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Jérémy Parola (Reworld Media) : « Nous investissons massivement sur le social »

Jérémy Parola (Reworld Media) : « Nous investissons massivement sur le social »

Interview du lundi. Reworld Media poursuit sa conquête du marché après l’acquisition d’Unify et récemment de la marque Grazia à l’international qui fait rentrer le groupe sur le marché américain. Le groupe a publié un chiffre d’affaires consolidé de 266,4 M€, en croissance de 10,3% au 1er semestre et se revendique comme la 1ère plateforme média en France. A la tête de ce pôle, Jérémy Parola, directeur activités numériques est notre invité du lundi.

The Media Leader : Vous avez annoncé l’acquisition des 23 éditions du magazine Grazia international et le lancement de votre activité aux Etats-Unis. Quelle est la stratégie de développement sur ces marchés qui vous fait entrer dans une nouvelle dimension ?

Jérémy Parola : En janvier dernier, Reworld Media s’est en effet doté de nouvelles ambitions à l’international, avec l’acquisition de la marque Grazia dans le monde, et l’exploitation directe de ses médias en Italie.

La nouvelle filiale Reworld Media US Inc. concrétise le projet de croissance internationale de Reworld Media sur le marché du luxe stratégique à l’échelle mondiale. Avec la volonté de croître à travers un plan de développement digital ciblé de la plateforme multicanale mondiale graziamagazine.com et des publications premium. Avec 15 millions de lecteurs, 45 millions d’internautes et 30 millions de followers sur les réseaux sociaux dans le monde, la marque Grazia dispose d’une réelle puissance.

À noter qu’il y a 2 stratégies distinctes autour de cette marque en digital.

Dans un premier temps, il y a les pays opérés par des Publishers externes (licence).

Dans ce cadre, nous fournissons de la technologie et de l’expertise. En janvier, nous annoncions d’ailleurs deux nouvelles éditions à Singapour et en Malaisie via un nouvel accord de licence piloté via notre filiale italienne.

L’objectif est de faire bénéficier à ces acteurs de la puissance technologique du groupe pour accélérer sur le digital mais également développer de nouveaux modèles économiques : content to commerce, activité sur les réseaux sociaux, développement de la monétisation de leur data. Les affiliés ont des profils différents et ne sont pas toujours équipés pour amener la marque sur ces nouveaux modèles économiques clefs.

Pour les marques qui sont opérées en propre (Italie, France et depuis juillet aux USA), l’enjeu est de conserver le niveau de qualité de la production de contenu tout en accélérant fortement sur le digital. Les USA sont un marché sur lequel nous voulions aller depuis longtemps car les opportunités sont énormes notamment sur les modèles autour des plateformes sociales.

Ce modèle hybride d’exploitation de marque en propre et de fournisseur de technologies à des partenaires est unique pour un groupe français.

The Media Leader : En 2022, vous avez finalisé l’intégration des marques d’Unify, dont Doctissimo, aufeminin, Marmiton… Où en êtes-vous ? Etes-vous en ordre de marche dans le développement de ces audiences, notamment sur le digital ?

J.P. : En effet, il s’agit d’une acquisition stratégique, qui a permis d’asseoir le leadership du groupe dans le digital.

Cette intégration réalisée rapidement a permis plusieurs choses : renforcer notre position de leader dans les univers thématiques clefs : food, beauté, parentalité, high tech, santé notamment ; accélérer sur les métiers de l’influence, du content to commerce et également du social. 

Nous avons d’ailleurs profité de cette acquisition pour affirmer notre position de groupe média leader sur les plateformes sociales avec près de 77M de fans toutes plateformes confondues. C’est là que les audiences se déplacent.

L’intégration des marques d’Unify est terminée, le go to market est là et les premiers résultats sont bien tangibles

Cette intégration nous a aussi permis de profiter de l’expertise en affiliation des Numériques pour devenir un leader français du content to commerce.

Enfin, nous avons pu construire une offre influence responsable autour de la reprise de Studio Fy (management d’influenceurs et stratégie sociale) et le lancement de Propulse qui opère sur la distribution de contenu vidéo sur les plateformes.

