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Les ambitions de Laurent Broca pour Havas Media Group en 2023

Les ambitions de Laurent Broca pour Havas Media Group en 2023

Interview du lundi. Havas Media Group, l’un des premiers groupes d’agences mondiales, franchit une nouvelle étape en 2023 après une réorganisation de sa gouvernance. Face aux défis du secteur : consolidation des médias, fin des cookies, arrivée des plateformes de streaming sur le marché pub, le groupe, filiale de Bolloré, muscle son offre. Entre consolidation du portefeuille existant, gain de nouveaux budgets, le CEO Laurent Broca nous dévoile sa stratégie. Il est le premier invité du lundi de l’année dans 100%Media.

100%Media : Quel bilan faites-vous de l’année 2022 pour Havas Media Group ?

Laurent Broca : 2022 est une année qui a confirmé la pertinence et la résilience de la stratégie mise en place depuis quatre ans au niveau d’Havas Media Group, avec une activité structurée autour de 5 grands piliers : le Media, le Contenu et Communautés, l’e-Commerce, le Conseil Marketing et la Business Science. L’organisation HMG a été revue en fonction avec un travail de simplification en termes de management, de marques, et donc de lisibilité pour nos clients et prospects.

Dans un contexte économique de rebond challengé par les crises politiques, énergétiques et climatiques conjointes, ce modèle permet à HMG de réaliser une croissance organique durable forte. De fait, nous avons consolidé notre portefeuille existant avec le regain de clients tels qu’EDF, Hyundai Kia, Arte, ADP notamment ; nous affichons un solde de net newbiz deux fois supérieur à 2022 avec des gains significatifs dans chacune des agences du Groupe. C’est par exemple le Groupe Optic 2000, la Commission Européenne, Puy Du Fou, Storck… en media. WeTheNew et Malakoff Humanis en eCommerce. Ou FDJ, Crédit Agricole et Sofinco en Business Science.

Plus que jamais nous nous positionnons avec cette activité de Business Science au cœur de notre business model : donner à nos clients les moyens de mesurer et de piloter la performance de leurs mix-marketing sur leurs indicateurs de marque ou de business, ce que nous faisons avec le consulting Data Tech que nous proposons et bien sûr nos différentes solutions de Mix Modelling qui sont un marqueur compétitif unique sur le marché français, mais aussi au niveau international. Nous sommes résolument focalisés sur la compréhension de cette performance avant toute chose, avant l’activation des leviers (media, contenu, commerce…) pour nourrir cette performance.

J’insiste aussi sur l’aspect durable de la croissance ainsi générée, moins primo-dépendante des volumes media, et sans doute moins impactée par les contraintes économiques de la gestion de budgets internationaux que peuvent l’être certains de nos concurrents.

100%Media : Que visez-vous pour cette année 2023 ?

L.B. : La satisfaction client est la boussole évidente de HMG depuis plusieurs années, et les résultats des différents audits utilisés convergent tous vers une satisfaction de très haut niveau – ce qui ne veut pas dire que nous n’avons pas çà et là à travailler pour faire mieux.

Ces enquêtes (indépendantes) soulignent toutes la qualité du conseil stratégique et business apporté par les agences d’Havas Media Group. C’est ce qui doit continuer à guider notre action, et ne jamais dévoyer la stratégie de croissance.

Bien sûr, il y a des ambitions de croissance organique, mais je continue à plaider pour une croissance durable qui privilégie la valeur et la vision holistique de notre accompagnement à une pure stratégie de volume. Ce qui nous conduit d’ailleurs à être parfois sélectifs sur le choix des appels d’offres, à faire de vrais choix. L’année 2022 a par ailleurs nettement montré notre capacité à regagner les appels d’offres défensifs (EDF, HK, Arte, ADP, etc.).

Cette croissance organique passe aussi par un travail sur la détection de relais de croissance. Parmi les 5 grands piliers que nous travaillons déjà, nous continuerons l’effort particulier mis sur Contenu & Communautés, Commerce et Business Science. Et nous travaillons sur de nouveaux sujets engagés sur 2022 pour continuer le travail de transformation.

Au-delà de l’aspect purement Business, notre ambition est de continuer à travailler à des identités et des cultures fortes de chacune de nos agences. Nous avons à ce titre lancé Havas Play en mai 2022, qui rassemble toutes les expertises Contenu et Communautés (Sport, Entertainment, Influence, Contenu Media, Metaverse), avec un vrai succès en termes de collectif d’équipe et de résultats business – une marque lancée sur l’initiative de HMG France qui sera déployée à l’international sur 2023.

