et aboutiront à des tests de juillet jusqu’en septembre. Le déploiement commercial démarre maintenant.

la 1st party data devient plus que jamais la matière première nécessaire à tout acteur qui voudra rester dans le jeu.
Sophie Poncin

100%Media : Pensez-vous que le marché est prêt à la fin des cookies tiers en 2024 ?

S. P. : Pour évaluer si le marché est prêt ou non, il y a trois points importants à prendre en compte : le ciblage des audiences, la maîtrise de la fréquence d’exposition et le tracking du ROI.
Si l’industrie a fait beaucoup de progrès ces dernières années sur la partie ciblage des audiences sans cookies tiers, notamment via les solutions contextuelles ou la croissance de la donnée first party éditeur, il reste encore du chemin à parcourir pour être prêt sur la maîtrise de la fréquence d’exposition ou le tracking du ROI. Utiq entend bien venir apporter une solution y compris pour la maîtrise de la fréquence d’exposition et le tracking du ROI.
Les solutions Google restent encore très floues pour le marché : ce n’est qu’à partir de cet été que des tests pourront être faits en France et uniquement sur Topics (ciblage). Pas de visibilité sur les autres solutions de retargeting, capping, mesure…
Côté IDs, beaucoup d’acteurs se sont positionnés avec des approches différentes. Les agences et les plus gros annonceurs ont commencé des tests mais les volumes de bids request transitant ces IDs restent très faibles. Trop pour que le marché puisse vraiment bien comprendre les différentes approches, les tester et se préparer.
Une chose est sûre, c’est que la 1st party data devient plus que jamais la matière première nécessaire à tout acteur qui voudra rester dans le jeu.
Une étape importante se joue maintenant pour les publishers qui ont jusqu’à début 2024 pour implémenter les solutions alternatives d’IDs et ne pas dépendre que de la demande Google.

100%Media : Comment fonctionne la structure pour éviter les inconvénients liés à une gouvernance à plusieurs têtes ?

S. P. : Utiq fonctionne comme toute entreprise constituée d’actionnaires, en l’occurrence les quatre opérateurs européens qui possèdent autant de parts chacun et qui ont un accord très équilibré laissant l’opportunité à Utiq, son CEO Marc Bresseel et son équipe de direction, de prendre les décisions nécessaires au développement de l’entreprise.

100%Media : Vous quittez Orange Advertising. Pourquoi avoir accepté de remplir cette mission ?

S. P. : Ce projet a été lancé il y a maintenant plus de 2 ans et ma position chez Orange ainsi qu’à l’AF2M m’a placée aux avant-postes de son évolution. J’ai pu ainsi mesurer, dès sa genèse, l’ambition du projet, l’engagement des opérateurs et d’Orange en particulier qui est monté au capital de Utiq et bien sûr toute la dimension innovation dans la proposition de valeur.
Par ailleurs, mon métier à la régie me rend très consciente d’un marché à la croisée des chemins, qui va devoir se réinventer sur des bases plus saines. C’est pourquoi la mission de Utiq qui est de favoriser l’émergence d’un écosystème plus responsable et plus équilibré résonne fortement pour moi.
Et franchement, une entreprise d’adtech, européenne, fondée par des acteurs aussi emblématiques que les quatre opérateurs leaders européens, c’est suffisamment rare pour ne pas se refuser ! Même si ce n’est pas facile de quitter la belle maison Orange…

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