Gautier Picquet (Publicis Media) : « La publicité joue définitivement un rôle positif sur la société »

INTERVIEW DU LUNDI. Après une année 2023 historique, Publicis Media, comme l’ensemble du groupe, a réalisé un début d’année très dynamique (revenus en hausse de 5,4% au S1 2024). En France, le CEO Gautier Picquet vient de réorganiser son management avec l’arrivée d’Olivier Baconnet pour diriger le trading. Après des JO de Paris qui ont mobilisé les équipes, Publicis Media annonce des initiatives en matière de performance responsable et prépare le déménagement de son campus parisien pour l’an prochain avant le centenaire du groupe en 2026. Gautier Picquet fait sa rentrée ce lundi dans The Media Leader.

The Media Leader : La France a vibré pour les JO de Paris cet été. Comment évaluez-vous l’impact pour le marché et Publicis Media ?

Gautier Picquet : Les Jeux olympiques et paralympiques, c’est un événement monumental, non seulement pour le sport, mais surtout et avant tout pour les Français… et pas que !! Évidemment, par ricochet, pour le marché publicitaire. Pour Publicis Media, l’événement a représenté une opportunité unique de donner la possibilité à des marques de se connecter avec un public engagé, pluriel et positif. Partenaires ou pas.
Le climat sociétal a totalement changé en 24 heures : Nous sommes passés du doute – bien français – à une extrême fierté sincère et partagée, dont la France avait besoin. Du questionnement au devoir d’y être. D’un pays divisé à un pays unifié…. Pour quelques jours… Ce moment unique a apporté bien plus qu’un surplus d’investissement publicitaire. Quelle fierté ! Quelle période incroyable à vivre ! Chez Publicis Media, nous avons eu l’honneur d’être le partenaire media du CIO et ainsi être au cœur du dispositif et mobilisés 24 heures sur 24. Cela a été une aventure magique qu’on aimerait revivre encore et encore.

La télévision a prouvé une fois de plus qu’elle est un média puissant, universel, capable de rassembler et fédérer des millions de téléspectateurs autour d’événements majeurs.

The Media Leader : La télévision a atteint des niveaux records d’audience. L’impact sera-t-il durable pour ce média qui a été challengé par les géants de la tech et les plateformes ?

G.P. : Le meilleur message à retenir, qu’il va falloir garder en tête et savoir dire à nos clients, c’est que la télévision a prouvé une fois de plus qu’elle est un média puissant, universel, capable de rassembler et fédérer des millions de téléspectateurs autour d’événements majeurs. La télévision est le média du présent et de l’instant de l’événement. Nous devons faire confiance à ces grands carrefours d’audience que sont les grands événements sportifs, et globalement tous les événements qui rassemblent. Avec les Jeux Olympiques, la télévision a pu toucher et rassembler presque 100 % des Français (et je ne suis pas loin). C’est extraordinaire.

The Media Leader : Quel sera l’héritage pour les marques et globalement pour le marché ?

G.P. : La préparation a été très importante dans nos organisations et dans notre travail avec les marques. Il y a quatre ans, nous avons lancé Publicis Sport, avec conviction mais avec aussi beaucoup d’incertitudes. Et il y a deux ans, tout s’est accéléré. Le pari fut gagnant. Nous avons eu la chance d’accompagner de très grands partenaires qui ont bénéficié d’une visibilité inégalée. Les Jeux Olympiques de Paris ont souvent pu renforcer leur image, leur notoriété et ces marques ont pu bénéficier de l’état d’esprit et du sentiment positif que les Français avaient alors. Il ne faut jamais oublier que le sport incarne l’excellence, le dépassement, le collectif et l’unité. Tout cela va pouvoir nourrir le territoire de marque, même après l’événement. A nous d’exploiter et faire vivre cet univers au-delà du moment que nous vivons.

La publicité joue définitivement un rôle positif sur la société : économiquement, sociétalement et socialement !

The Media Leader : Étant les moins carbonés et les plus paritaires, ces JO n’ont-ils pas aussi montré que la publicité pouvait avoir un impact positif sur la société ?

G.P. : Oui, c’est certain, et nous pouvons là encore en être fiers ! On peut certes encore faire mieux, mais célébrons déjà ce qui a été fait. Un pas de géant a vraiment été franchi en matière de responsabilité. La publicité joue définitivement un rôle positif sur la société : économiquement, sociétalement et socialement ! Nous l’avons encore démontré, non seulement sur les sujets climatiques, mais aussi sur la célébration de la diversité, l’inclusion et le vivre-ensemble. Chez Publicis Media, nous sommes engagés sur toutes ses dimensions, comme tout le groupe Publicis. C’est notre responsabilité de leader, c’est comme cela que nous entendons pratiquer nos métiers pour nos talents, nos clients et nos partenaires et surtout nous le devons à l’ensemble de la société.