100%Media : Vous venez de confier la direction d’Havas Media France à un duo composé de Marion Haan et Caroline Le Moal. Quelles sont les raisons de cette réorganisation ?

L.B. : Havas Media France est depuis plusieurs années en tête des classements qualitatifs et quantitatifs au niveau des agences media. Un gros travail a été fait ces dernières années sur l’innovation produit, au niveau stratégique bien sûr mais aussi au niveau opérationnel, avec des propositions d’accompagnement digital data tech aujourd’hui parmi les meilleures du marché. Paradoxalement c’est sur ce périmètre que le travail sur la culture d’agence a le moins été fait, sans doute parce que j’occupais à la fois le poste de CEO de l’agence mais aussi celui de CEO de Havas Media Group – ce qui par ailleurs manquait de lisibilité pour certains de nos interlocuteurs. Il m’a semblé évident de confier cette agence majeure à un nouveau management – à un moment de stabilité et de sérénité pour l’agence.

Marion Haan et Caroline Le Moal sont deux managers formidables, de cultures complémentaires, saluées par leurs clients pour leur leadership, leur input stratégique, leur qualité d’écoute et leur capacité de transformation.

Avoir un duo à la tête d’Havas Media France permet de couvrir un périmètre assez large sans noyer la qualité et la proximité de l’accompagnement client. Elles ont par ailleurs toutes les deux une vraie culture de la créativité et de l’idée, qui sera évidemment centrale dans leur stratégie de développement, et dans la manière dont elles vont imprimer leurs personnalités dans l’ADN de cette agence.

Enfin, cette nomination est aussi le témoignage de l’importance de la promotion interne dans la culture Havas Media Group.

100%Media : L’arrivée de Netflix sur le marché publicitaire devait être un game changer en 2022. Quel bilan en faites-vous ? Cela peut-il faire évoluer le marché de la télévision ?

L.B. : Les premiers retours de l’ouverture de Netflix à la publicité tendent à montrer que cette arrivée sera progressive, et que sa portée actuelle est encore limitée – ainsi que son offre publicitaire. On voit néanmoins que la volonté de Netflix n’est en rien entachée par ce démarrage, bien au contraire, et que sa résolution d’avancer sur le terrain publicitaire en est même renforcée.

Je trouve qu’il est légitime que certaines marques souhaitent tester cette offre, et qu’il est tout aussi légitime que les acteurs historiques du paysage vidéo s’étonnent des différences de traitement et d’attentes par les marques entre eux et les nouveaux venus (sur les terrains de l’audience, des coûts pratiqués, etc.).

A posteriori, l’émoi provoqué par cet « événement » semble quand même sans commune mesure avec la portée de l’impact réel sur le marché publicitaire. Avant tout, c’est l’évolution de l’audience vidéo dans sa versatilité, sa diversité, ses orientations qui est le vrai déclencheur de la transformation du marché publicitaire. Ce n’est pas le seul fait de la mutation d’une plateforme SVOD en plateforme AVOD…

100%Media : Après l’abandon de la fusion TF1/M6, comment voyez-vous évoluer le marché TV en France ? Les groupes sont-ils à la hauteur des enjeux ? Rappelons que ce média peut réaliser des performances importantes en termes d’audience, notamment lors de la dernière Coupe du monde de football.

L.B. : Plus que jamais c’est la capacité à proposer du contenu exceptionnel – par sa temporalité (événements sportifs), par sa qualité, par son originalité – qui prime pour attirer les audiences. Noyer les consommateurs sous des volumes de programmes dits originaux ne fait qu’alimenter le « streaming-fatigue » qui se dessine actuellement, progressivement. Ces audiences n’iront que là où il n’y a pas de distorsion entre une promesse de qualité de contenu et la réalité.

J’ai une profonde admiration pour la qualité des intervenants du paysage vidéo en France, pour leurs capacités d’innovation et de résilience dans un marché qui n’est pas forcément le plus facile. Ils ont toujours su accompagner voire anticiper les évolutions structurantes de ce marché, et il n’y a aucune raison de penser qu’ils ne continueront pas à le faire.

100%Media : La fin de cookies est attendue par le marché, même si Google reporte régulièrement l’échéance. Êtes-vous prêts ?

L.B. : La question n’est pas tant la fin annoncée des cookies que la lisibilité et la compréhension de la performance des investissements digitaux des marques – un sujet qui est structurellement plus ancien, et plus macro dans les arbitrages budgétaires que les marques doivent opérer dans leurs moyens marketing.

