Procès Google vs USA : L’œil de Maître Masmi-Dazi – Episode 3
Pendant les prochaines semaines, TheMediaLeader.tech vous propose de suivre le procès de Google pour abus de position dominante aux Etats-Unis. Maître Fayrouze Masmi-Dazi, fondatrice du cabinet d’avocat Dazi, avocate à la cour à Paris et spécialiste des sujets numériques et technologiques, nous propose son analyse chaque mercredi en exclusivité.
Deuxième semaine de plaidoiries et nous basculons déjà, dans la défense de Google. Le juge Brinkema entretient un rythme soutenu, écourte les auditions, les examinations croisées et n’hésite pas à interrompre les témoignages trop redondants.
Le rapport de Robin Lee – professeur d’économie à Harvard sur l’impact éditeur
L’excellent Professeur Lee qui a produit un rapport particulièrement fouillé pour l’évaluation de l’impact des pratiques sur les éditeurs notamment mais également des éditeurs. Dans son témoignage et son audition croisée, il a fait valoir que de son point de vue, les ad servers publicitaires éditeurs constituent un marché pertinent sur lequel Google détient un pouvoir de marché substantiel et pérenne. Il a conduit des analyses de régressions, des simulations d’enchères et analysé des simulations internes de Google. Au total, il a conduit une centaine d’expérimentations en utilisant des données Google et des données de tiers.
Le Professeur Lee a conduit un test du monopoleur hypothétique pour déterminer si l’exploitation de DFP permettait à l’opérateur qui le détient est en mesure d’augmenter significativement les prix sans que la demande ne se réduise. Le résultat est que non seulement Google aurait bien la capacité d’augmenter significativement les prix, mais également de réduire la qualité en termes de fonctionnalités, sans avoir à craindre de baisse de la demande, ce qui du point de vue du Professeur Lee caractérise précisément l’opérateur dominant.
Pour Robin Lee, Google a mis en œuvre 5 pratiques anticoncurrentielles distinctes : i) une vente liée Google Ads et AdX, ii) le conditionnement de l’accès aux enchères en temps réel à DFP, iii) des avantages exclusifs conçus dans DFP, iv) les règles de pricing unifiées, et v) l’acquisition d’Admeld. Il en conclut que Google a porté préjudice aux éditeurs de trois manières : i) en imposant des prix élevés et des revenus moins importants, ii) en réduisant les options disponibles aux annonceurs et l’efficacité des campagnes, et en portant atteinte à la concurrence en poussant des opérateurs tels que Verizon et Yahoo à sortir du marché.
Pour le Daily Mail, changer d’Ad server correspondrait à une perte de 390k$ par mois – 28% environ de son revenu programmatique
Matthew Wheatland, CDO du Daily Mail a été appelé à témoigner sur les options disponibles aux éditeurs – l’un des axes de défense de Google. Mr Wheatland a pour sa part, indiqué que le Daily Mail ne pouvait pas envisager de monétiser son inventaire en utilisant Facebook, Amazon ou Disney car ils n’opèrent pas d’ad server ni ne facilitent l’open web display.
En quittant le server de Google, ils perdraient aussi l’accès à la demande de Google, or, Wheatland, comme d’autres, ont témoigné de l’impossibilité matérielle et concrète de construire par eux-mêmes un serveur concurrent. Il a fait l’objet d’une audition croisée musclée.
Renoncer à l’avantage informationnel d’AdX via DFP ? une perte évaluée par Google à 8% de CA qui peut être mitigée
Parmi les éléments ayant retenu notre attention, figurent notamment des échanges internes de Google en août 2019 commentant « l’avantage informationnel significatif » dont dispose AdX en enchérissant avec des informations privilégiées issues de DFP, le caractère stratégique de ces informations et l’impact quantifié à 8% sur le CA qui pourrait en tout état de cause être réduit.
Outre qu’ils confirment que cette pratique d’autopréférence entre outils de Google revêt une importance stratégique, on apprend également que c’est en parfaite conscience des préoccupations que cela soulève que cela a continué d’être mis en œuvre. Et l’on retrouve au détour de cet échange, les « précautions » prises en interne pour éviter d’évoquer ce type de sujets sensibles par écrit.
« Spaghetti Football » où le rôle central de Google dans l’écosystème Ad Tech
La phase de plaidoiries de la défense a commencé de manière assez inhabituelle voire cocasse. Karen Dunn, l’avocate cheffe de file de la défense de Google dans ce procès, a décidé de présenter sa propre interprétation du rôle de Google dans la chaîne de valeur programmatique. En voulant innover et commenter en live les différents flux, la présentation s’est avérée probablement contreproductive. Elle s’est conclue ainsi, avec ce schéma confus, qualifié selon les propres termes du Juge Brinkema de « Spaghetti Football », où Google semble partout et bénéficier de tout, ce qui n’était pas forcément le but de la démonstration.
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