Clément Bascoulergue (IAS) : « Avoir une mesure tierce, c’est une manière d’aider les plateformes à contrôler les contenus »
Dans un contexte de polarisation des débats, de désinformation, de temps forts électoraux et de l’arrivée des Jeux olympiques à Paris, comment les annonceurs peuvent-ils faire campagne dans un environnement brand safe ? Clément Bascoulergue, country manager France d’Integral Ad Science, nous répond dans TheMediaLeader.tech.
The Media Leader : Vous avez annoncé une multitude de partenariats sur le social. Est-ce l’avenir d’IAS d’aller sur toutes ces plateformes ?
Clément Bascoulergue : Effectivement, la première plateforme ouverte à la transparence et la mesure de la Brand Safety c’est TikTok. Ils ont lancé cela avec nous il y a deux ans. TikTok qui arrivait un peu après les autres sur le marché pub, a senti ce besoin d’apporter de la réassurance et de conforter les annonceurs. Ensuite, ce fut assez long, Meta a pris la décision, en fin d’année, d’ouvrir la mesure de la Brand Safety et la Brand Suitability également sur son réseau.
Nous regardons deux choses : le contenu qui précède la vidéo, et celui qui suit. Nous scannons tous les contenus qui encadrent les campagnes.
On va vraiment processer sur la vidéo, le texte, les images, l’audio… on va tout analyser pour s’assurer que ce qui entoure le message de la marque est safe.
Ce fut une énorme bascule. À la suite de l’annonce de Meta, nous venons d’annoncer Snap, également Pinterest. Aujourd’hui, sur toutes les plateformes sociales, c’est un prérequis d’offrir la transparence et le contrôle sur les environnements.
Donc, nous avons commencé avec Meta en début d’année sur les catégories classiques de Brand Safety et Suitability et nous annonçons une nouvelle brique : la partie désinformation, fake news. C’est une formidable accélération sur le nombre de plateformes que l’on couvre, les catégories et la protection des annonceurs. La désinformation est un enjeu crucial cette année, avec les multiples périodes électorales, les contenus autour des J.O, le dopage, etc. Il y a vraiment des problématiques de fake news sur ces réseaux, la capacité d’identifier la désinformation est clé sur ces plateformes.
The Media Leader : Est-ce le sens de l’histoire pour les plateformes de travailler cette respectabilité ou est-ce un concours de circonstances vis-à-vis de l’actualité ?
C.B : C’est effectivement le sens de l’histoire et aussi une histoire de responsabilité, dans le sens où aujourd’hui ces plateformes captent une énorme partie de l’investissement publicitaire. Elles se doivent d’offrir une transparence, une manière de sécuriser les achats pour les annonceurs, comme elles captent la plus grande partie des budgets. C’est une capacité, une question d’équité sur le marché pub, entre ceux qui sont mesurés en open web et ces plateformes.
D’un point de vue citoyen, ces plateformes représentent les contenus les plus consommés, et donc avoir une mesure tierce, c’est aussi une manière de les aider à contrôler les contenus qui sont postés chez eux. Aujourd’hui, les plateformes font un très bon travail de curation des vérifications, cependant il y a tellement de contenus UGC mis en ligne chaque seconde, chaque minute, qu’il est important que des tiers les aident.
Aujourd’hui, quand on fait de la vérification, c’est avant tout pour permettre à un annonceur de s’assurer de ce qu’ils achètent, mais c’est aussi pour aider ces plateformes. Lorsque l’on détecte des contenus problématiques, on prévient les plateformes également pour les aider à filtrer ces contenus. C’est aussi un enjeu de les aider à sécuriser leur réseau.
