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Philipp Schmidt (Prisma Media) : « Nous avons plusieurs projets digitaux et print dans les cartons »

Philipp Schmidt (Prisma Media) : « Nous avons plusieurs projets digitaux et print dans les cartons »
Interview du lundi. Après son intégration au groupe Vivendi et un renouvellement de ses équipes, Prisma Media trace l’avenir en musclant son offre digitale et en lançant de nouveaux titres, notamment Harper’s Bazaar dès l’an prochain. Comment le premier éditeur de magazines affronte-t-il les défis actuels ? Philipp Schmidt, chief transformation officier et directeur exécutif de la régie chez Prisma Media a répondu aux questions de 100%Media.
 
100%Media : Comment va Prisma Media en cette rentrée ?
 
Philipp Schmidt : C’est une rentrée sportive puisque nous amorçons une nouvelle dynamique assez exceptionnelle avec de nouveaux projets, lancements, initiatives, partenariats et alliances. Dans un contexte d’incertitude du marché, nous croyons en notre capacité à créer des perspectives de développement grâce à l’innovation. C’est comme cela que nous avons toujours réussi nos transformations.
Après nos performances « record » en 2021, en termes d’audience et en business, nous constatons pour autant cette année un ralentissement du marché, notamment au niveau publicitaire et sur le digital en particulier, ce qui est nouveau.
Ce contexte nouveau représente, selon nous, des opportunités côté éditorial, data, adtech, mais aussi sur notre lien avec nos partenaires annonceurs et agences.
 
100%Media : Vous lancez de nouveaux titres dans les prochains mois, dont Harper’s Bazaar en France. Qu’est-ce qui vous a conduit à décider cela dans le contexte actuel ? Quels sont les projets en détail ?
 
P.S : Plusieurs projets digitaux et print sont dans les cartons. Je me permets de rappeler que nous avons signé un partenariat exclusif avec le MIT (Massachusett’s Institute of Technology) pour diffuser leurs contenus premium sur Capital.fr dans le cadre de l’offre payante du site. D’avoir Capital, Harvard Business Review et le MIT nous donne ainsi une belle position auprès des cibles business, tech, leaders.
En parallèle, nous préparons plusieurs projets pour les prochains mois, mais celui qui nous passionne le plus actuellement est le lancement d’Harper’s Bazaar France. 155 ans après sa création aux États-Unis, la marque média féminine probablement la plus sélective au monde arrive enfin sur le marché d’origine du luxe. Il était temps !
Nous sommes fiers que Hearst International ait choisi Prisma Media, entre autres, parce que nous avons déjà une solide expérience dans les partenariats internationaux avec National Geographic, Harvard Business Review ou encore Flow. C’est une opportunité unique de dynamiser le marché haut de gamme des marques de presse en France avec cette marque iconique qu’est Harper’s Bazaar, sur tous ses canaux d’expression print, digital et médias sociaux. Le tandem talentueux de Matthias Gurtler et Olivier Lalanne voit en Harper’s Bazaar une marque et un magazine pas comme les autres : la version française va se nourrir des valeurs de la femme française, libre, créative et passionnée, enviée par le monde entier. La rédaction va ainsi marquer les tendances de la mode, du style, de la culture et de la création à travers un regard, un accent et de la passion à la française. Nous avons hâte de présenter les débuts du projet à nos partenaires dès novembre. C’est une aventure enthousiasmante et une nouvelle page pour Prisma Media.
 
100%Media : Après votre rachat par Vivendi et l’ouverture d’une clause de cession pour les journalistes, où en sont les effectifs ? Combien de départs, combien de recrutements ?
 
P.S : Nous vivons pour la première fois dans notre histoire une clause de cession. C’est toujours un moment particulier pour un groupe média. C’est un moment encore plus atypique pour Prisma Media puisque nous n’avions jamais changé d’actionnaire.
Avec une forte proportion de journalistes et une grande fidélité des équipes, il n’est pas surprenant qu’un grand nombre d’entre eux aient souhaité tirer profit de ce tempo particulier pour mener à bien de nouveaux projets personnels et professionnels.
Mais le métier de journaliste reste et restera le premier métier de notre entreprise. L’importance d’un contenu exclusif, de qualité, et une grande exigence éditoriale sont des fondamentaux pour Prisma Media comme pour Vivendi. Le contenu fait plus que jamais la différence et nos marques médias sont archi-leaders en bi-médias sur leurs segments grâce à cela.
C’est aussi un choix de modèle, une stratégie qui nous différencie, une conviction dans un contexte qui se complexifie. Dans tous les groupes, le business modèle historique traverse une phase de transformation profonde. Notre transformation a démarré il y a plus de 15 ans et tous les ans, nous embrassons de nouveau cette culture du changement. Dans cette nouvelle phase de transition, nous assumons donc beaucoup de remplacements. C’est une phase qui nous conduit à identifier des profils encore plus hybrides/audiovisuels, très complémentaires des formidables talents déjà en place. C’est ce mix qui nous a porté vers notre succès en termes d’audiences et de business.
Et n’oublions pas que la majorité des journalistes ont choisi de rester, alors même qu’une période de clause de cession est une opportunité significative pour un journaliste… C’est aussi une preuve de confiance solide envers Prisma Media.
 
