Commission d’enquête sur la TNT : que doit attendre des conclusions ?
Au bout de six mois de bras de fer politiques et d’auditions souvent mouvementées, de Vincent Bolloré à Cyril Hanouna, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’attribution des fréquences TNT rend sa copie mardi.
Contrôle plus serré des chaînes, renforcement de l’arsenal en cas de manquements, pluralisme… Des premières pistes ont été révélées mardi dernier, à l’occasion d’une réunion houleuse de la commission qui a fini par adopter le rapport du député LFI Aurélien Saintoul, malgré des désaccords.
Au total, 47 propositions sont attendues, dont 9 du rapporteur à titre personnel – un compromis trouvé avec la majorité présidentielle. C’est une « victoire » pour l’insoumis qui redoutait que ses travaux ne soient enterrés, et alertait d’une possible « censure ».
Avec d’autres macronistes et des LR, le président de la commission d’enquête Quentin Bataillon (Renaissance) avait fixé ses lignes rouges : pas de remise en cause de « l’avenir de la TNT », alors que M. Saintoul met sur la table la suppression du modèle payant de Canal+, ou le principe d’une redevance pour les titulaires de fréquences.
Et pas question non plus pour M. Bataillon de s’en prendre à « la liberté de la presse », face au rapporteur qui suggère le renoncement aux éditorialistes sur les chaînes d’information.
L’élu LFI souhaite que les autorisations sur la TNT de C8 et CNews, 2e chaîne d’info, ne soient pas renouvelées. A ses yeux, ces propriétés de Canal+ vivent « de l’abus » et « du contournement des règles ».
M. Saintoul prévoit en outre deux signalements à la justice, après étude de documents et auditions des responsables de chaîne, a-t-il indiqué, sans autre précision.
Le député a effectué un « contrôle sur pièces et sur place » chez Canal+, dans le giron de Vincent Bolloré.
Hasard du calendrier, les prétendants aux 15 fréquences de la télévision numérique terrestre (TNT) remises en jeu cette année, dont C8 et CNews, doivent remettre mercredi leurs dossiers de candidature au régulateur, l’Arcom. L’autorité indépendante choisira les titulaires à l’été.
Camp contre camp
C’est ce processus qui avait suscité à l’automne le lancement de cette commission d’enquête par le groupe LFI. Ses travaux ont plutôt pris des allures de feuilleton à rebondissements, sous le feu des projecteurs.
Dans la ligne de mire des insoumis, les dirigeants du groupe Canal+ ont affirmé en audition être « sur toutes (leurs) obligations de bons élèves ». L’animateur Cyril Hanouna, qui a valu à sa chaîne C8 un total de 7,5 millions d’euros d’amendes, a dénoncé un « acharnement ».
Dans une rare intervention publique, Vincent Bolloré a lui assuré ne pas intervenir sur les contenus et a nié vouloir promouvoir « une idéologie » d’extrême droite, ce dont il est régulièrement accusé.
Rapidement, Eric Ciotti (LR) comme Marine Le Pen (RN) ont accusé la commission de partialité.
En point d’orgue, Quentin Bataillon est venu début avril sur le plateau de Cyril Hanouna, où il a critiqué Yann Barthès, le présentateur de l’émission concurrente « Quotidien » (TMC) … qu’il avait également auditionné. Cette séquence a valu à l’élu de la majorité de vives remontrances, jusque dans le camp présidentiel.
La ministre de la Culture Rachida Dati a tenté de rester au-dessus de la mêlée, récusant toute « collusion » avec Vincent Bolloré et assurant n’intervenir aucunement dans l’attribution des fréquences.
A mi-parcours de la commission, le Conseil d’Etat a donné du grain à moudre aux parlementaires : à la suite d’un recours de Reporters sans frontières, l’instance a demandé à l’Arcom de renforcer son contrôle de CNews et de toutes les télévisions et radios.
Au total, pour Aurélien Saintoul, « l’enjeu est fort: c’est celui de la représentation de la société par elle-même » sur les écrans. « Cette fonction est dans les mains d’une oligarchie », estime celui qui veut « rendre la télé au peuple ».
Un député macroniste lâche : « il n’atteindra pas son objectif. C8 et CNews sont apparues en victimes et LFI leur a offert la plus belle des protections politiques ».
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