Scier la branche… par Zysla Belliat-Morgensztern
Au moment où ces lignes sont écrites, la France entre dans la troisième semaine de confinement due à l’épidémie de Covid-19 et nombreux sont les observateurs qui scrutent et tentent d’analyser au jour le jour les signes de modification des comportements de consommation et d’achat. Ainsi on a pu lire que le drive progressait, que les livraisons à domicile enregistraient des évolutions parfois surprenantes : pour tels produits, mais pas tels autres etc. Mais aussi que si plus de neuf sites de commerces en ligne sur dix restaient actifs, les trois quarts subissaient des baisses de ventes[1].
Il est bien sûr trop tôt pour savoir ce que cette crise sanitaire va avoir comme conséquences durables sur les (nouveaux) comportements et habitudes des Français, mais une chose est certaine lorsqu’on regarde les données relatives aux investissements publicitaires : ceux-ci sont en très forte baisse et comme il a été prouvé, en particulier grâce aux modèles statistiques de l’économétrie, que la publicité avait un effet positif sur les ventes avec des retours sur investissement importants, on peut craindre des effets encore plus délétères dès la sortie de cette crise et longtemps après. Paradoxalement, alors que la consommation des médias dits traditionnels n’a jamais été aussi élevée et alors qu’en début d’année 2020 on apprenait que la confiance des Français envers ces mêmes médias restait élevée avec toutefois une crédibilité dégradée envers Internet[2], on assiste depuis le 16 mars à un désinvestissement publicitaire massif de la part des annonceurs pour tous les médias dits «traditionnels» en durée ou volume d’insertions : de -35% à -72% selon la semaine ou le média concerné. Le secteur de la distribution suit cette tendance baissière alors que la stratégie devrait être de réorienter le discours mais certainement pas de se taire … sauf à n’avoir encore et toujours qu’une vision court-termiste de la situation, sauf à chercher à se saborder car, pour filer la métaphore «aquatique», en jetant ainsi l’eau du bain on jette aussi le bébé.
Il est bien sûr trop tôt pour savoir ce que cette crise sanitaire va avoir comme conséquences durables sur les (nouveaux) comportements et habitudes des Français, mais une chose est certaine lorsqu’on regarde les données relatives aux investissements publicitaires : ceux-ci sont en très forte baisse et comme il a été prouvé, en particulier grâce aux modèles statistiques de l’économétrie, que la publicité avait un effet positif sur les ventes avec des retours sur investissement importants, on peut craindre des effets encore plus délétères dès la sortie de cette crise et longtemps après. Paradoxalement, alors que la consommation des médias dits traditionnels n’a jamais été aussi élevée et alors qu’en début d’année 2020 on apprenait que la confiance des Français envers ces mêmes médias restait élevée avec toutefois une crédibilité dégradée envers Internet[2], on assiste depuis le 16 mars à un désinvestissement publicitaire massif de la part des annonceurs pour tous les médias dits «traditionnels» en durée ou volume d’insertions : de -35% à -72% selon la semaine ou le média concerné. Le secteur de la distribution suit cette tendance baissière alors que la stratégie devrait être de réorienter le discours mais certainement pas de se taire … sauf à n’avoir encore et toujours qu’une vision court-termiste de la situation, sauf à chercher à se saborder car, pour filer la métaphore «aquatique», en jetant ainsi l’eau du bain on jette aussi le bébé.
Le jour d’après …
En effet, une fois que nombre de médias seront morts, faute de ressources, il ne sera plus possible de communiquer, ce qui précipitera encore plus rapidement la chute des ventes et des marques. Ou alors la poignée de média qui restera aura toutes les raisons d’imposer des tarifs vertigineux : pénurie de l’offre, rattrapage des déficits, dans un contexte d’inversion des pouvoirs où le souvenir de l’absence de soutien durant la crise occupera une place prépondérante laissant des traces vives et douloureuses. Et cet aspect des choses ne concerne que la vision économique froide. Il faudra bien aussi se poser la question de la vision citoyenne, démocratique. Quels sont en effet les médias d’information qui résisteront ? Est-on certain que ce sont les plus indépendants, ceux qui ont encore les moyens de financer de véritables équipes d’investigation, bref, ceux qui sont libres ?
N’y a-t-il pas un devoir de les sauvegarder ? mais qui pour l’imposer quand cette réflexion devrait être le résultat réfléchi d’un premier élan spontané ?
Car au-delà de ces considérations, le verdict risque d’être terrible : les marques, tout ce qu’elles représentent du «monde d’avant» et en tout cas les grands groupes industriels apparaîtront comme appartenant à un système qui d’ailleurs dès bien avant la crise du Covid-19, n’aura pas soutenu les producteurs locaux, aura favorisé les délocalisations, aura cédé aux sirènes du profit maximal, cette fin justifiant tous les moyens y compris la destruction des médias qu’ils soient d’information ou de divertissement.
L’exécutif aura à rendre des comptes, les entreprises ou du moins certaines d’entre elles aussi.
Qu’ont-elles fait ou pas pendant la crise, que font-elles après ? Les priorités qu’elles choisiront de s’appliquer seront décisives : l’humain, l’outil de production, sa localisation, le modèle d’affaires, la sécurité, les relations avec les parties prenantes, les actionnaires, les dividendes … Par effet collatéral, les marques seront dans le viseur, non pas que le public les «attendra au tournant», mais elles devront faire preuve d’une mise en cohérence accrue entre leurs actes (ou leurs non actes …) et leur discours. Plus encore qu’avant la crise, la dissonance sera perçue, jugée de façon exacerbée et par voie de conséquence sanctionnée. On peut considérer que cela donnera une chance inouïe à tous ceux qui sauront faire preuve d’intelligence créative, stratégique et osons le dire humaine. Sous réserve de ne pas réécrire l’histoire et de ne pas jouer aux héros de la dernière heure. Pour tous les abandonnistes précoces, il est probablement déjà trop tard.
«A la fin, nous nous souviendrons non pas des mots de nos ennemis, mais des silences de nos amis»
Martin Luther King
Zysla Belliat-Morgensztern est Présidente de MMZ Conseil et Professeur associé Paris 2 Panthéon-Assas
[1] Source : Etude FEVAD réalisée entre le 23 et le 25 mars 2020
[2] Source : Baromètre 2020 sur la confiance des Français dans les médias, réalisé par Kantar pour La Croix
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