Le late night, talk-show de fin de soirée, ne fait plus recette aux États-Unis
Institution de la télévision américaine, le talk-show de fin de soirée ou late night voit ses audiences et ses recettes publicitaires plonger, posant la question de sa place dans le paysage audiovisuel.
« Le late night n’est plus vraiment pertinent dans le monde de la télévision d’aujourd’hui”, assène Jeffrey McCall, professeur à l’université DePauw (Indiana).
Le late night, c’est un animateur derrière un bureau et des invités aux anecdotes qui se veulent savoureuses, avec réparties et plaisanteries à la chaîne. Les stars de ce format, Jay Leno, David Letterman, Jon Stewart ou plus récemment Stephen Colbert et Jimmy Fallon sont devenues des vedettes mondiales. Mais la formule fonctionne de moins en moins bien et le plus populaire de ces programmes de deuxième, voire troisième partie de soirée, « The Late Show with Stephen Colbert », a ainsi vu son audience fondre de 32% en cinq ans.
Et la tendance est pire encore pour les recettes publicitaires, qui ont chuté de 10% sur les huit premiers mois de 2024, selon le cabinet Guideline, après un repli supérieur l’année précédente.
« Le late night était jadis un fabuleux générateur de profits », explique Bill Carter, auteur de plusieurs livres sur le sujet, avec ses faibles coûts de production et ses tunnels de publicité. « Mais ils ont rétréci au point de devenir quasiment inexistants. »
Début septembre, la chaîne NBC est passée de cinq à quatre épisodes hebdomadaires du Tonight Show, imitant ses rivales ABC et CBS.
Le filon s’est épuisé
Ces trois dernières années, plusieurs présentateurs ont jeté l’éponge, notamment Conan O’Brien (TBS) et James Corden (CBS), les chaînes en profitant pour supprimer le programme.
Au milieu des années 2010, le late night avait saisi la fenêtre offerte par YouTube pour y poster des séquences, certaines devenues virales, James Corden créant même un succès mondial avec ses séquences en voiture « Carpool Karaoke ».
Mais là aussi, le filon s’est épuisé et avec lui les revenus tirés des annonceurs, qui se voyaient, dès le départ, déjà proposer des tarifs beaucoup moins élevés sur YouTube qu’à la télévision traditionnelle.
La menace podcast
Handicap majeur, le late night a généralement une durée de vie limitée alors que séries et films, qui souffrent aussi de la baisse des audiences des grandes chaînes, ont trouvé un vrai relais sur les plateformes de streaming.
« Le format a besoin d’une mise à jour », plaide Bill Carter, « car il n’a quasiment pas évolué » depuis l’arrivée, en 1954, du Tonight Show de Steve Allen, considéré comme l’acte de naissance du genre.
Pendant longtemps, « c’était très confortable d’avoir le même type d’émission tous les soirs », explique Mitch Semel, qui a supervisé la production de plusieurs talk-shows de soirée. « Mais aujourd’hui, les gens aiment jouer avec les formats, surprendre les téléspectateurs. »
Avec des budgets limités, les plateformes de streaming ont tenté quelques expériences, notamment « Patriot Act » sur Netflix ou « influenced » sur Amazon Prime, ce dernier très axé sur les sujets dominants sur les réseaux sociaux et à la distribution rajeunie.
« Traditionnellement, le late night s’appuie sur de jeunes audiences », souligne Jeffrey McCall, « or Jimmy Kimmel (qui officie sur ABC) et Fallon ont plus de 50 ans et Colbert 60. C’est un peu âgé. »
Si la concurrence des séries, films, réseaux sociaux et événements sportifs ne suffisait pas, « beaucoup de podcasts » filmés et diffusés sur YouTube ou Spotify « rappellent l’ambiance du late night », selon Bill Carter, rassemblant des millions d’internautes.
« The Joe Rogan Experience », podcast le plus téléchargé au monde dont certains épisodes dépassent parfois les trois heures, propose aussi, comme « Call Her Daddy » ou d’autres, de la spontanéité, de l’impromptu.
Le contraste est marqué avec le « late night », où « même les interviews des invités sont très soigneusement préparées » à l’avance, rappelle Mitch Semel, en partie « par peur », selon lui, « que les téléspectateurs ne s’ennuient et aillent voir ailleurs ».
Un podcast sans jalons précis, qui évolue au gré des réponses, insiste Mitch Semel, « est plus plaisant pour l’invité, pour le présentateur et probablement, par ricochet, pour les auditeurs et les spectateurs qu’un produit fabriqué ».
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