Philippe Bonnel (Repeat Groupe) « Oui, nous restons une agence indépendante »
Racheté par Biggie Group en 2022, Repeat, l’une des premières agences média indépendantes en investissements publicitaires (source : Kantar), poursuit son développement et affiche ses ambitions aux côtés des autres actifs acquis par son actionnaire, notamment la plateforme programmatique Gamned!.
Dans ce contexte, Biggie Group ambitionne de devenir un « One Stop Group » publicitaire indépendant spécialiste des médias. Philippe Bonnel, président de Repeat Groupe est l’invité du lundi de 100%Media.
100%Media : L’année 2022 a été marquée par votre reprise par HLD qui a créé Biggie Group ? Qu’est-ce qui a motivé cette opération ?
Philippe Bonnel : A la sortie du Covid, comme tous les entrepreneurs avec de l’expérience sur le marché publicitaire, il n’était pas difficile d’imaginer qu’il allait falloir préparer nos agences à s’adapter et à modifier leur proposition commerciale auprès des annonceurs, le tout était de savoir quelle orientation prendre. Pour faire court, nous avions deux grandes options. La première était de nous allier avec une autre agence média pour fortement gagner en volume d’achat d’espace, mais en discutant avec nos clients, nous avons compris que c’était loin d’être l’une de leurs attentes. Au contraire, nous risquerions de créer des craintes majeures dans nos équipes, ce que nous ne voulions surtout pas, tant nos collaboratrices et collaborateurs avaient donné pendant ces années Covid pour leurs clients et Repeat. La seconde option, que nous avons rapidement choisie, fut de nous allier avec une société qui allait nous permettre de décupler nos expertises au service de nos clients, notamment dans le digital. Olivier Goulon et Anthony Spinasse qui reprenaient Gamned! au groupe TF1 et lançaient Biggie m’ont contacté, très rapidement, nous nous sommes entendus sur le formidable projet d’avenir qui est le nôtre aujourd’hui.
Des agences réputées sur leur marché vont rejoindre Biggie Group, en influence, en SEO-SEA, en RP, en création publicitaire et en production vidéo.
100%Media : Qu’est-ce que cela a changé pour l’agence ?
P.B. : Biggie Group ambitionne de devenir le « One Stop Group » publicitaire indépendant spécialiste des médias, le plus attractif du marché, pour ce, les deux premières pierres de l’édifice en 2022 ont été Gamned! et Repeat Groupe, mais très prochainement vont nous rejoindre des agences réputées sur leur marché, en Influence, en SEO-SEA, en RP, en création publicitaire et en production vidéo. Les annonces devraient pouvoir être faites dans les prochaines semaines. L’intégration de Repeat Groupe à Biggie Group est donc un formidable accélérateur de notre proposition commerciale auprès de nos clients et de nos prospects. Dans le même temps, c’est aussi une ouverture essentielle pour le développement à l’international puisque le groupe (par Gamned!) est déjà présent dans 9 pays (Repeat Groupe conserve également son appartenance au réseau ICOM agencies). Et enfin, Biggie et ses diverses agences expertes dans les médias, est aussi un levier d’attractivité extraordinaire pour le développement professionnel de nos collaborateurs et celui des prochains talents à nous rejoindre.
100%Media : Au regard de votre nouvel actionnariat, êtes-vous toujours une agence indépendante ?
P.B. : Chaque agence de Biggie Group est experte dans son métier, les métiers sont complémentaires, mais ne se télescopent pas, et tout le monde avance dans la même direction pour construire ce leadership d’attractivité auquel nous aspirons. Le meilleur carburant pour réussir cela, tel que prôné par Olivier et Anthony, est d’intégrer des agences en pleine vigueur, de conserver les dirigeants fondateurs et de les incentiver sur un objectif commun de développement. Donc oui, Repeat conserve son indépendance de mouvement et mon équipe, mes managers et moi-même conservons plus que jamais notre état d’esprit entrepreneur des plus vifs !