100%Media : Plusieurs directeurs de rédaction ont été nommés, dont Emmanuel Kessler sur les magazines économiques. Le management est-il stabilisé désormais ?
 
P.S : En effet, beaucoup de nouveaux talents ont rejoint le groupe. C’est une opportunité pour davantage de créativité ainsi qu’une vision nouvelle, très complémentaire des experts qui composent déjà les équipes. Je pense qu’un groupe média, à l’image de la société, est en constante mutation. Le management, comme l’ensemble de l’organisation de Prisma Media, continuera donc d’évoluer avec nos nouveaux projets, lancements et initiatives.
 
100%Media : En cette rentrée, vous faites le pari des femmes, du bien-être / santé et des jeunes. Comment cela se traduit-il ?
 
P.S : Depuis la pandémie, les changements de société se sont accélérés : prise de conscience environnementale, crise sociétale, les personnes qu’on entendait moins sont sorties de l’ombre, expriment des besoins et exigent des changements.
Les femmes et les jeunes font partie de ces populations. Prisma Media édite déjà Femme Actuelle, Gala et Voici, les 3 marques les plus consultées par les femmes en France, mais aussi Prima, Flow, ou aussi OhMyMag et Simone Media qui sont 100% digitales. Cette grande richesse de contenus et de thématiques fait de nous le premier groupe de médias féminins en France.
Nous avons un vrai savoir-faire pour parler aux femmes, les accompagner et les comprendre. On se doit donc d’être à leur écoute et répondre toujours mieux à leurs attentes.
Le rôle des femmes dans la société évolue chaque jour, il nous appartient en tant que media de bâtir les fondations d’un changement profond dans la société, incarner la femme française dans sa diversité.
Pour ce qui est des jeunes, les 18-34 ans en particulier, nous faisons le constat que 7 sur 10 consultent les contenus Prisma Media dans nos environnements, notamment sur le numérique, via nos sites et applis. En plus de nos plateformes média traditionnelles (comme Télé-Loisirs ou Femme actuelle) très consultées, nous avons de nouvelles marques puissantes et engagées (OMM, Gentside, Simone, NEON…) qui nous permettent de décrypter le monde tout en adoptant des codes prisés par les jeunes générations. Ce sont des formats courts, des vidéos, des podcasts… Le ton est décalé et en même temps, cela parle de sujets profonds et d’actualité. Au-delà de ces canaux d’expression historiques, nos comptes sur les réseaux sociaux comptent désormais plus de 30 millions d’abonnements avec par exemple Gala, premier média en Europe sur la plateforme TikTok et ses 3,5 millions d’abonnés. Les jeunes sont les architectes des médias de demain, il nous appartient donc de montrer la plus grande réactivité et créativité pour les adresser de la meilleure des manières.
Nous avons conscience que dans un contexte plus incertain que jamais, l’un des rôles de nos médias est d’offrir davantage de perspectives, un modèle de société plus désirable.
La santé s’inscrit également dans cette vision, dans une période post-Covid où elle a pris une importance capitale dans nos vies. Opportunité éditoriale donc d’expliquer et d’anticiper une vision positive de la santé et du bien-être. Nous accompagnons depuis cette année la marque Dr Good! incarnée par Michel Cymes. Nous sommes ravis que les premiers numéros aient rencontré leur public, avec de très bons résultats de ventes autour de +20%.
 
100%Media : Vous faites partie de la maison Vivendi. Quelles sont les offres communes et les passerelles au niveau des régies ?
 
P.S : Vivendi, c’est une opportunité pour Prisma Media à la fois en B2C et en B2B. Il y a une grande complémentarité en termes de marques, contenus, expertises, technos ou encore business models. Le challenge est de bien les identifier, prioriser et exécuter. 
Au niveau publicitaire, cela se traduit par de nombreuses initiatives cross-régies que nous avons mises en place avec mes homologues, après seulement un an de collaboration.
Côté data, nos offres et expertises réciproques s’enrichissent mutuellement et naturellement pour plus de performance en ciblage (petits consos TV, CSP ++, centres d’intérêt…).
Côté adtech, il y a des offres groupées, des curated deals, ou la mise à disposition des technos de l’un chez l’autre : par exemple l’utilisation du player de Dailymotion chez Prisma Media et de notre header bidding sur plusieurs grands sites du groupe. L’idée est de simplifier et fluidifier l’accès à nos inventaires pour le marché.
Côté créativité, quand le brief client le permet, nous avons travaillé des OPS ensemble, notamment sur les cibles jeunes.
Mais ce qui impacte le plus notre transformation réciproque, c’est notre capacité à réfléchir ensemble aux mutations du marché, à apporter une réponse juste à nos clients. 
 
