Contenus, digitalisation, data et métiers de régie, par Stéphane Delaporte, Directeur Général Adjoint Quotidiens-Associés
L’univers de la production des contenus a, ces dernières années, profondément muté avec les innovations technologiques que nous a apporté la digitalisation.
Les contenus, de fait, ne sont plus monolithiques dans leurs vecteurs d’exploitation (ex papier) et ils peuvent être consommés sur plusieurs supports et surtout d’une façon déstructurée ; particulièrement dans le cas de la production des contenus liés à l’écran (tv, internet, cinéma), mais également demain pour les contenus liés à l’écrit. C’est un des principaux enseignements notables ces dernières années.
Dans ce cadre, la PQR forte de la richesse de sa production de contenus liés à la proximité, peut largement profiter de ces innovations et de ces mutations. De même, sa parfaite connaissance de ses lecteurs, particulièrement abonnés (+/- 60% de la diffusion totale), laisse entrevoir la possibilité de l’exploitation de data qualifiées et la possibilité de vendre le bon contact au bon moment et dans le bon contexte.
Ces opportunités sont une chance pour un media qui en a peu connus depuis une vingtaine d’années. Dans le même temps, une adaptation des régies devient de fait indispensable car le digital structure tout y compris les modes et formes de commercialisation de l’espace qui devient un bien «comme les autres» et doit donc être vendu selon la loi du marché ouvert à la valorisation selon l’offre et la demande.
Sur le sujet de la consommation et de la commercialisation des contenus digitalisés, la PQR possède une valeur unique et qu’aucun autre média traditionnel de l’écrit ne possède. En effet, c’est le seul qui produit un contenu aussi important et riche dans la vie concrète du citoyen au travers de la notion de proximité, sur des items sociétaux en phase avec les attentes du grand public (cf les études TNS Françaises, Français et Territoires 2012/2013).
Non seulement ce contenu est très important en volume, mais il est «dans la vie des gens», car il est par définition régional et/ou local et surtout est adossé à des valeurs de marques extrêmement fortes et reconnues. Les marques média qui structurent la PQR sont de véritables repères en matière de crédibilité d’information. La régionalisation et/ou la localisation des contenus de la PQR étant la véritable motivation d’achat de ces titres et justifiant par ailleurs les 60% d’abonnés qu’affiche ce média à l’heure ou un abonnement annuel représente une dépense pour le ménage d’environ 300€.
En revanche, le fait que l’accès à ce contenu soit totalement monolithique est aujourd’hui, un frein majeur à son développement et son exploitation. Dans la grande majorité des cas le lecteur et/ou l’internaute n’a le choix qu’entre acheter la version papier du titre et/ou sa version digitalisée.
Ce mode de consommation est mature et n’appelle que peu de développement quand il n’est pas tout simplement obsolète. Par ailleurs, il ne peut intégrer la nécessaire mutation de l’écosystème de production et consommation des contenus à valeurs de marques de demain.
Néanmoins comme dit précédemment, la PQR possède une richesse inexploitée dans la production de ces contenus qui sont déjà ou peuvent être tous digitalisés. Le futur modèle et les futures recettes se trouvent dans la bonne monétisation de cette production. Pour ce faire le modèle Apple avec la musique et la plateforme iTunes donne la direction ; en effet quand un internaute lecteur pourra de lui-même, via une plateforme digitale, acheter par exemple sur une semaine la météo marine du Télégramme, parce qu’il va faire de la voile en Bretagne, deux mois de rubrique culinaire de tel ou tel titre, six mois d’édito de tel ou tel éditorialiste de la PQR ; le tout ou partie moyennant quelques euros, c’est alors tout le système de rémunération issu des contenus qui est changé.
Le modèle publicitaire qui sera accolé dessus sera le modèle du push en liaison avec l’exploitation des data et la géolocalisation. Cela permettra également de contrôler les nouveaux arrivants sur le marché de la publicité locale/régionale ; ainsi que de maintenir de la valeur au sein de ces marchés car apportant de nouveaux services.
Les innovations technologiques n’impactent pas uniquement la production et l’exploitation des contenus. Elles impactent considérablement les métiers liés à leurs commercialisations d’un point de vue publicitaire. Les métiers commerciaux vont profondément muter à court et moyen terme au sein des régies. Partant du principe que la valeur espace de l’ensemble des supports, dans la structure du marché actuelle ne peut que, au mieux, stagner, au pire décroitre à une vitesse plus ou moins rapide ; les coûts de commercialisation sont donc condamnés à progresser si on ne change pas fondamentalement le modèle.
La digitalisation et l’achat sur le net a totalement modifié la donne, dernièrement l’arrivée en masse du RTB (+100% en 2013 en France), la multiplication des AdExchanges font que de plus en plus l’achat automatisé sera la norme.
L’ensemble de notre écosystème avance dans le même sens, la réduction des coûts de commercialisation, puisqu’il n’existe quasiment plus de possibilité de vendre l’espace plus cher.
Le pendant de l’automatisation des achats «tout venant», c'est-à-dire page, 1/2 page, 1/4 page, est que les régisseurs vont devenir de véritables conseils pour les annonceurs sur des problématiques particulières. De fait le régisseur doit être capable de construire une solution média à un moment donné répondant à une problématique annonceur, cette solution étant à chaque fois différente. Le métier de commercial en régie va donc fondamentalement changer sur les deux items : d’un côté des profils très «technos» qui administreront des campagnes vendues aux enchères par les plateformes de trading, de l’autre de véritables conseillers de solutions media à l’instar de ce qui a été fait sur la campagne Carrefour «Reflets de France» en PQR 66. Donc des équipes plus resserrées mais plus spécialisées que ce soit en national ou en local : des chefs de marchés experts par secteurs et/ou filières, interfaces intelligents et très informés «marché» des directions marketing annonceurs.
Stéphane Delaporte, Directeur Général Adjoint Quotidiens-Associés
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