Procès Google vs USA : L’œil de Maître Masmi-Dazi – Episode 2
Pendant les prochaines semaines, TheMediaLeader.tech vous propose de suivre le procès de Google pour abus de position dominante aux Etats-Unis. Maître Fayrouze Masmi-Dazi, fondatrice du cabinet d’avocat Dazi, avocate à la cour à Paris et spécialiste des sujets numériques et technologiques, nous propose son analyse chaque mercredi en exclusivité.
La première semaine de plaidoiries et d’auditions croisées de témoins comporte déjà son lot de révélations issues notamment des documents internes de Google produits par le Département américain de la Justice. Dommage que Google ait – selon toutes apparences -, omis des échanges internes et possiblement (ab)usé du legal privilege pour des discussions sensibles.
Pas de négociation possible avec Google
Plusieurs éditeurs ont pu s’exprimer sur l’impossibilité de négocier avec Google « sur le moindre terme contractuel » et l’absence de partage de donnée. Les éditeurs ont bien tenté de faire appel à des « alternatives ». Ainsi Newscorp aurait conduit une étude sur la possibilité de switcher en 2017, mais le risque de perte de revenus y a été jugé trop important. En réplique, Google a insisté dans son contre-interrogatoire sur le fait que Newscorp a pu « déprioriser » Google, tout en maintenant des hausses de revenus. Jay Friedman, CEO de Goodway Group a témoigné de « l’inflexibilité » de Google, notamment sur le taux de commission appliqué.
Des enchères en cascade « pas bonnes pour les éditeurs »
Les témoignages les plus explosifs proviennent en réalité d’employés de Google. Ainsi Eisar Lipowitz (ingénieur chez Google depuis 15 ans) a déclaré qu’il avait bien recommandé une baisse de 7 à 10% du taux de commission d’AdX lorsque le Header Bidding est venu forcer la concurrence. Au lieu de cela, Google aurait « conduit une sale enchère ». Poursuivant dans sa lancée, Mr. Lipowitz a déclaré que les enchères en cascade n’étaient pas « bonnes pour les éditeurs ». « Ce n’était pas tenable, mais c’était la seule manière de générer plus d’argent ».
« AdX ne vaut pas (une commission de) 20% »
C’est l’une des révélations de cette première semaine de procès et cela provient d’un email de Chris LaSala, Directeur des plateformes éditeurs de Google qui indique purement et simplement que « nous sommes tous d’accord que la « fonctionnalité d’échange » ne vaut pas 20% et que la valeur provient de l’origination de la demande ».
Interrogé sur la politique de « discount » de Google, Mr LaSala aurait indiqué que sur 4.000 éditeurs, 13 ont obtenu une réduction de 20% à 19,8%. Elle est donc assez stricte. Il ajoute qu’il aurait milité pour une « comoditisation » du business de l’exchange plutôt qu’une « quête d’extraction irrationnelle d’une rente élevée tolérée par le marché seulement du fait du caractère unique de la demande ».
Au 6è jour, on apprend que lorsque le Header Bidding est arrivé sur le marché, cela a rendu les solutions de 3rd party yield management plus attractives. En riposte, Google a envisagé de baisser le taux de commission d’AdX de 20% à 15% pour « mieux aligner la proposition de valeur au prix et rendre AdX plus compétitive ». Ce qui confirme que cela est possible et probablement plus pertinent sur le plan concurrentiel.
Plusieurs études d’économistes ont analysé l’impact des différentes pratiques reprochées
On relèvera le témoignage et l’audition croisée de Gabriel Weinstraud professeur d’économie à Stanford qui a étudié i) le droit de premier regard d’AdX, ii) le droit de dernier regard d’AdX, iii) le dynamic revenue sharing, iv) le tarif unifié, v) « Poirot », et vi) les exclusivités entre les produits de Google. Mr Weinstraud a fait l’objet d’une contre-audition musclée remettant en question sa méthodologie, des omissions possibles dans les calculs.
Rosa Abrantes-Metz, managing director chez Berkeley Research Group a elle-aussi étudié plusieurs pratiques, i) l’exclusivité RTB à AdX via DFP, l’exclusivité Google Ads avec AdX, le droit de premier regard, le droit de dernier regard, l’acquisition (considérée par le DOJ comme prédatrice) d’Admeld par Google ou encore, le tarif unifié. Elle conclut que ces pratiques ont conduit à distordre le fonctionnement de la concurrence sur tous les marchés pertinents tout en protégeant les produits de Google, en limitant le choix des consommateurs, en réduisant la concurrence, ce qui a permis d’augmenter le pouvoir de marché de Google et les prix.
La prise en compte de l’hypothèse du démantèlement
Fait remarquable, dès cette première semaine, la question du démantèlement a été abordée par la Juge Brinkema. Cette hypothèse a été mentionnée par Google dès 2017 dans une pièce versée par le DOJ. Des témoins ont été interrogés sur la capacité d’ajustement des éditeurs, confirmée.
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