Stéphane Dottelonde (UPE) : « Nous avons l’impression que la publicité extérieure a servi de bouc émissaire »
Après la publication d’une étude du cabinet KPMG sur la consommation énergétique et le rôle sociétal de la communication extérieure, les acteurs de l’affichage, dont l’activité revient au niveau de 2019, veulent faire entendre leur voix.
Au cœur de polémiques autour de la sobriété, leur syndicat, l’Union de la Publicité Extérieure (UPE), veut rétablir certaines vérités. À l’occasion de l’ouverture du 48e Grand Prix de la Communication Extérieure à Bordeaux ce jeudi, Stéphane Dottelonde, président de l’UPE qui réunit les afficheurs, est l’invité de 100%Media.
100%Media : Comment va l’Union de la Publicité Extérieure en ce début d’année ?
Stéphane Dottelonde : La filière se porte plutôt bien à la fois en fin d’année dernière et au début de cette année, avec 8,4% de part de marché de la publicité. On a quasiment rattrapé le niveau d’activité existant avant la crise Covid. Je rappelle que nous avons eu une baisse d’un tiers de l’activité en 2020 et de -25% en 2021. Donc le rebond est assez marqué en 2022. En 2023, nous devrions retrouver le niveau de 2019, soit 1,3 milliard d’euros, au minimum.
Nous avons, au cours des dernières années, accordé une très grande importance aux sujets RSE. Dès mars 2021, nous avons annoncé une trajectoire de baisse des émissions de CO2, de -20% en 2025 par rapport à 2019 et de -48% en 2030 pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
Cette trajectoire de diminution des émissions de CO2 a été intégrée dans le contrat climat que nous avons déposé sur une base volontaire à l’Arcom en juin 2022. Pour ce qui concerne plus spécifiquement les consommations énergétiques, il est utile de rappeler que la publicité extérieure ne représente que 0,028% de la consommation énergétique totale de la France et 0,4% de la consommation des technologies de l’information et de la communication. Les deux décrets d’octobre 2022 sur l’extinction des publicités lumineuses, qui étaient déjà éteintes dans leur immense majorité, n’auront donc que très peu d’effets sur la consommation énergétique. Par moment, nous pouvons avoir l’impression que la publicité extérieure a servi de bouc émissaire.
100%Media : Qu’est-ce que la crise du Covid a changé au métier ?
S.D. : La dé-densification du nombre d’emplacements se poursuit, le choix de la qualité des emplacements plutôt que la quantité continue à prévaloir. A l’avenir, le digital devrait permettre un développement du média sobre en consommation énergétique et respectueux de la protection du cadre de vie.
La nouvelle mesure d’audience sera la plus fine au monde et l’une des plus abouties
Stéphane Dottelonde
100%Media : La communication extérieure va lancer sa nouvelle mesure Mobimétrie, comme annoncé à OOH Trends 2022. Quelles sont les innovations ? En quoi cela répond-il aux demandes du marché ?
S.D. : Cette nouvelle mesure d’audience sera disponible à la fin du premier semestre 2023 pour doter le marché de données fiables sur la communication extérieure. La nouvelle méthodologie utilisée permet d’obtenir un très haut niveau de granularité, à la fois spatiale (pour chaque face) et temporelle (pour chaque semaine). Une fois achevée, la nouvelle mesure d’audience de la communication extérieure en France sera la plus fine au monde et l’une des plus abouties parmi les études d’audience des médias en France.
Pour rappel, cette nouvelle étude mesure le volume et la répartition du trafic dans les rues ; la saisonnalité des déplacements ; l’évolution des vitesses de déplacements selon les modes et l’évolution des comportements de mobilité selon le profil de chaque individu.
100%Media : Les sujets autour de la transition écologique et de la RSE sont centraux pour le média qui est la cible d’attaques. Vous avez présenté une analyse du cabinet KPMG. Comment le secteur peut-il répondre aux inquiétudes et gagner la bataille de l’image ?
S.D. : La première bataille à gagner est celle de la rationalité : le fait de disposer de données fiables, objectives et indépendantes pour contribuer au débat public sur la consommation énergétique et les émissions de CO2. C’est la raison pour laquelle nous avons demandé à KPMG de mesurer la performance énergétique de la communication extérieure et de la comparer à celle des autres médias.
Il en ressort que la publicité extérieure est six fois plus sobre que la publicité sur internet et 17 fois plus sobre que la publicité TV. Ce qui revient à dire qu’une restriction normative de la publicité extérieure entraînerait mécaniquement une augmentation des consommations énergétiques, soit l’inverse de ce qui est souhaitable.
100%Media : La réglementation a évolué dans certaines villes autour des règlements locaux de publicité, mais également l’extinction des panneaux lumineux. Comment l’UPE dialogue-t-elle avec les élus et le législateur ?
S.D. : Comme dit plus haut sur l’extinction des panneaux lumineux, nous avons, dans la plupart des cas, anticipé l’application du décret d’octobre 2022, en concertation avec les collectivités locales. De manière plus générale, le dialogue avec les élus et le législateur se poursuit dans de bonnes conditions, dans la mesure où ils perçoivent l’utilité de la publicité extérieure sur les territoires. Comme le montre l’étude comparative de KPMG, la communication extérieure est le média publicitaire dont la contribution au dynamisme des territoires est la plus importante. Elle reverse aux acteurs locaux entre 55% et 65% de ses recettes, s’adresse à hauteur de 60% à des annonceurs locaux et 60% de ses emplois (soit 15 000 emplois directs et indirects) sont liés aux activités locales.
100%Media : Comment voyez-vous l’évolution du marché de la communication extérieure ?
S.D. : Parmi les médias historiques, la publicité extérieure a le mieux résisté à l’émergence du digital, parce qu’elle satisfait les besoins des annonceurs en matière d’audience, de puissance, de ciblage et de proximité avec le public. Elle a donc un bel avenir devant elle ! Dans la période récente, la communication extérieure s’inscrit activement dans les tendances de fond de la publicité aujourd’hui : sobriété, inclusion, engagement, lutte contre les discriminations et les stéréotypes. Sur ces sujets, nous sommes extrêmement vigilants.
100%Media : Vous organisez le 48ᵉ Grand Prix de la Communication Extérieure à Bordeaux. Que représente cet événement pour le secteur ?
S.D. : La 48ᵉ édition du Grand Prix est l’occasion, comme les précédentes éditions, de mettre en valeur la qualité et le talent des créations publicitaires. Le Grand Prix a pour particularité d’être composé uniquement de créatifs, dont les débats peuvent être suivis en toute transparence par les journalistes. C’est pour nous une garantie de la qualité du palmarès. Cette année encore, un Prix de l’Engagement récompensera une campagne qui contribue à l’évolution des mentalités et des comportements en mettant en avant l’un des piliers de la RSE.
L’organisation de l’événement respectera l’exigence de sobriété énergétique, puisque nous nous déplacerons uniquement en train jusqu’à Bordeaux et, sur place, en tramway.
Propos recueillis par François Quairel
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