Philippe Chapot (InnovAudio Paris) : « Le marché de l’audio est, du côté des radios, un déni et du côté des podcasts, un creux de vague »
A l’occasion de la 7ᵉ édition d’InnovAudio Paris, le grand rendez-vous de l’audio français, qui aura lieu le 27 novembre, The Media Leader vous propose une série d’interviews sur les enjeux du marché de l’audio à l’ère de l’IA. Comment l’IA transforme la création et le business de l’audio ? Après Maxime Piquette, CEO d’Ausha, voici le point de vue de Philippe Chapot, observateur actif global sur les secteurs de l’audio, de la radio et du podcast et directeur de la publication de La Lettre Pro de la Radio et de Podcast Magazine.
The Media Leader : En quoi l’IA peut-elle révolutionner le business de l’audio, que ce soit côté création mais aussi monétisation ?
Philippe Chapot : Un des problèmes majeurs de l’audio (avec ou sans vidéo) a toujours été l’indexation des contenus, car la transcription était fastidieuse et coûteuse. L’IA chamboule tout en simplifiant la transcription en texte, permettant à tous les contenus audio d’être indexés et trouvables plus facilement. L’évolution du fichier open source RSS vers le Podcasting 2.0 (Namespace) arrive à un moment où la transcription est accessible à tous, et Apple l’a d’ailleurs intégrée immédiatement pour la transcription. Mais c’est un des très nombreux tags qui existent dans le Podcasting 2.0. Ce flux RSS augmenté vous permet de contrôler vos données et rassembler toutes les informations que vous désirez. Dont la monétisation avec un tag “Funding” où vous indiquez votre lien WEB3 ou lien de financement, de micro-paiements, mais aussi des nouveaux tags “Soundbite”, “Chapters”, “Person”, “Trailer”… bref, des informations qui simplifient grandement la découvrabilité. L’IA nous apporte des outils pour générer ces données et textes en quelques secondes, que ce soit pour les radios, les médias ou les podcasts. Pour ce qui est de l’IA générative et notamment la Voix, nous arrivons à un point où les voix sont utilisables, garantissant un confort d’écoute suffisant. Mais rien ne remplacera la voix humaine et notre incroyable capacité d’alchimie relationnelle.
TML : Comment l’écosystème se transforme grâce à l’IA ? Quels sont les acteurs les plus dynamiques ?
P.C. : Je pense que l’écosystème va se niveler. L’accès global à ces outils va permettre à ceux qui sont mauvais d’être moyens et ceux qui sont bons seront encore meilleurs et se distingueront encore plus. Tout le monde y gagne, sauf l’écologie. Les contenus seront beaucoup plus facilement trouvables et l’accès à des Chats IA ou bots qui répondent exclusivement sur les contenus indexés apporteront un véritable “plus” aux utilisateurs. Les acteurs les plus dynamiques aujourd’hui dans l’IA se trouvent aux États-Unis pour de nombreuses raisons. Les seules startups qui arrivent à réaliser une levée de fonds pour enchaîner sur des séries A et B sont quasiment toutes dans l’IA. Les autres ont beaucoup de mal à lever. En Europe, on utilise des IA dont le cœur est souvent basé dans la Silicon Valley, même si de nombreuses sociétés proposent des IA “RGPD compliant” en Europe, mais qui freinent fortement leur déploiement et les possibilités de développement rapide. L’évolution est fulgurante et il est difficile de suivre tellement les annonces s’enchaînent chaque semaine et les startups se lancent.
TML : Comment voyez-vous évoluer ce marché de l’audio, notamment le podcast, après la bulle de 2020 ?
P.C. : Le marché de l’Audio est, du côté des radios, un déni et du côté des podcasts, un creux de vague. Les deux se regardent aussi en “chien de faïence” alors qu’ils font intégralement partie de la même famille. Mais ils ne se connaissent pas car ils ne sont pas issus du “sérail” de nos filières médias traditionnels. Cela apporte une véritable fraîcheur. Ce sont des personnes passionnées ou qui ont envie de découvrir, qui se sont lancées il y a déjà presque 10 ans pour les plus pionniers, et qui aujourd’hui sont plus puissants que de grands médias et de grandes radios. Les audiences de ces “NéoMedias” (ex-infuenceurs) progressent et vont exploser dans les années à venir. Ce sont de nouveaux concurrents directs des médias traditionnels qui sont tout aussi légitimes et surtout qui sont intimes, incarnés, concernants et qui engagent. Ces mêmes termes que l’on prêtait aux stations des années 80. Le marché du podcast se structure mais a connu une consolidation trop rapide à des montants trop faibles. Les agrégateurs principaux ont soutenu ce marché des productions audio puis l’ont abandonné. Le modèle économique des podcasts (de marque ou natifs) ne tient plus sans campagne de marketing et de promotion couplées solides. Seules tiennent les structures qui savent vendre leur méthode à leurs annonceurs — sans se baser sur les audiences mesurées actuelles — et leur savoir-faire en réunissant des acteurs autour de labels ou “network” thématiques. Certaines radios ont pris le bon chemin mais la majorité a la tête dans le guidon et n’ont aucune curiosité. La plupart des acteurs des radios sont aussi en fin de carrière, donc les vagues ils n’aiment pas… mais il est temps de vraiment se mettre au boulot et d’arrêter de procrastiner. C’est une période magique et dangereuse à la fois.
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