Le potentiel des consumer magazines par Daniel Bô, président de QualiQuanti
Le consumer magazine est une des formes les plus anciennes de brand content. Lorsque la formule éditoriale est ambitieuse, il crée une relation très privilégiée avec les consommateurs. En Angleterre, 54 des 100 magazines les plus diffusés sont des consumers avec des perspectives très positives en papier comme en version électronique sur les tablettes. Les éditeurs de magazines (Prisma, Lagardère, Figaro Médias) s’intéressent de plus en plus à ce marché, où ils peuvent apporter savoir faire éditorial et capacité de commercialisation publicitaire. La prochaine sortie du consumer du Club Med, Happy Life, samedi 28 mai avec Le Figaro est attendue avec intérêt.
Les magazines destinés aux consommateurs sont nés au début du siècle dernier, avec notamment le Casino-Journal de l’enseigne Casino, créé en 1901, ou Votre Beauté, lancé par L’Oréal en 1933. Le groupe de distribution Woolworth distribuait déjà à des clients une brochure éditée à plus de 5 millions d’exemplaires. Aujourd’hui selon l’APA (Association of Publishing Agencies), le marché européen compte 3 200 magazines dont 200 titres en France (500 millions d’euros de chiffre d’affaires). Quelques grands acteurs se partagent ce marché, comme l’Agence (Aegis-Carat), Textuel La Mine (TBWA), Verbe (Publicis), ou encore Sequoia (Groupe Makheia).
Décidé et financé par la marque, le consumer magazine comporte généralement des articles sur la marque et ses produits, et du rédactionnel sur des sujets plus vastes, liés ou non à la marque, accompagné ou non d’offres promotionnelles et de bons de réduction. Faute de pouvoir en faire une source de revenus, il est plus intéressant de le diffuser largement et gratuitement et d’en faire un support utile pour son lecteur. Le magazine Contact suggère ainsi des spectacles et informe les abonnés à la carte Fnac sur les nouveautés. Du côté de chez vous donne des idées de transformation de la maison et Envie de plus permet de découvrir des produits et fournit des astuces pour le quotidien. Ces magazines sont perçus moins comme des moyens d’information sur la marque que comme des outils au service d’une stratégie de vie.
Dans une étude menée au Royaume-Uni, réalisée à la demande de Mediapost, nous avons analysé les raisons de succès du marché des consumer magazines.
La comparaison avec les magazines de marques américains ou britanniques, où le marché est très dynamique, montre que nous avons en France une marge de progression non négligeable. Les Anglais soignent le design, la qualité du papier et l’originalité des magazines de marque dans un contexte de moindre concurrence de la presse payante. Les tablettes représentent un potentiel d’accroissement complémentaire de la diffusion sans coûts d’impression et de distribution.
Les consumer magazines ont posé les bases de la réflexion sur la ligne éditoriale des marques et les territoires de contenus légitimes à investir. À l’heure du brand content, ce sont des savoir-faire qui peuvent être remobilisés, développés et revalorisés.
Les consumer magazines en France se composent principalement des segments suivants :
Les magazines offerts par les distributeurs généralistes ou spécialisés qui sont diffusés sur place ou envoyés aux clients fidèles : L’esprit Shopi, Carrefour Mag, Darty & Vous, Picard Magazine, UGC, Air Mag (Mac Donald), Leroy-Merlin, Contacts (Fnac), …
Les magazines des marques de grande consommation : Envie de Plus, Danone & Vous, Pour tout vous dire, Pampers Village, Croquons la vie, La boîte à idées Lu, …
Les magazines diffusés par les sociétés de transport pour occuper le passager : Air France, TGV Mag, New London (Eurostar)
Les magazines de marques parfois dans un programme relationnel : Nespresso, constructeurs automobiles
Les magazines de marques de luxe très sophistiqués : Art Cartier, Crystallized (Svarowski), 31 Rue Cambon (Chanel), By Lancel
Des supports envoyés par les banques, les opérateurs téléphoniques, les organismes caritatifs, les associations, les abonnements à la TV payante, les villes…
Des magazines envoyés par les assurances et les mutuelles 1 à 2 fois par an
Dès lors qu’ils sont bien diffusés et d’une qualité satisfaisante, les consumer magazines cumulent plusieurs atouts :
– Une multiplicité de modes de diffusion : ils peuvent être reçus par la Poste, donnés en mains propres à la caisse, retirés derrière les caisses, diffusés dans des points de distribution (ex. bars branchés pour New London).
– Une grande souplesse de consultation : on le feuillette, on le reprend, on le conserve, on le découpe.
– Des contextes variés de lecture : contextes liés à la marque (dans le TGV pour TGV Mag, chez MacDo pour AirMag), au sein du foyer ou lors de déplacements (quand le format le permet).
– Une inscription possible dans une logique de fidélisation (carte, abonnement, club) du fait de leur principe de périodicité (ex. Nespresso Mag, Du Côté de Chez Vous).