Aujourd’hui, quand on fait de la vérification, c’est avant tout pour permettre à un annonceur de s’assurer de ce qu’ils achètent
Si l’on revient sur la désinformation, ces plateformes étant les plus investies, les plus consommés, il est clé pour les annonceurs de pouvoir s’assurer qu’ils ne financent pas des contenus qui sont de la désinformation et qui vont nourrir l’internaute sur les contenus consommés. Aujourd’hui l’enjeu est réellement à un niveau de pub, mais également à un niveau citoyen global pour s’assurer que l’on arrive à sécuriser et cleaner au maximum les informations et les contenus postés.
The Media Leader : Aujourd’hui, un outil comme Total Media Quality est-il fiable à 100% ?
C.B : La fiabilité à 100% est impossible. On ne va pas promettre des choses qui ne sont pas faisables, toutefois nous c’est notre métier. Ça fait plus de quinze ans que c’est notre spécialité d’identifier des contenus qui sont non safe et qui présentent un risque. Sur la partie de fake news, on a un partenariat avec une entreprise qui s’appelle Global Disinformation Index, qui nous aide aussi à identifier des trends de fake news, des sujets ou encore des traits communs de fake news pour les identifier le plus vite possible. On vient compléter le travail qu’ils font avec notre expertise et notre spécialisation.
Ensuite, pour les annonceurs, c’est aussi avoir, non pas une plateforme de curation, mais également un tiers qui vient le vérifier. Les deux enjeux, c’est que l’on apporte notre expertise, une surcouche de protection et qu’ensuite cela soit vérifié, encadré par un tiers. Nous intervenons, pour vérifier cela, c’est un double bénéfice. Nous extrayons de la vidéo et identifions, les logos et les célébrités. Nous allons tout détecter dans la vidéo pour nous aider à qualifier son niveau de risque. C’est assez fascinant.
Nous avons acquis Contexte, il y a deux ans, dont le métier est de scanner les vidéos pour identifier le plus de faisceaux possibles. Ensuite, avec l’intelligence artificielle, tout ça est globalisé pour arriver à classer les vidéos sur un niveau de risque qui va du faible risque jusqu’à un risque très élevé. Honnêtement, c’est assez bluffant de voir la capacité de détection et de recenser énormément d’éléments dans une vidéo.
C’est assez bluffant de voir la capacité de détection et de recenser énormément d’éléments dans une vidéo
The Media Leader : Les J.O de Paris arrivent et des sujets dans lesquels la géopolitique et la communication sont en train de se percuter. Aujourd’hui, est-ce qu’une situation alarmante, voire dangereuse, peut-être détectée par vos outils ?
C.B : Ce qui est sûr, c’est que le sujet est malheureusement plus présent que jamais. Il y a effectivement les élections, les JO… Il y a aussi à l’actu à Gaza, l’actu en Ukraine… Si nous avions échangé il y a quatre ans, il y aurait eu d’autres sujets, positifs comme négatifs. En ce moment, les deux conflits militaires sont extrêmement polarisants, et les élections politiques prennent une ampleur extrêmement forte sur les réseaux.
La réalité, c’est que beaucoup de personnes qui viennent chercher l’information sur les réseaux sociaux. La manière de consommer l’information est différente aujourd’hui, ce qui crée des biais pour accélérer la diffusion de fake news. Je pense qu’aujourd’hui, la diffusion de fake news se fait majoritairement via les réseaux sociaux plutôt que via des sites qui sont plus difficiles à identifier.
The Media Leader : La fraude à la publicité est évidemment un de vos cœurs de métier. Un scandale est né sur le site de Forbes qui utilisait un sous domaine MFA et affichait plus de 200 publicités par page. L’information qui montre que la fraude concernait plus de 25% des impressions achetées par certains annonceurs t’a-t-elle étonnée ?
C.B : C’est un sujet qu’on a adressé nous lorsque l’on a sorti notre solution MFA (made for advertising) avec une approche qui nous différencie. En effet, nous allons différencier les sites qui vont être des coquilles vides, qui sont là pour récupérer l’investissement publicitaire, c’est ceux-là qu’on va mettre dans les MFA. Typiquement, ce sont des sites qui sont dénués de trafic naturel et qui vont attirer leur audience uniquement parce qu’ils ont des liens sponsorisés, des clics…
The Media Leader : Ce sont ces liens sous forme de liens sponsorisés type Outbrain ?
