Florian Grill (Cospirit) : « Le nouvel appel d’offres d’Aldi est encore une opportunité de grandir »
Interview. Après avoir remporté la stratégie média d’Aldi il y a 2 ans, Cospirit a pris une nouvelle dimension en consolidant sa place d’une des premières agences indépendantes.
Spécialisée dans le local, l’agence poursuit son développement depuis Lyon et annonce qu’elle se positionne sur le budget européen du distributeur allemand avec le réseau Local Planet. Si le retail est un axe stratégique important, elle vise également les comptes institutionnels. Sur tous les fronts, son PDG Florian Grill a impulsé l’association Les Relocalisateurs et pourrait devenir le prochain président de la Fédération française de Rugby.
100%Media : Quel bilan faites-vous de ce début d’année 2023 ?
Florian Grill : Pour Cospirit et ses 240 collaborateurs, c’est une nouvelle année de croissance (+15% après les +30% de 2022) et d’affirmation de nos idées.
Tout d’abord, nous plaidons pour un meilleur équilibre entre médias nationaux et médias locaux au profit du local qui est un levier majeur de l’attention. A titre d’exemple, le groupe travaille avec plus de 1500 régies. Pour être efficace, il ne faut pas gommer la complexité du local, mais la faire sienne. Raison pour laquelle nous avons développé nos propres outils technologiques qui permettent de faire des plans media locaux @scale et donc à grande échelle.
Nous plaidons aussi pour un meilleur équilibre entre GAMAM et médias des territoires. Quand le marché digital est investi à 67% dans les GAMAM, chez Cospirit la part GAMAM est à 49%. Chaque fois que c’est possible et au moins aussi efficace, nous privilégions une alternative. Nous ne sommes pas anti-GAMAM mais voulons, pour nos clients, éviter une trop forte dépendance. C’est aussi un enjeu de pour le pays car les médias de nos territoires génèrent du pouvoir d’achat et de l’emploi local et offrent des contenus éditoriaux filtrés par des journalistes. Un enjeu démocratique à l’époque des fake news.
100%Media : Le contrat portant sur la stratégie média d’Aldi arrive à échéance au 31 décembre 2023, après 2 ans de collaboration. A l’époque, vous aviez surpris en remportant ce budget en tant qu’agence indépendante. Quel bilan en faites-vous aujourd’hui ?
F.G. : Le marché avait annoncé que nous ne saurions pas gérer un tel compte qui était forcément réservé à une agence média des Big 6. Tout s’est déroulé sans aucun accroc. Pas un retard sur une mise en ligne de campagne et des performances médias améliorées. Nous gérons aux côtés des équipes d’Aldi non seulement les médias nationaux, mais aussi les médias locaux, l’affichage longue conservation ainsi que le catalogue et sa transformation dans le cadre de l’émergence du duo Stop Pub / Oui Pub. La démonstration est faite que les indépendants ont leur place sur notre marché.
CITATION : Nous gérons aux côtés des équipes d’Aldi les médias nationaux, les médias locaux, l’affichage longue conservation ainsi que le catalogue – Florian Grill
Nous gérons aux côtés des équipes d’Aldi les médias nationaux, les médias locaux, l’affichage longue conservation ainsi que le catalogue
Florian Grill
100%Media : Etes-vous candidat au renouvellement de ce marché ? Si oui, quelle est votre stratégie pour être reconduit ?
F.G. : Bien sûr. Cet appel d’offres est même une opportunité de grandir puisqu’il est international et couvre la France, mais aussi le Benelux, l’Espagne, le Portugal et la Pologne. Avec Local Planet, notre réseau international d’agences médias indépendantes, nous couvrons tous ces pays. La France et les Pays-Bas sont les deux plus gros pays de l’appel d’offres et nos deux agences Cospirit (Local Planet France) et Abovo (Local Planet Pays Bas) donnent totale satisfaction. Cospirit investit tous les ans 10% de son CA en tech et data et nos outils pour le reporting ou le local sont parfaitement exportables dans les autres pays du pitch.