The Media Leader : Publicis Media a mené le naming de la Ligue 1 avec McDonald’s. Les polémiques autour de l’attribution des droits TV ont-elles eu un impact sur les marques partenaires ?

G.P. : Je fais une grande différence entre les polémiques dans les médias et ce que pense le consommateur et le fan de foot. Le football unit tout simplement les Français. McDonald’s est l’une des marques les plus proches des Français. Pour nous, associer la Ligue 1 et McDonald’s était assez logique. Le vrai travail qu’on a à faire est de s’éloigner des polémiques médiatiques et de maximiser les opportunités business pour nos clients afin de toucher leur cible et de répondre à leurs enjeux. Après, tout le reste, c’est peut-être regrettable ou justifié, mais c’est de la polémique. Notre seule ambition et mission : “Comment je protège ma marque et comment je réponds aux défis marketing posés ?”. Je ne pense pas que le consommateur qui va s’acheter un Big Mac soit si touché aujourd’hui par l’attribution des droits télé.

The Media Leader : Netflix bat des records en Bourse après des upfronts réussis aux États-Unis et un chiffre d’affaires publicitaires en forte hausse. The Media Leader avec Publicis Media organisent d’ailleurs la première édition du Connected TV Paris Summit le 16 octobre. En quoi les plateformes sont-elles en train de bouleverser durablement le marché de la vidéo ?

G.P. : C’est le grand bouleversement du moment et là encore tant mieux ! Ça bouge, c’est vivant et plein d’opportunités pour tous.
Ce succès pour Netflix, il est avant tout aux États-Unis. Nul doute qu’il va continuer à s’étendre. Les plateformes bouleversent le marché et les chiffres sont excellents pour tout le monde. En France et en Europe, nous avons une offre riche et diversifiée. Nous avons vu le succès des Jeux olympiques de Paris, notamment sur France Télévisions, mais au-delà tout au long de l’année 2024 avec de formidables lancements et innovations. Je crois davantage en la force des contenus que des canaux ! Que ce soit pour les plateformes, mais aussi pour tous les médias.
Quand le contenu est bon, l’audience est là. Alors quelle chance d’avoir en France des contenus de qualité et plus de canaux pour les diffuser !
Protégeons, renforçons et accompagnons notre bel écosystème en ce sens.

Nous voulons pouvoir proposer le meilleur dispositif média pour un annonceur qui aimerait jouer un rôle démocratique sur la qualité de l’information, sociétal & environnemental, sans le faire au détriment de ses objectifs business.

The Media Leader : Le financement des médias français est un sujet qui a animé l’actualité cette année. En tant qu’agence média leader, vous avez pu être pointés du doigt. Allez-vous lancer des initiatives ?

G.P. : Le financement des médias est un sujet extrêmement important à mes yeux. Publicis Media soutient un financement équilibré et durable des médias français. Nous croyons en la diversité des sources de revenus pour assurer la viabilité des médias et la qualité de l’information et des contenus. Notre vision est de collaborer avec tous les acteurs du marché pour créer un écosystème publicitaire robuste et équitable.
En France, nous avons parfois cette tendance à nous morfondre, reprocher à l’autre, nous plaindre de tout… Les agences sur ce sujet précis appelaient à la responsabilité des annonceurs, les annonceurs se défendaient d’un mécénat habillé non justifié, à raison, les médias alertaient à cris perdus agences et annonceurs en demandant des actes plus que des paroles.
Le parfait cercle Français, vertueux dans les mots, parfois vicieux dans les actes.
Chez Publicis Media, nous avons voulu faire bouger les lignes. Nous nous sommes mis tout simplement autour de la table pour agir avec l’ensemble de l’écosystème de partenaires volontaires. Une seule ambition : assumer et essayer ! La problématique du métier de communicant est parfois de beaucoup parler et de ne pas forcément agir. Nous avons donc créé un groupe de travail avec une vingtaine de personnes pour débattre de notre responsabilité vis-à-vis du financement des médias, dans l’intérêt des annonceurs, sans faire du mécénat. Être acteur d’une performance responsable pour tous.
Avec nos clients, nous avons créé depuis 3 ans le Publicis Media Project qui réunit tous les acteurs du marché : certains de nos annonceurs comme la Française des Jeux, Heineken ou Bel, mais aussi des régies, avec l’objectif de travailler ensemble à des dispositifs concrets (climat, démocratie, utilité publicitaire…).
Ces derniers mois, nous avons développé un programme très ambitieux de « News Deal » que nous peaufinons et qui sera testé et lancé en Q4 2024 avec des médias et des annonceurs. Beaucoup de travail derrière ce projet qui a mobilisé énormément de talents chez Publicis Media pour faire vraiment bouger les lignes. Nous voulons pouvoir proposer le meilleur dispositif média pour un annonceur qui aimerait jouer un rôle démocratique sur la qualité de l’information, sociétal & environnemental, sans le faire au détriment de ses objectifs business. Nous voulons tout simplement être acteur de la performance responsable !
Pour cela, nous avons besoin de courage, de volonté et de positivisme. Nous avons tout simplement besoin d’essayer, d’agir. Nous avons besoin de tous les acteurs : les régies, les annonceurs et les agences pour sortir des sentiers battus, arrêter les critiques du quotidien et soyons honnêtes de l’automatisation à tout-va. Avec un peu plus de travail, beaucoup de volonté et une responsabilité assumée, on peut agir. Certes, cela sera long, ce ne sera pas facile, nous commettrons des erreurs. Mais nous ferons, et ce sera tellement gratifiant pour tous.