C.B : Exactement. Nous allons donc identifier des sites qui n’ont aucune existence hormis via ces liens. C’est vraiment cela que l’on met dans les MFA. C’est-à-dire, des sites qui n’ont aucune audience naturelle, ainsi, ils ont uniquement de l’acquisition de trafic via des clics, des liens sponsorisés… Ces sites-là, nous identifiions la provenance du trafic, et en parallèle, nous identifions un second problème qui est celui de l’encombrement publicitaire. Nous regardons pour les annonceurs les sites avec de l’audience, mais qui seront peut-être très encombrés.
Par exemple, il est possible d’aller sur la même typologie de contenu sur Kate Middleton sur Gala ou encore Voici, mais c’est un choix, car nous connaissons ces sites. Ils ont quand même un contenu journalistique et une essence derrière, mais qui pour autant peuvent être très encombrés et vont dégrader l’expérience pour les annonceurs. Nous scindons vraiment ces deux phénomènes car dans le cas de Forbes ce qui est intéressant, c’est un cas qui mêle un peu tout cela, c’est-à-dire qu’il y a vraiment deux pathologies, deux problèmes différents.
Ce sont des sites qui sont dénués de trafic naturel et qui vont attirer leur audience uniquement parce qu’ils ont des liens sponsorisés, des clics…
The Media Leader : Donc le sous domaine et l’encombrement publicitaire ?
C.B : Exactement. Nous scindons les deux problématiques pour permettre aux annonceurs d’identifier des sites MFA et des sites encombrés. Sachant qu’un site MFA peut être encombré, mais un site éditeur peut être encombré sans être un MFA. Nous les aidons à naviguer dans cet univers. Ce qui est important c’est que, très souvent, la pathologie première que l’on voit, c’est l’encombrement pur. C’est pour cela que l’on fait cet effort de scinder les deux car un site éditorial peut être très encombré, mais a quand même une audience naturelle.
Il est donc crucial pour nous de scinder les deux problématiques pour être aussi le plus juste possible dans l’appréciation et dans le traitement du problème pour que les annonceurs aient vraiment en tête le problème principal. Depuis le mois d’avril, l’ensemble des clients IAS en bénéficie. C’est un sujet pris à bras-le-corps par tous nos clients et qui commencent déjà à faire le ménage de manière assez forte dans leurs achats.
The Media Leader : Analytics, est-il l’un de vos concurrents ?
C.B : Pas vraiment. Ils sont un peu comme Sleeping Giants. En effet, ils vont plutôt épingler des marques ou des pratiques. Nous ne faisons pas cela. Nous ne sommes donc pas réellement concurrents direct, ils sont plutôt lanceurs d’alerte.
The Media Leader : Thalès a fait un rapport avec Bad Robots 2024, qui révèle que les robots représentent la moitié du trafic Internet aujourd’hui (49,6%). Est-ce étonnant ? Quel est l’impact global sur le marché publicitaire d’Internet ?
C.B : Cela fait très longtemps que l’on est sur des proportions comme celles-ci. Il faut faire attention parce que quand on dit robots, il y a « de bons et de mauvais robots », par exemple, l’IA Google. Il existe des entreprises qui utilisent des crawler sur Internet et qui vont générer beaucoup de consommations. Par exemple, quand nous protégeons un client, c’est aussi un crawler qui passe sur les pages.
The Media Leader : 32% des sondés déclarent que ce sont des robots plutôt malveillants…
C.B : C’est pour cela effectivement qu’ils sont problématiques. C’est un phénomène, la fraude, que l’on continue de monitorer au plus près. Ce qui est intéressant, c’est de voir qu’aujourd’hui la fraude va surtout s’orienter sur les nouveaux devices.
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