100%Media : Au niveau éditorial, quelles sont les collaborations possibles ?
 
P.S : Les différentes entités du groupe Vivendi se retrouvent naturellement autour d’un ADN de contenus : la création d’entertainment sous toutes ses formes. Cette complémentarité s’incarne d’un point de vue créatif, en adressant une multitude de formats (numérique, presse, TV, cinéma, gaming et data) avec de nombreux projets autour du Festival de Cannes ou la Mostra à Venise entre Gala et Canal ; ou la réalisation du magazine des abonnés Canal par nous. Nous cherchons des formats audacieux mais non formatés et ainsi de l’entertainment qui fait sens et crée de la valeur pour nos marques.
 
100%Media : Le Digital Ad Trust va évoluer pour intégrer des indicateurs liés à la transition écologique. Quelle est votre vision de ce projet ? Que faites-vous sur les thématiques green chez Prisma Media ?
 
P.S : Nous avons bien entendu été parties prenantes de cette évolution et sommes ravis de cette évolution. La publicité est un contenu, et comme tout contenu, elle porte une responsabilité sociétale, via l’imaginaire qu’elle véhicule et les messages émis. Alors que les metrics plus quantitatives (Brand Safety, visibilité…) sont désormais des prérequis établis dans les outils du marché, il nous appartient de franchir une nouvelle étape collective pour faire de la publicité un moteur du changement et sensibiliser l’écosystème à l’impact économique et sociétal des décisions media.
Prisma Media s’inscrit depuis longtemps dans ces responsabilités sociétales et environnementales. Woman empowerment, changement climatique, inclusion… tous les sujets sont abordés.
D’abord face à nos audiences pour décrypter les tendances, alerter et sensibiliser à travers 14 000 contenus print, digital ou vidéo chaque année pour toucher plus de 17 millions de profils. Nous sommes ainsi des amplificateurs de la prise de conscience !
Ensuite comme groupe industriel, nous nous inscrivons dans l’ambition stratégique RSE de Vivendi visant un objectif carbone neutre en 2025. Prisma Media a ainsi réduit son empreinte carbone de 21% depuis 3 ans.
Et bien sûr côté régie, nous mettons tout en œuvre pour faciliter la mise en relation des marques et les projets associatifs qu’elles souhaitent soutenir via notre initiative avec Goodeed. Nous participons aussi à toutes les réflexions et décisions collectives du marché pour réduire considérablement et durablement ce que j’appelle de l’endettement du futur.
 
100%Media : Votre business model dépend du print à 70 %. Comment affronter la hausse des coûts, notamment du prix du papier ?
 
P.S : Côté régie Prisma Media Solutions, nous sommes sur ⅔ de revenus digitaux et ⅓ print. Sur le chiffre d’affaires global du groupe, le print reste un actif important pour Prisma Media puisque nous continuons à vendre chaque année 150 millions d’exemplaires de nos magazines, ce qui nous positionne au premier plan de la presse payante. Si ce poids continue à peser autant, c’est avant tout parce que notre CA diffusion résiste particulièrement bien, et parce que nous continuons à investir et développer de nouveaux projets sur ces canaux. Pour autant, la hausse du tarif du papier commence à peser significativement. Notre avantage est d’avoir des marques fortes en print et digital. Cela permet d’avoir un business model plus robuste quand il y a une crise.
En parallèle, notre croissance digitale reste soutenue, avec une forte évolution, bien au-dessus même des niveaux enregistrés avant la crise Covid en 2019.
 
100%Media : Comment voyez-vous l’évolution du marché de la publicité ?
 
P.S : Ce que je trouve marquant à très court terme, c’est un incroyable manque de visibilité pour toute la chaîne. Nous subissons tous une période « attentiste » qui pénalise l’économie française par manque de perspectives et de timing par rapport aux crises successives que nous traversons (Covid, guerre en Ukraine, pénuries, inflation(s)…). La communication d’aujourd’hui est le business de demain. Surtout quand on peut augmenter sa part de voix en étant anti-cyclique. Communiquer pendant les crises équivaut à un plan d’épargne sur son capital de marque.
A plus long terme, les transformations s’accélèrent, notamment pour le média TV linéaire qui doit trouver un nouveau modèle face aux baisses significatives de temps d’audience et l’abandon progressif par les cibles jeunes. Dans ce contexte, les acteurs de la presse sont particulièrement bien positionnés, car ils vivent cette transformation depuis 20 ans. Nous avons pu mettre en place de nouveaux modèles pérennes et diversifiés. Pour autant, nous sommes très vigilants et conscients d’évoluer dans un périmètre concurrentiel et réglementaire très déséquilibré. La guerre des plateformes sera encore amplifiée par l’arrivée de Netflix, Amazon et Disney sur les canaux vidéo. A nous, régies média françaises, d’être agiles et innovantes pour représenter des alternatives ou compléments.

Propos recueillis par François Quairel.

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