L’intégration est belle et bien terminée, le go to market est là et les premiers résultats sont bien tangibles.

The Media Leader : Après une très forte croissance externe, allez-vous continuer à participer à la consolidation ? Avez-vous regardé le dossier Gala ou les sites internet thématiques du groupe M6 ?

J.P. : Nous regardons tous les dossiers qui se présentent. Il faut qu’ils soient dans une valorisation qui ait du sens, qu’ils viennent consolider une compétence ou en créer une nouvelle dans le groupe.

Nous nous sommes principalement concentrés sur des acquisitions techno autour des réseaux sociaux sur ce début d’année, avec notamment l’acquisition de Zezam qui a le mérite d’être une plateforme technologique, internationale et concentrée sur la partie performance de l’investissement social.

Nous avons fait un beau travail de consolidation sur les médias notamment digitaux, maintenant l’histoire se déplace sur une audience sociale et des enjeux tech autour de la monétisation.

The Media Leader : Vous êtes devenu la première plateforme média de France, expliquait Elodie Bretaudeau-Fonteilles, DG de Reworld MediaConnect en janvier sur TML. Qu’est-ce que cela signifie ?

J.P. : Cela signifie que notre triptyque est pleinement opérationnel : Reach, Techno, Contenus.

Notre leadership en social et sur la data nous permet de déployer des offres là où se trouvent les audiences

Nous avons des marques reconnues et leader dans tous les domaines, une audience et une data sans commune mesure car elle est constituée par des environnements thématiques très spécifiques et un contenu de qualité dans un volume important.

Notre leadership en social et sur la data nous permet de déployer des offres là où se trouvent les audiences.

The Media Leader : Selon Minted, le DSP américain The Trade Desk a coupé votre inventaire programmatique cet été, avant de le rebrancher mi-septembre. Pourquoi ? Comment l’expliquez-vous ?

J.P. : Je ne peux pas rentrer dans des considérations et problématiques d’une entreprise qui n’est pas la nôtre, mais les équipes de The Trade Desk se sont excusées pour cette erreur et ont rebranché l’accès à la demande.

Ce qui est intéressant dans cet épisode malheureux c’est que ce sont les acheteurs qui ont fait pression pour de nouveau avoir accès à notre inventaire. On a voulu en faire un cas philosophique sur le rôle d’une DSP mais le problème était bien plus opérationnel. Deux erreurs ont été cumulées, une coupure de l’accès à la demande en période estivale (synonyme de sous-effectif pour eux) et une erreur de communication car les acheteurs se sont rendus compte de ce problème d’accès en lançant des campagnes. Mais c’est de l’histoire ancienne.

The Trade Desk correspondant à moins de 1% de notre chiffre d’affaires programmatique.

The Media Leader : Le baromètre du programmatique montre un vrai essoufflement du display. Quelle est votre vision ?

J.P. : Le display est un format constitutif de notre modèle économique mais il est malheureusement biaisé par deux grandes problématiques.

Aujourd’hui, il répond difficilement aux enjeux du marché. Ce n’est ni un format d’attention ni un format de performance. Il fait partie du mix média mais il ne remplit pas toutes les attentes.

Le second biais réside dans le fait qu’il soit régi par des mesures imparfaites. La mesure de visibilité engendre des biais d’intégration sur les sites publishers qui ne vont pas dans le sens du lecteur final. La mesure d’attention est une bonne initiative, mais elle est clairement en cours de construction et donne des résultats très étonnants. Son sous-jacent reste d’ailleurs la visibilité.

Nous pensons que pour réenchanter le display, il faut se rapprocher du KPI final de l’acheteur

Dans ce cadre, nous pensons que pour réenchanter le display, il faut se rapprocher du KPI final de l’acheteur. Soit il s’agit d’un investissement de puissance et il faut le dire et adapter sa mesure. Soit c’est un investissement de performance et il faut oser aller dans cette direction dans la façon de l’opérer.

