Pression maximale sur les grandes chaînes de télé américaines pour la soirée électorale
Confrontées à l’absence de résultats officiels avant des semaines, les grandes chaînes de TV américaines se préparent à une soirée électorale qui peut s’éterniser plusieurs jours, avec la hantise d’annoncer un vainqueur trop tôt et au milieu d’un torrent possible de désinformation.
En 2020, la victoire à l’élection présidentielle de Joe Biden avait été annoncée au bout de quatre jours d’un intense suspense. En 2024, les experts s’attendent encore une fois à ce que le puzzle des États américains se colorie lentement en bleu, la couleur des démocrates ou en rouge, celle des républicains, et avec lui l’addition des grands électeurs jusqu’à la barre des 270 qui donne les clés de la Maison Blanche.
« Tout va se jouer dans sept États très disputés, et dans beaucoup d’entre eux, nous n’aurons pas suffisamment de données pour faire une projection avant la fin de la soirée, le début de la journée suivante ou, dans certains cas, plusieurs jours après l’élection », explique Joe Lenski, vice-président exécutif d’Edison Research, l’institut qui fournit à un consortium de chaînes (ABC, CBS, NBC News, CNN) sondages sortis des urnes, projections et comptages.
En plus d’un mode de scrutin complexe, les modalités de vote et de dépouillement diffèrent d’un coin à l’autre des États-Unis. Joe Lenski rappelle que le Wisconsin et la Pennsylvanie, deux États clés, ne commencent à compter les votes anticipés qu’à partir du jour de l’élection.
Sans résultats officiels avant des semaines, c’est donc aux médias que revient la lourde responsabilité d’annoncer qu’un État a été remporté par Donald Trump ou Kamala Harris.
« Decision desks »
Dans les coulisses des plateaux télé, la pression repose sur les « decision desks », des équipes de statisticiens et d’analystes qui alimentent l’antenne d’estimations à partir des premiers résultats, forcément parcellaires.
« Les enjeux sont vraiment énormes. Il y a une incroyable pression pour capter l’attention des téléspectateurs en leur donnant des informations aussi vite que possible, mais le plus grand risque est de sacrifier l’exactitude », note Costas Panagopoulos, professeur de sciences politiques à la Northeastern University, ancien membre du « decision desk » de NBC qui collabore avec Edison Research.
Le 3 novembre 2020, seulement quelques heures après la fermeture des bureaux de vote, la chaîne préférée des conservateurs américains Fox News avait frappé un grand coup en attribuant une victoire cruciale en Arizona à Joe Biden. L’annonce, confirmée plusieurs jours plus tard par les autres médias, avait provoqué la fureur de Donald Trump.
Mais l’histoire retient surtout la volte-face qu’il fallut faire en 2000 après l’annonce prématurée d’une victoire du démocrate Al Gore en Floride.
Pour éviter un tel cauchemar pour leur crédibilité, les médias s’appuient sur des analyses plus poussées qui ne prennent plus seulement en compte les sondages sortis des urnes, mais aussi des enquêtes préalables auprès des électeurs votant de manière anticipée.
« Mirage rouge »
L’avocat spécialiste des élections Ben Ginsberg s’attend au retour du « mirage rouge » de 2020, autrement dit l’avance apparente des républicains qui fond au fur et à mesure que les votes par courrier, d’ordinaire plus utilisés par les démocrates, sont dépouillés.
Mais « on ne sait pas encore si les efforts déployés par les républicains cette année pour inciter leurs électeurs à voter tôt changeront cette tendance », ajoute-t-il dans une tribune au New York Times.
Pendant ce marathon, les chaînes doivent tenir l’audience et faire preuve de transparence, sur fond de perte de confiance du public dans les médias et alors que tous les experts s’attendent à un déluge de désinformation sur de prétendues tricheries.
CNN relancera sa « carte magique », qui permet à l’un de ses journalistes emblématiques, John King, de zoomer à l’envi sur les tendances du moindre comté d’Amérique, en supposant avec prudence qu’il s’agit d’un bon signe pour l’un ou l’autre des candidats.
NBC News a d’ores et déjà mis en ligne plusieurs articles expliquant de manière détaillée comment les données vont remonter à partir du 5 novembre depuis plus de 100.000 bureaux de vote et avec quelles précautions elle projettera les résultats de 610 scrutins incluant les élections au Sénat et à la Chambre des représentants.
« La quantité de données » que les chaînes ou les sites « fournissent le soir de l’élection est plus importante que jamais. Il y a plus de détails, plus de cartes, plus d’analyses que jamais auparavant », assure Joe Lenski.
« Si cela prend du temps, ce n’est pas la preuve d’une conspiration », prévient aussi Ben Ginsberg. Et « si l’un des candidats saute le pas et déclare sa victoire avant le dépouillement des votes, sachez que c’est une manœuvre politique », ajoute-t-il.
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