Concernant le point de la lisibilité de la performance digitale, nous avons construit depuis quatre ans une plateforme d’audience appelée Converged, 100% cookieless, sur la base de données Yougov – au travers de notre accord exclusif avec ce partenaire. Cette plateforme technologique nous permet de travailler sur toute la chaine de valeur pour nos clients : sur la compréhension de leurs audiences-valeur, sur l’optimisation de l’allocation budgétaire par levier, sur l’activation de ces audiences et sur la mesure de la performance sur les items de marques clefs du funnel de conversion accessible via Yougov. Elle nous permet en outre d’onboarder les données propriétaires de nos clients de manière 100% RGPD compliant, de les enrichir potentiellement avec la donnée de nos partenaires data, pour in fine les activer. Enfin elle permet une mesure objective de ces activations.

Plus généralement, notre éventail de solutions de marketing mix modeling nous permettent d’accompagner nos clients dans une meilleure appréhension des allocations budgétaires on/off, branding performance. Il est toujours surprenant de ne pas forcément réussir à obtenir une réponse claire sur le ROI réel de moyens marketing opérés par certaines marques. C’est un conseil que nous apportons pour un grand nombre de marques – qu’elles soient clientes de nos agences media ou pas.

100%Media : La transition écologique est centrale. Cette thématique va-t-elle impacter structurellement le marché de la publicité ?

L.B. : Sur le sujet de la transition écologique, je dirais même qu’il y a un double impact pour la publicité.

Un impact conjoncturel d’abord qui est dicté depuis plusieurs années par des évolutions législatives progressives mais constantes, qui invitent les marques à reconsidérer la teneur de leurs discours publicitaires – sans pour autant céder au clientélisme green, et l’entrée en vigueur depuis le 1 er janvier 2023 du décret qui encadre plus sévèrement toutes les allégations autour de la « neutralité carbone » en est à ce titre une des preuves. On a, je le rappelle, seulement un peu plus de 10% de la pression publicitaire aujourd’hui qui est qualifiée de RSE…

Et puis il y a un impact structurel en effet, qui témoigne d’une vraie prise de conscience de la part des marques de la nécessité de faire évoluer leurs modèles. Compte tenu des cycles de transformation que cela implique pour certains de nos clients comme Michelin, Orange, etc. On est forcément plus dans le registre du structurel que du conjoncturel.

Plus généralement, ce sujet de la transition écologique n’est qu’un des volets de ce qui doit animer les orientations stratégiques des « Meaningful Brands », ces marques porteuses de sens et de valeur que nous étudions depuis maintenant plus d’une dizaine d’années. Parmi les messages publicitaires typés RSE, trop peu sont encore à notre goût des vecteurs de Transformation Positive, et participent à une vraie prise de conscience des audiences, à une évolution des mentalités, à un effet « nudge » sur les comportements des citoyens consommateurs.

C’est un sujet sur lequel nous souhaitons accompagner plus fortement nos clients dans les mois à venir, en leur donnant les moyens de piloter leur performance, dans le même registre que ce que nous faisons avec la modélisation ou le consulting data. Nous avons commencé à proposer à certains de nos clients des solutions ad hoc innovantes sur ce sujet, qui donnent une vision objective de leur performance sur la dimension écologique bien sûr, mais aussi sur les dimensions sociale et sociétale.

100%Media : Les thématiques d’inclusion, de diversité, d’égalité attirent également l’attention des annonceurs. Plusieurs scandales ont secoué le marché ces derniers mois. Quelles sont vos actions ?

L.B. : Vous mentionnez les annonceurs, mais ce qui mobilise avant tout notre attention et nos actions en ce domaine, ce sont les sujets de préoccupation de nos collaborateurs. Ces sujets recouvrent ceux que vous mentionnez (inclusion, diversité, égalité), mais vont au-delà, avec un volet structurel clef sur l’approche et la gestion du bien-être au travail, et un volet conjoncturel majeur sur le pouvoir d’achat et le niveau de rémunération.

Dans un contexte sociétal de redéfinition majeure du rapport au travail, l’écoute des collaborateurs est le prérequis indispensable de toute notre action. Nous avons multiplié les moyens à disposition des collaborateurs pour leur permettre de faire remonter leurs questions, suggestions, propositions, réclamations… Nous faisons régulièrement remonter cette parole de manière anonyme, sans censure aucune, et tâchons d’y apporter des réponses systématiques.

Il y a donc un devoir d’écoute d’abord ; un devoir de réalisme ensuite, dans la durée ; un devoir d’humilité enfin, pour apporter rapidement les correctifs en termes d’actions menées lorsque nécessaire. Une grande partie des actions menées ces dernières années se sont attachées à challenger les structures existantes, en modifier les managements… accompagner l’évolution des cultures en parallèle est un corollaire indispensable.

Propos recueillis par François Quairel.

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