Redouane Bellani (Epsilon) : « La FOMO dans le retail media ne doit pas pousser à une standardisation des offres »
À l’heure où le retail media tente de redéfinir certaines règles de la publicité, l’industrie doit concilier innovation et complexité. Entre la transition vers un monde sans cookies tiers, la fragmentation des identifiants uniques et la montée des opportunités off-site et sur CTV, la capacité à se différencier et à collaborer devient cruciale pour transformer ces défis en moteurs de croissance durable. Redouane Bellani, SVP France et Europe du Sud chez Epsilon, nous éclaire.
The Media Leader : Comment les éditeurs peuvent-ils éviter que la FOMO dans le retail media n’entraîne une standardisation de leurs offres et quelles stratégies privilégier pour se différencier ?
Redouane Bellani : La FOMO dans le retail media ne doit pas pousser à une standardisation des offres, mais plutôt inciter les éditeurs à saisir une opportunité unique, notamment sur la partie off-site. Les consommateurs ne sont pas toujours sur les sites des retailers, et les éditeurs peuvent offrir aux marques des points de contact alternatifs pour atteindre ces audiences, en fournissant du volume et des cibles pertinentes. La clé pour se différencier réside dans la capacité à développer des solutions technologiques et à exploiter un trafic qualifié pour permettre une identification précise des clients recherchés par les marques. Les éditeurs qui disposent de l’échelle nécessaire et qui investissent correctement dans ces technologies pourront tirer parti de cette demande croissante. Cependant, pour les plus petits éditeurs, cette différenciation reste un défi à relever face aux géants du marché.
TML : Quelles sont, selon vous, les principales raisons derrière l’essor rapide du retail media, et comment cette dynamique pourrait-elle évoluer dans les années à venir ?
R.B : L’essor rapide du retail media s’explique d’abord par la montée en puissance de l’e-commerce et l’évolution technologique, qui permettent aux retailers de mieux comprendre leurs audiences grâce aux données first-party, comme les historiques d’achats par exemple. Cela rend le ciblage extrêmement précis et attractif pour les marques, d’autant plus qu’il est proche de l’acte d’achat. Par ailleurs, pour les retailers, le retail media représente un levier de rentabilité incomparable, avec des marges pouvant dépasser 70%, bien supérieures à celles des autres verticales. Enfin, la disparition des cookies tiers renforce cette dynamique : les données first-party des retailers deviennent des atouts stratégiques face aux restrictions des plateformes sociales, offrant aux marques une alternative de ciblage pertinente. Ce cercle vertueux, mêlant profitabilité et efficacité publicitaire, devrait continuer à favoriser la croissance du retail media dans les années à venir.
TML : Avec la problématique des cookies tiers, comment le retail media peut-il répondre aux besoins des annonceurs en matière de personnalisation et de performance ?
R.B : Avec la disparition des cookies tiers, le retail media offre une réponse pertinente en combinant ciblage contextuel et exploitation des données first-party des retailers. Le ciblage contextuel permet de créer des campagnes adaptées à l’environnement des consommateurs, mais il reste limité en termes de mesurabilité. C’est là que le retail media se démarque, en reliant directement les messages publicitaires aux résultats concrets chez les retailers grâce à des données transactionnelles et à des configurations techniques adaptées. Cela permet non seulement de mesurer la performance avec précision, mais aussi de personnaliser les campagnes en s’appuyant sur des insights détaillés. En utilisant ces données, les marques peuvent ajuster leurs communications à différents segments ou même affiner leurs messages pour des sous-catégories spécifiques, ce qui améliore leur pertinence et leur impact.
Avec la disparition des cookies tiers, le retail media offre une réponse pertinente en combinant ciblage contextuel et exploitation des données first-party des retailers.
TML : À l’horizon 2025, comment voyez-vous l’évolution de l’utilisation des identifiants uniques dans le retail media, et quels en sont les principaux obstacles aujourd’hui ?