100%Media : Avec 300 millions d’investissements pub gérés, selon Kantar, en hausse de +15% (ce qui fait de vous la première agence indépendante), Quel bilan faites-vous de l’année 2022 en matière de business ?
P.B. : Le marché des ETI que nous adressons est plutôt dynamique, et le développement de notre réputation, auquel nous travaillons depuis des années, apporte ses fruits de manière croissante. 2022 a été l’une des meilleures années de Repeat Groupe, le nombre d’appels entrants a fortement progressé, de même que le taux de transformation des appels d’offre, et forcément le résultat de fin d’année également. Ce qui est intéressant pour les entrepreneurs que nous sommes, est de comprendre ce qui contribue le plus à nos résultats, je dirais qu’il y a trois points essentiels. D’abord nos collaborateurs : nous avons fait le choix il y a près de 20 ans lors de notre création, de nous entourer de collaborateurs forts et expérimentés, et de ne proposer comme interlocuteurs à nos clients que des gens qui ont une vision claire et solide quant à la stratégie des moyens. Beaucoup ont une double ou une triple expérience, Agence Média, Annonceurs, Media. C’est plus coûteux, mais dans le temps, cela est largement profitable tant à nos clients qu’à notre agence. Le deuxième point est l’essence même de notre métier, les recommandations stratégiques. À l’opposé des mécaniques de copié/collé ou d’industrialisation, nos recommandations sont marquées par des propositions stratégiques ambitieuses, parfois segmentantes, mais toujours nourries par une culture et une vision économique large. Ça ne passe pas à tous les coups, mais chez nous, les prospects savent qu’ils trouveront souvent un angle de vue différent pour aborder des problématiques parfois récurrentes sur lesquelles ils s’époumonent chaque année.
100%Media : Que visez-vous pour cette année 2023, notamment en terme d’appels d’offres à gagner et budgets à conserver ?
P.B. : Notre base de fonctionnement est de bien travailler pour nos clients, de leur donner du temps et de notre énergie, et de faire ce pour quoi ils nous ont choisis. Parallèlement, comme toutes les entreprises, nous devons aussi nous développer commercialement pour gagner en expertises, expériences et savoir-faire, et ça, ça passe par la participation à des appels d’offre. Aujourd’hui, Repeat Groupe compte des clients dans de nombreux secteurs d’activité, notamment en retail, food, services, loisirs,ou institutionnel… En 2023, nous visons de nous renforcer sur les secteurs où nous sommes déjà reconnus, et de nous étendre sur des secteurs en recherche de changement, tel l’automobile, la distribution spécialisée, les grands groupes de food, là où se posent des questions stratégiques fondamentales pour relancer la consommation
Netflix sur le marché pub : on ne se rappelle pas pareil engouement de mémoire de médiaplanneur.
100%Media : L’arrivée de Netflix sur le marché publicitaire devait être un game changer en 2022. Quel bilan en faites-vous ?
P.B. : Oui, il est toujours bénéfique pour un marché quand un ordre établi est bousculé, cela entraine des réactions en chaine dont les annonceurs sont le plus souvent les grands bénéficiaires. Dans le cas de Netflix, tout le monde attendait d’avoir accès à ce média mondial pour expérimenter sa puissance. Bon tout ne s’est passé comme prévu, mais on peut compter sur leur capacité de réaction ! Ce qui est socialement intéressant est d’observer l’appétit des annonceurs envers de Coca-Cola des media. Beaucoup sont prêts à pardonner les atermoiements du départ et beaucoup d’autres encore attendent de l’utiliser. On ne se rappelle pas pareil engouement de mémoire de médiaplanneur. Comme quoi tout est question de réputation, et quand celle-ci est mondiale…
100%Media : Une certaine défiance du marché publicitaire envers les plateformes et réseaux sociaux semble se profiler. Twitter, Meta, Google… n’attirent plus autant qu’avant. Que conseillez-vous à vos clients ?