– La combinaison dans un même support de différents ingrédients qui cumulent les motivations de lecture : coupons de réduction, informations et conseils généraux, informations sur l’actualité de la marque, ouvertures sur des sujets extérieurs.
Quand ils sont bien faits, les consumer magazines ont une vraie valeur et sont considérés comme des magazines à part entière (susceptibles de concurrencer la presse classique payante). Même s’ils sont diffusés gratuitement, les magazines affichent souvent un prix,d’où la perception d’un cadeau offert par la marque.
L’exemple de Canopée, par Nature & Découvertes
Le magazine trimestriel Canopée, édité par Nature & Découvertes, est un exemple d’ambition éditoriale. L’idée n’est pas de vendre des produits (la marque Nature et Découverte est à peine évoquée) mais de développer le point de vue de la marque sur le monde, les passions de ses créateurs autour de l’écologie, en partenariat avec des artistes, des photographes, des illustrateurs. La revue s’intègre dans une offre complète de contenus éditoriaux autour de la nature, avec des conférences, des sorties terrain, une maison d’édition musicale, le tout en complément des catalogues de vente plus orientés sur la promotion des produits (revue Canopée tirée à 25 000 exemplaires et vendue 10 euros, en magasins Nature et Découvertes). Le magazine est disponible en papier et en version électronique sur le site, toujours avec la devise de T. Monod « Conservons notre curiosité, respectons la vie, ne cessons jamais de nous émerveiller ».
Les consommateurs ressentent l’engagement de la marque dans les questions de respect de l’homme et de la nature. La revue fait sens avec l’offre produit et consolide le positionnement de la marque.
Le cas du magazine Nespresso
Créé en 2004, ce magazine de luxe semestriel, imprimé sur un très beau papier glacé, est distribué à environ 2 millions d’exemplaires – exclusivement auprès des Membres du Club Nespresso – et affiche le prix de 4,5€. Une nouvelle formule du magazine a été lancée en juin 2010, davantage axée sur l’art de vivre au sens large plutôt que sur la promotion de la marque. Cette nouvelle formule, conçue et réalisée par Lagardère Custom Publishing, a remporté l’or de la 2ème édition du Grand Prix du Brand Content (catégorie Consumers Magazine). Chaque numéro, conçu comme un objet de collection est consacré à une ville internationale et à une personnalité qui incarne cette ville.
Parmi les motifs d’appréciation des lecteurs, on peut citer :
• La présence « soft » de la marque ne parasite pas le magazine.
• Le contenu est perçu comme très qualitatif sur le plan formel et éditorial, il s’inscrit dans un univers raffiné, culturel et gastronomique.
• La passion communicative donne l’image d’une marque luxueuse mais accessible.
• Il y a une analogie forte entre la dégustation d’un café et la lecture d’un magazine : ils partagent la table du salon et constituent tous deux des moments de détente.
Le cas New London par Eurostar
Eurostar a créé un guide trimestriel regroupant les meilleures adresses de Londres, avec une offre éditoriale complète autour de la capitale anglaise, ses activités, son patrimoine, ses sorties, son art de vivre.
New London est un exemple de magazine qui suscite l’enthousiasme des consommateurs, avec une vraie valeur ajoutée perçue :
– Une ligne éditoriale originale (découverte de lieux nouveaux pour sortir) et un ton décalé spécifique à Eurostar, qui témoignent d’un réel engagement de la marque.
– Une vraie valeur d’usage : petit format adapté au transport, cartes à disposition.
– La multiplicité de modes de diffusion (téléchargement, bar, train, gare) permet de s’adapter à des contextes de lecture variés : dans le train pour se rendre à Londres, chez soi pour préparer un voyage / donner envie de partir, sur place pour visiter…
Les consommateurs ont repéré que les grands groupes (P&G, Danone, Unilever, Nestlé) proposent depuis une quinzaine d’années des magazines envoyés par la Poste (périodicité saisonnière). Ils reçoivent ces contenus régulièrement sans toujours savoir de quelle manière ils ont été inscrits dans le fichier.
Ces magazines combinent coupons, échantillons ou offres d’essai, informations sur les nouveaux produits, recettes, astuces et informations pour la vie quotidienne :
– Les coupons sont un vecteur d’intérêt important, surtout lorsqu’ils dépassent 1€ de réduction (plus pertinent dans les produits ménagers qu’alimentaires).
– Ces magazines permettent de découvrir des nouveaux produits par l’information et surtout par les offres d’essai voire les échantillons.
– Les informations et conseils sont jugés intéressants d’autant plus qu’ils suivent les saisons. Les recettes sont volontiers découpées.
– Ce support permet également de glisser des contenus événementiels intéressants.
Daniel Bô, Pdg de QualiQuanti
Si vous souhaitez accéder gratuitement au livre blanc de Daniel Bô “Du Brand Content à la Brand Culture”, inscrivez-vous via le lien http://bit.ly/i2kejo
Ce livre au format Pdf (140 pages) sortira début juin.
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