The Media Leader : Vous avez mené une réorganisation du management de Publicis Media France avec l’arrivée d’Olivier Baconnet pour diriger le trading. Pourquoi ?

G.P. : Tout simplement parce que nous avons besoin et envie d’entamer un nouveau cycle. Nous avons la chance d’être leader en France, tant en billings, qu’en clients et talents. Cela nous donne d’importantes responsabilités. Ma responsabilité est d’écrire le futur de Publicis Media. Avec le Comex de Publicis Media, nous avons fait le choix de ne pas être un leader défensif mais offensif. Un leader qui veut rebousculer le marché, qui anticipe les mouvements media d’aujourd’hui, les consommations et les usages de demain en mettant technologie, data et l’intelligence humaine au cœur.
Les arrivées d’Olivier Baconnet au trading, de Benjamin Lignier comme Chief Marketing Officer et d’autres à venir sur le 4ème trimestre, nous permettent d’accompagner cette réorganisation et notre feuille de route autour de trois grands piliers : le leadership offensif, le leadership généreux et le leadership responsable.

Nous aurons ces deux grands sites à Paris, ainsi que tous nos sites en région qui incarneront tous, de manière nouvelle, le travail et le vivre-ensemble.

The Media Leader : Quels sont les grands chantiers à venir en 2025 et 2026 ?

G.P. : Publicis Groupe aura 100 ans en 2026. Quel chemin, quelle fierté ! Maurice Lévy et Arthur Sadoun ont transformé ce magnifique groupe en la plus belle fierté mondiale. Nous allons tourner la page des 100 dernières années… Hâte que nous commencions l’excitant chapitre des 100 prochaines ! Il y a tellement encore à faire, nous avons tellement de chance de faire ces métiers chaque jour.

Côté Publicis France, nous allons emménager dans un nouveau campus au cœur de Paris en mai 2025. C’est un énorme chantier qui bouscule, car il nous offre la possibilité de repenser nos méthodes de travail, notre proposition de valeur, notre métier. Moi, je crois beaucoup au vivre ensemble, au “être ensemble”, que ce soit dans la vie quotidienne, mais aussi dans la vie de nos métiers. La différence et l’échange nous enrichissent toute notre vie. Apprendre des autres est un cadeau. Alors ce déménagement est une grande chance. Aujourd’hui, les métiers doivent vraiment se désiloter et se nourrir les uns des autres. Nous devons aussi, et notamment en politique talent, mieux travailler la mobilité, les trajectoires de carrière et offrir à chacun un magnifique parcours d’expérience et d’apprentissage. Ce campus va nous permettre de mieux vivre les différents métiers du groupe : le média, la création, la data, le consulting et la technologie. Nous aurons de nouveaux modes de collaboration, moins individuels et plus collectifs. Toujours au service de nos clients et de l’épanouissement de nos talents.
Outre ce nouveau campus dans le 17ème arrondissement, nous allons conserver le siège historique du 133 avenue des Champs-Élysées.
Au final, nous aurons ces deux grands sites à Paris, ainsi que tous nos sites en région qui incarneront tous, de manière nouvelle, le travail et le vivre-ensemble. Et qui incarneront tout simplement, la promesse de Publicis Groupe en France : la force du Power of One.