P.B. : C’est la face sombre des réseaux sociaux qui pourraient leur couter leur hégémonie. Déjà, leur puissance mondiale leur attire les foudres de bon nombre de partis, mais les emballements médiatiques fâcheux de ces derniers mois d’outre atlantique, les font verser dans le sulfureux, et ça, c’est mauvais pour la réputation, de plus en plus de marque l’ont compris. Mais encore hésitante, la véritable sanction économique ne viendra réellement que si et quand les consommateurs se rendent compte de la grande manipulation intellectuelle dont ils sont les enjeux. Si cela arrive, et nous sommes à maigre distance, la réaction en chaine pourrait être irréversible. Pour le moment les réseaux sociaux restent dans leur ensemble intéressants publicitairement tant par leurs profils d’audience que l’on ne retrouvent pas forcément ailleurs, que pour leurs volumes d’audience, et nous continuons ardemment à les inclure dans nos stratégies, mais nous surveillons comme le lait sur le feu, les réactions des consommateurs à toutes les publications pour déceler tout risque
100%Media : Faut-il accorder toute confiance à la data ?
P.B. : Plus qu’un problème de confiance en la data, c’est surtout une question de vision sur le métier qui me paraît être primordiale avec cette question. On assiste de plus en plus à une sacralisation de la data comme l’élément déterminant des stratégies de communication. Il est facile de comprendre, qu’à cible plus ou moins équivalente, voire à même budget publicitaire, deux marques d’un même secteur d’activité, arrivent à la même stratégie média. Et là qu’est-ce qu’il se passe ? Le nez rivé aux dashboards, les experts s’interrogent sur la baisse des KPI’s et jettent leur accusation sur le temps homme accordé par leur agence à la gestion de leur budget. Et c’est là qu’une agence comme la nôtre, et que nos collaborateurs expérimentés, ont le plus à apporter. C’est d’ailleurs de plus en plus dans cette situation que viennent nous voir les annonceurs : « On ne comprend pas pourquoi ce que nous faisions avant ne marche plus » et « Expliquez-nous comment vous allez vous occuper de nous ? ». Nous pensons donc que la data est un formidable atout pour notre compréhension collective des choses et des comportements, mais il ne faut pas lui laisser diriger nos orientations stratégiques. C’est là où l’expérience professionnelle des pilotes en agence média est fondamentale pour permettre aux marques de se distinguer les unes par rapport aux autres. Grâce à l’expérience de nos collaborateurs, nous sommes formidablement bien placés pour cela.
L’un des enjeux des agences media est d’éviter le fonctionnement en silos
100%Media : Comment voyez-vous évoluer le métier des agences media ?
Les agences media sont au centre de la compréhension des comportements des consommateurs, elles ont les sources d’informations et les collaborateurs pour les analyser. Plus leurs collaborateurs sont expérimentés, plus leur analyse est fine, et souvent, plus leurs recommandations pour action sont affutées. Pour animer notre métier de conseil auprès des annonceurs, vu l’intensité de la pression publicitaire auprès des consommateurs, nous allons avoir besoin de plus en plus de collaborateurs stratégiques et ingénieux pour imaginer de nouveaux moyens d’accès à la préférence de marque. Les annonceurs l’ont bien compris car dans un grand de nombre de cas les agences media sont interrogées en amont de la création de contenus, ce qui diffère grandement des réflexes du passé. L’un des enjeux des agences media est d’éviter le fonctionnement en silos (par média souvent) et de conserver une population de collaborateurs « pilotes de relation agence/marque » avec une très forte culture générale publicitaire (pas uniquement média) et économique, et encore une fois, avec une forte expérience métier sur les meilleures combinaisons de canaux de communication. Et ça, ça ne s’apprend pas en quelques années, il faut du temps, comme chez Repeat groupe !
Propos recueillis par François Quairel.
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