Aujourd’hui, ce levier n’est pas assez puissant pour concurrencer la TV par exemple, et pas assez performant pour devenir aussi addictif que les offres des GAFA.

Il faut donc qu’agences et annonceurs partagent mieux leurs enjeux finaux et ce sera à nous, les éditeurs, d’adapter notre réponse.

The Media Leader : Un modèle gratuit sans display est-il possible ? Vous avez pris des initiatives chez Reworld Media sur ce sujet. Pouvez-vous les détailler ?

J.P. : Oui, c’est possible et nous l’avons fait. Nous avons basculé le premier site du groupe sur un modèle sans display. Il s’agit de Parole de Mamans. Désormais, ce site n’est commercialisé qu’à la performance, avec un UX, un usage de la data et des objets publicitaires qui ont été pensés pour délivrer de la performance. Top Santé va basculer mi-octobre.

Concrètement l’investissement se fait au CPC, CPL ou CPA et la diffusion est orientée vers l’atteinte de la performance. Le modèle de ce site ne réside plus que sur deux leviers de CA : le brand content/OPS et la vente de dispositifs à la performance.

Sur un secteur très identifié et très data qu’est la parentalité, cela fonctionne avec un revenu pour 1000 visites qui a été multiplié par 3 sur le long terme.

C’est un quadruple good deal : c’est bon pour l’annonceur qui a un ROI ; c’est bon pour le lecteur qui n’a plus de publicité intrusive et retrouve le plaisir de nous lire ; c’est bon pour l’audience car les sites sont rapides et donc privilégiés par les moteurs de recherche ; c’est bon pour la planète car c’est la publicité qui alourdit considérablement le bilan carbone des sites internet.

Très clairement, c’est un modèle que nous allons continuer de déployer sur d’autres marques et qui nous semble bien plus durable.

The Media Leader : Quelles sont vos initiatives sur l’attention et la mesure ?

J.P. : Nous avons testé différents outils de mesure de l’attention. L’intention est louable mais ce sont des outils à parfaire. Ça me semble très prématuré d’envisager d’utiliser ces mesures de manière massive en l’état actuel de la situation. Le sous-jacent principal de cette mesure est la visibilité. C’est cette même visibilité qui a généré les sites internet que le marché ne veut plus voir : grosse pression pub, formats stickés, gros refresh.

C’est dans la course à l’atteinte d’un bon taux de visibilité que le marché s’est perdu.

Malheureusement, la mesure de l’attention prend un peu la même direction. C’est un mix entre différentes mesures, des panels, de l’eye tracking… On sent que le marché se cherche un peu car avec ce mode de fonctionnement, un site internet qui privilégie le contenu à la publicité n’a pas un bon score.

Revenons au KPI final et essayons de les atteindre, sans ça les offres des médias ne seront jamais aussi addictives que celles des GAFA

Il faut qu’on revienne clairement aux basiques : qu’est-ce que cherche un annonceur en investissant chez un publisher ? S’il cherche un environnement éditorial de qualité, des insertions publicitaires bien intégrées et une faible pression, alors il ne pourra pas être satisfait de la mesure de l’attention telle qu’elle est opérée aujourd’hui. Sur nos premiers tests côté publisher, on nous explique sur nos sites qui ont le moins de pression publicitaire que le score d’attention est faible, car on ne voit pas assez la publicité.

Revenons une bonne fois pour toute au KPI final et essayons de les atteindre, sinon les offres des médias ne seront jamais aussi addictives que celles des GAFA. Nous sommes sur un marché, nous jouons le jeu, mais tant que la valeur d’un inventaire sera adossée à un KPI mathématique, tous les publishers essaieront de le maximiser quels que soient les répercussions pour l’utilisateur final. C’est ce qui nous perd.

The Media Leader : Le social media est un enjeu important pour les marques média car c’est le carrefour d’audience des cibles. Quelle est votre stratégie ?

J.P. : C’est le prochain mouvement. Reworld Media a été un acteur majeur du passage du print vers le digital. Nous sommes maintenant au rendez-vous du passage du digital vers le social.