100%Media : Vous venez de remporter la stratégie média de la région Bretagne. En quoi ce type de clients est important ?
F.G. : Nous croyons à l’ancrage local. Les régions sont souvent les premiers annonceurs localement. Avec elles, nous découvrons parfois de nouvelles régies qui passent sous les radars. Nous enrichissons aussi notre connaissance de la diversité des profils de population, territoire par territoire.
100%Media : Hormis remporter à nouveau Aldi, que visez-vous pour les deux prochaines années ?
F.G. : Nous avons 3 axes de prospections :
– le retail, car nous disposons d’outils et de compétences uniques sur le marché avec une vision 360° des investissements médias du national au local en passant par le hors média où nous savons gérer la transformation du catalogue vers le local ou le digital.
– les marques avec notre expertise sur le retail media qui explose et qui vient compléter des plans médias nationaux. A l’heure de la disparition des cookies, il est essentiel de communiquer au plus près de l’acte d’achat.
– les comptes institutionnels (nationaux, régionaux ou locaux) car nous savons gérer la complexité des appels d’offres et qu’ils comprennent plus que tout autre l’enjeu de meilleurs équilibres.
100%Media : Comment Cospirit se démarque dans l’univers concurrentiel ?
F.G. : Nous avons fait faire une enquête sur Cospirit par un cabinet indépendant spécialisé sur la RSE. L’étude montre que nous fidélisons clients et collaborateurs pour des durées très largement supérieures à la moyenne marché (2 à 3 ans). Nous pensons depuis toujours que la croissance est d’abord le fruit de la fidélisation des équipes et des clients.
Après, le fait d’investir tous les ans 10% de notre CA en tech et data avec des outils propriétaires, d’avoir inventé des méthodologies comme « la France de » qui prouve que la France d’Aldi n’est pas celle de Carrefour ou d’appréhender les médias de manière globale (médias nationaux, médias locaux, hors média et retail media) sont des atouts forts.
Enfin, notre combat pour une communication régénérative qui nourrit les territoires avec plus de local et un meilleur équilibre versus les GAMAM rencontre les attentes du marché mais aussi celles des équipes.
Nous fidélisons clients et collaborateurs pour des durées très largement supérieures à la moyenne marché
Florian Grill
100%Media : Existe-il encore un clivage agences Big 6 vs agences indépendantes ?
F.G. : Non, il n’y a pas de clivage et nous sommes membres à part entière de l’UDECAM, mais sommes aussi heureux de nous rencontrer comme indépendants au sein de l’AAMI.
Par contre, nous avons la chance d’être totalement maîtres du temps et des investissements. Je suis d’une famille de vignerons. Je connais le temps long et les investissements à 3, 5 ou 10 ans ne me font pas peur. Être indépendant donne cette souplesse et cette agilité que le rythme d’un reporting trimestriel à tenir coûte que coûte ne permet pas forcément.
100%Media : Vous avez été à l’initiative de l’association Les Relocalisateurs. Un an après, vous avez convaincu une quinzaine d’adhérents dont des agences concurrentes comme Dentsu ou Publicis. Qu’attendez-vous de cette action collective ?
F.G. : Notre combat pour un meilleur équilibre entre médias locaux et médias nationaux, mais aussi entre médias des territoires et GAMAM, est un enjeu de société. Si nous voulons vraiment bouger les lignes, il faut qu’un maximum d’acteurs soient impliqués, annonceurs, régies mais aussi agences médias. Notre responsabilité était de le partager avec tout le marché.
Cospirit, 366, France Télévisions, JCDecaux et Adot sont les fondateurs. Atteindre les 15 membres, c’est un chiffre très rugby qui me plait bien. Plus sérieusement, je suis très fier que des agences médias comme Publicis ou Dentsu rejoignent ce combat. Sur ce terrain, nous sommes dans une forme de « coopétition ».