R.B : L’utilisation des identifiants uniques (IDs) dans le retail media à l’horizon 2025 illustre une capacité de l’industrie à s’organiser et à trouver des alternatives aux cookies tiers, indépendamment des Walled Gardens. Aujourd’hui, les éditeurs adoptent souvent plusieurs IDs pour se préparer à capitaliser sur ceux qui émergeront comme standards dominants. Cependant, cette pluralité d’IDs crée une fragmentation accrue, paradoxalement plus complexe que celle générée par les cookies tiers. Cette fragmentation représente un défi majeur pour une gestion efficace et unifiée des investissements, risquant de multiplier les coûts et de réduire l’efficacité publicitaire.
Un autre obstacle réside dans l’adoption par les annonceurs, encore limitée en dehors de quelques tests. Tant que les cookies tiers restent fonctionnels, les marques privilégient ces solutions, car elles sont perçues comme plus économiques et opérationnellement simples à exploiter. Cette inertie ralentit l’adoption des IDs, les marques reportant cette transition à la dernière minute, lorsque l’utilisation des cookies tiers deviendra totalement obsolète. En revanche, les éditeurs se montrent plus proactifs, ayant pris une longueur d’avance dans leur préparation technique et stratégique. Pour que les IDs puissent pleinement répondre aux besoins du retail media, il faudra surmonter ces obstacles d’adoption et résoudre la problématique de la fragmentation afin d’assurer une transition fluide et efficace vers ce nouvel écosystème.
TML : Quel rôle la CTV peut-elle jouer dans les stratégies retail media, notamment en matière de ciblage et de mesure d’audience ?
R.B : La CTV joue un rôle clé dans les stratégies retail media, notamment parce qu’elle opère nativement dans un environnement cookieless tout en offrant une échelle significative. Les acteurs de la CTV, comme les grands broadcasters, combinent une audience massive et des capacités de collaboration autour des données first-party, ce qui les rend attractifs pour les marques. Par exemple, des initiatives comme celles de TF1, qui s’appuie sur des partenariats autour de la data shopper, illustrent parfaitement cette convergence entre volume et pertinence. En outre, la CTV permet d’intégrer des solutions de mesure avancées, comme le closed-loop reporting, qui établissent un lien direct entre les investissements publicitaires et les résultats concrets. Contrairement aux Walled Gardens, les acteurs de la CTV offrent souvent une meilleure transparence et des possibilités d’optimisation en temps réel, tout en évitant les limitations imposées par les grandes plateformes sociales. Cette combinaison de reach, données et mesurabilité positionne la CTV comme une alternative stratégique de choix pour le retail media.
La CTV permet d’intégrer des solutions de mesure avancées
TML : Pensez-vous que le retail media représente un modèle durable ou risque-t-il de se heurter à des limites structurelles à moyen terme ?
R.B : Le retail media est indéniablement un modèle durable, et les exemples d’Amazon ou de Walmart en témoignent. Ces acteurs ont démontré leur capacité à capitaliser sur la croissance de leur trafic et à diversifier leurs offres, avec des formats publicitaires de plus en plus avancés, qu’il s’agisse de search, de display ou de vidéo. À cela s’ajoute le potentiel croissant de l’inventaire off-site, qui offre un relais de croissance à l’inventaire on-site, et le développement d’outils de collaboration data entre retailers et marques, permettant des analyses approfondies et des campagnes plus ciblées. Cependant, des défis persistent, notamment la fragmentation du secteur, qui complique la tâche des marques et des agences cherchant à gérer de multiples plateformes et technologies. La solution réside dans des approches unifiées, comme celle d’Epsilon, qui standardisent l’accès à de larges volumes d’audience et alignent les méthodes de mesure pour réduire la complexité. Si ces obstacles sont surmontés, le retail media continuera de se développer sur des bases solides, avec encore beaucoup de potentiel à exploiter.
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