Mesure cross-média : une révolution vitale pour le futur de la vidéo en France
ANALYSE. L’interview d’Isabelle Allanche, directrice générale de YouTube Ads France, publiée dans The Media Leader ce lundi, a mis en lumière les défis majeurs du marché de la vidéo à quelques semaines du lancement du comité cross-média. Ce projet ambitieux réunira les grands acteurs du marché mais également des plateformes comme YouTube, Disney, Amazon et Netflix autour d’une mesure qui intégrera tous les écrans (TV, mobile, ordinateur, tablette). En attendant, YouTube revendique déjà être « la première destination vidéo en France auprès des 15-49 ans », devant les chaînes de télévision traditionnelles. Si cette affirmation reflète l’importance croissante de YouTube dans les usages des consommateurs, elle mérite toutefois d’être éclairée pour mieux comprendre ses bases méthodologiques et ses limites.
Une mesure à périmètre limité
YouTube s’appuie sur les données issues de la mesure Internet Vidéo de Médiamétrie, qui évalue l’audience des contenus vidéo sur les écrans numériques (ordinateurs, smartphones et tablettes). Dans ce cadre, la plateforme affiche une couverture mensuelle impressionnante de 42 millions de vidéonautes uniques et un temps moyen de visionnage de 31 minutes par Français en octobre 2024. Ces chiffres confirment le rôle central de YouTube dans l’univers digital, mais ils ne prennent pas en compte la consommation via l’écran TV, un canal en pleine expansion pour les plateformes vidéo.
De plus, cette mesure exclut également les audiences des chaînes de télévision linéaires (mais la mesure Internet Vidéo intègre bien les plateformes numériques des télévisions qui ont choisi de participer à la mesure, mais sur un périmètre 3 écrans : ordinateur, tablette, mobile). Par conséquent, bien que YouTube domine les classements numériques, ces données ne permettent pas une comparaison directe avec les chaînes de télévision, mesurées selon d’autres indicateurs, comme la couverture quotidienne ou la part d’audience.
La question des méthodologies
YouTube communique également un temps de visionnage quotidien de 41 minutes par utilisateur, un chiffre basé sur les calculs du mesureur américain ComScore, spécialisé dans l’analyse des téléspectateurs, qui inclut tous les écrans, y compris les téléviseurs connectés (CTV) : un périmètre très pertinent pour le service de Google. À titre de comparaison, les données de la mesure Internet Vidéo de Médiamétrie se limitent aux écrans numériques. Ces divergences méthodologiques reflètent des approches différentes et renforcent l’importance de transparence dans l’interprétation des données avancées par les plateformes.
Une appellation sans base officielle
Le terme « première destination vidéo » utilisé par YouTube ne correspond pas à une classification officielle des données Médiamétrie. Il s’agit d’une formulation marketing destinée à souligner la popularité de la plateforme. Or, les mesures actuelles distinguent les audiences selon des périmètres spécifiques (Internet Vidéo, Internet Global, TV linéaire) sans fournir de classement global qui intégrerait tous les écrans et plateformes. Cette absence de standardisation souligne la nécessité de s’accorder sur des bases communes pour établir des comparaisons pertinentes.
La controverse autour des propos de Justine Ryst, directrice générale de YouTube France, affirmant dans Le Figaro que YouTube serait « la première chaîne de télévision de France » avant de préciser sa complémentarité avec les chaines TV dans une interview à France Info, illustre bien cet enjeu. Yannick Carriou, PDG de Médiamétrie, avait rappelé que cette affirmation ne reflète pas les méthodologies ni les définitions actuelles. Si YouTube est une plateforme vidéo majeure, elle n’est pas une chaîne de télévision au sens traditionnel. Ce débat met en évidence la difficulté de définir des périmètres clairs dans un écosystème où les frontières entre TV linéaire et plateformes numériques sont de plus en plus floues.
Le leadership sur les jeunes audiences
YouTube revendique une couverture mensuelle de 93 % auprès des 15-24 ans, un chiffre qui le place effectivement devant Instagram (92,3 %) et TikTok (77,8 %), selon la mesure Internet Global de Médiamétrie. Toutefois, en couverture quotidienne, ce leadership peut varier selon les plateformes et les usages spécifiques des jeunes publics. Ces nuances méthodologiques doivent être précisées pour éviter des interprétations simplistes.
Vers une mesure unifiée et comparative
Pour répondre à ces enjeux, une nouvelle mesure cross-média, qui intégrera tous les écrans (TV, mobile, tablette, ordinateur) et permettra des comparaisons homogènes entre plateformes numériques et chaînes de télévision, est en cours de développement. Elle apportera au marché des données fiables et comparables, en fixant des indicateurs communs tels que la couverture, le temps passé ou encore la part d’audience. Ce standard sera essentiel pour clarifier le débat et établir des bases solides pour le dialogue entre les différents acteurs du marché.
Une complémentarité plutôt qu’une rivalité
Les chiffres avancés par YouTube illustrent son incroyable reach, mais ils ne s’opposent pas nécessairement à ceux des chaînes de télévision. Au contraire, les usages montrent une réelle complémentarité entre les deux univers – comme le dit désormais Justine Ryst. Avant d’établir des classements ou de revendiquer des leaderships, le marché gagnerait à adopter une approche harmonisée et contextualisée des données. La mesure cross-média vidéo à venir devrait offrir une vision plus globale et plus précise, permettant à tous les acteurs de mieux valoriser leurs atouts auprès des annonceurs. En attendant, la prudence reste de mise pour éviter les raccourcis et les comparaisons hasardeuses.
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