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Le courage et l’audace

Le courage et l’audace

L’édition de The Media Leader Dimanche du 15 décembre 2025

J’ai une excellente mémoire, mais je ne me souviens pas des dates. Et non, je ne suis pas fou ou atteint d’une perte cognitive précoce. Simplement je revois en détail cette nuit d’été où j’ai été réveillé par une alerte sur mon téléphone sans pouvoir la dater précisément. Je peux ajouter que je séjournais dans un hameau niché sur les contreforts des Pyrénées. La chambre était en partie troglodyte et les murs de pierres n’étaient percés que par une fenêtre presque aussi étroite qu’une meurtrière de l’un des châteaux cathares qui dominaient le paysage. Mais il faisait très noir lorsque mon téléphone s’illumina pour m’informer de l’arrivée d’un SMS. Sans chausser mes lunettes, j’arrivais néanmoins à distinguer que c’était un ami, patron d’une agence de pub indépendante, qui m’écrivait quelque chose à propos de Publicis. J’étais en vacances, l’aube était encore lointaine, et le sommeil a pris le dessus sur mon instinct journalistique. Le réseau téléphonique était si faible dans la montagne que c’était un miracle que ce message me soit parvenu. Il m’informait d’un projet de fusion entre le groupe français susmentionné et son homologue américain Omnicom. Il a fallu que je descende vers des contrées urbanisées pour que je me fasse confirmer ce qui était une surprise absolue et envoyer une journaliste à la conférence de presse qui avait lieu le jour même au 133 avenue des Champs-Élysées. Vous connaissez la suite de l’histoire qui s’est conclue quelques mois plus tard par l’annulation de l’opération.

Malentendus linguistiques

Comment était-on passé de l’enthousiasme à la désillusion en si peu de temps ? « Tout ce que nous avions prévu de mettre en œuvre ne paraissait plus être dans le schéma de pensée d’Omnicom », m’avait dit Maurice Levy dans une interview. Il avait ajouté : « Je ne suis pas fier de cet épisode mais il était préférable d’arrêter le train plutôt que de le laisser dérailler ». Il en faut du courage pour faire un tel aveu de la part d’un patron du CAC 40 mondialement connu. C’est à la suite de cet échec que celui qui a transformé une agence de pub parisienne en groupe global a annoncé qu’il passait la main à Arthur Sadoun. Lequel ne manque pas d’audace, comme il l’a encore prouvé cette semaine dans la vidéo qu’il a postée à l’intention des collaborateurs du groupe (ci-dessous)… et de ses concurrents. Là encore, il n’est pas commun pour un grand patron de commenter publiquement le projet de fusion de deux de ces plus grands rivaux. Il est vrai qu’il est dans la position assez confortable du spectateur d’une opération dont personne n’est mieux placé que lui pour savoir qu’elle ne sera pas de tout repos. Certes, John Wren et Philippe Krakowsky sont tous les deux anglophones ce qui évitera les malentendus linguistiques entre les patrons d’Omnicom et d’IPG. Et puis, si le second a quelques interrogations sur les modalités de cette fusion, il pourra toujours appeler Maurice dont la soif des affaires ne s’est pas tarie mais qui a changé de terrain de jeu depuis cette nuit d’été. C’était en juillet 2013. Quand on n’a pas de mémoire, il faut garder ses agendas.

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