100%Media : La fin des prospectus papier est un véritable bouleversement pour les stratégies médias locales de la grande distribution, dans un contexte de concurrence autour des prix. Que proposez-vous à vos clients ? Quelles sont les solutions de remplacement ?
F.G. : Je pense que le prospectus a une vraie opportunité avec l’avènement du Oui Pub recommandé par la convention des citoyens pour le Climat. Si les distributeurs Mediapost et Milee jouent le jeu en proposant des tarifs intéressants, je pense qu’on peut passer d’un « média subi » (on le reçoit sans l’avoir demandé) à un « média désiré » (on ne le reçoit que si on le demande).
Dans ce cadre, je ne crois pas au remplacement mais à une complémentarité avec le prospectus en zone Oui Pub où il est demandé (cela pourrait concerner plus de 50% des Français), du média local physique, du média local digital et l’enrichissement des bases CRM des clients.
100%Media : Comment voyez-vous évoluer le marché publicitaire cette année après un premier trimestre de ralentissement ?
F.G. : Le local est en train de prendre sa place dans tous les médias avec par exemple la TV segmentée pour la TV, le DOOH pour l’affichage etc. Je pense qu’il s’agit d’une tendance lourde.
Sinon, nous avons, depuis un peu plus de 6 mois, commencé à construire nos propres algorithmes de prévisions des investissements publicitaires. C’est encore un peu tôt pour certifier de leur pertinence mais à date, ils s’avèrent pertinents. Nous tablons sur une courbe qui devrait s’inverser avec une reprise des investissements sur le deuxième semestre, même si l’année 2023 devrait être inférieure à 2022. En 2024, hors gros évènement imprévisible, le marché publicitaire devrait retrouver une dynamique positive.
Le local est en train de prendre sa place dans tous les médias
Florian Grill
100%Media : Les deux prochaines années vont être très riches pour le sport média en France. Comment répondez-vous aux demandes des annonceurs dans ce contexte ?
F.G. : Au-delà du sport média, je veux mentionner le rôle du club de sport et du rugby en particulier. La société s’est longtemps organisée autour de clochers. Elle s’organise aujourd’hui autour d’associations qui sont des endroits clés pour le lien social. Le tissu associatif est complexe, mais c’est là que de nouveaux liens se créent et nos sociétés ont besoin de lien. Les annonceurs doivent s’y intéresser.
100%Media : Vous semblez faire la course en tête pour succéder à Bernard Laporte à la Fédération française de Rugby. Pourquoi êtes-vous candidat au poste de Président de cette fédération ?
F.G. : Parce qu’avec les équipes de bénévoles qui m’entourent, nous avons un vrai projet qui est de transformer la FFR en Fédération à mission. Le rugby a un rôle sportif qui est une évidence, mais aussi un rôle éducatif et citoyen.
Dans notre projet, nous voulons développer les sections de rugby santé (pour les femmes en rémission du cancer du sein, pour les diabétiques, pour les obèses…), les sections de rugby adapté (pour les personnes en situation de handicap), soutenir les clubs qui agissent dans les Quartiers Prioritaires de la Ville (QPV) ou dans les Zones de Revitalisation Rurales (ZRR), inciter les clubs à monter des opérations de job datings pour les chômeurs de longue durée avec le Rugby à 5 qui se pratique en mixité et sans choc, etc.
On parle beaucoup des valeurs du rugby, mais nous préférons les nourrir avec de vraies idées et actions qui donnent du sens au plus petit club local comme à celui du plus haut niveau.
Nous voulons apporter la preuve que donner du sens en relançant le rugby par la base permet de mieux performer. 100% de nos joueuses et nos joueurs en Equipe de France sont issus de petits clubs de proximité. Le maillage est essentiel. Tout se joue localement là aussi.
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