Nous étions spécialisés dans le fait de racheter des magazines print qui avaient loupé le virage vers le digital. Depuis plusieurs mois, nous achetons des acteurs majeurs pure player digitaux qui ont loupé le virage vers le social.

En 2024, nous aurons plus de producteurs de contenus sur les réseaux sociaux que sur nos sites

Nous avons massivement investi dans le contenu. Nous avons recruté près de 80 personnes affectées exclusivement au social. Ce ne sont pas des community managers qui sont seulement là pour amplifier des articles de nos sites, ce sont des équipes à 100% dédiées à la création de formats originaux sur toutes les plateformes.

En 2024, nous aurons plus de producteurs de contenus sur les réseaux sociaux que sur nos sites. C’est un véritable big bang.

Nous produisons près de 3000 contenus par mois sur toutes les plateformes. Les modèles économiques sont sensiblement les mêmes que sur le web et notre offre y répond.

Le fait de pouvoir injecter la data de nos sites dans des campagnes social est véritablement central dans notre stratégie. Mais pour mettre tout ça en œuvre il nous faut le meilleur contenu du marché pour engager la communauté. On sent une véritable volonté des acteurs du marché de travailler avec des groupes médias structurés en complément ou à la place de l’influence.

Nous sommes en discussion avec plusieurs plateformes pour renforcer nos relations de partages de revenus.

The Media Leader : Le retail media est le segment qui progresse le plus. Valiuz vient d’ailleurs de sceller un accord avec Vivendi. Avez-vous l’objectif d’aller dans cette direction ? Pourquoi avoir lancé Retail in media ?

J.P. : Le retail média est englobé dans le segment du marketing à la performance. Nous sommes un groupe qui est nativement sur ce marché : nos offres publicitaires digitales il y a 10 ans garantissaient déjà de la performance et nous sommes également propriétaire d’un leader mondial de l’affiliation : Tradedoubler.

Le retail media englobe 2 axes : l’utilisation d’une data fine pour optimiser les campagnes et un cadre de diffusion large pour pouvoir les jouer.

On voit bien sur le marché que les principaux retailers sont souvent confrontés à leur capacité de diffusion. Nous avons donc décidé d’allier le meilleur des deux mondes avec une data extrêmement qualifiée collectée sur l’ensemble de nos sites, une capacité à acheter de la data de retailler ; et une capacité de diffusion sans commune mesure.

En se basant sur notre expérience, notamment sur Les Numériques, nous avons ajouté la notion de contenu qui est centrale dans nos offres.

Notre enjeu est de mettre à disposition une data toujours plus efficace et d’investir massivement dans la technologie pour rendre nos offres encore plus performantes. La valeur de la data réside dans l’augmentation de la performance des campagnes. Les GAFA l’ont compris, c’est à nous de le mettre en place.

The Media Leader : Quelle est votre vision et votre utilisation de l’IA, qu’elle soit générative en matière de production de contenus, mais également prédictive dans vos activités publicitaires ?

J.P. : Nous n’utilisons pas d’IA pour produire du contenu, mais uniquement pour hiérarchiser et optimiser. Nous ne remplaçons pas de producteurs de contenus ou de journalistes par l’IA.

C’est intéressant car on n’a jamais autant investi dans les contenus à forte valeur ajoutée que depuis qu’on parle d’IA. C’est un axe de différenciation majeur.

Nous n’utilisons pas d’IA pour produire du contenu, mais uniquement pour hiérarchiser et optimiser les contenus

Si tout le monde joue avec les mêmes outils, on risque de finir uniformisés. C’est donc l’air de la différenciation et de la créativité. C’est là-dessus que nous investissons massivement.

Plus les tâches répétitives sont automatisées, plus on peut se concentrer sur l’intelligence, la créativité et l’optimisation.

On n’a pas attendu l’IA pour le faire car beaucoup de nos tâches à forte valeur ajoutée sont déjà automatisées. Le groupe s’est construit nativement avec une philosophie simple : faire deux fois la même chose, c’est une fois de trop !

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