Thierry Ardisson à The Media Leader : « La publicité n’a plus de personnalité »
A l’occasion du centième épisode de 100% Media Week, le podcast de l’actualité des médias et de la publicité, Thierry Ardisson a reçu The Media Leader, non pas seulement en tant qu’animateur-producteur, mais comme publicitaire, à l’occasion de la sortie de son livre L’âge d’or de la pub, publié aux éditions du Rocher. Dans cet entretien, il revient sur quatre décennies de publicité et se penche également sur les 40 ans de Canal+. Alors, qu’est-ce qui a changé dans la pub depuis cet âge d’or ? Voici l’interview de Thierry Ardisson en version écrite et en audio.
The Media Leader : Selon vous, pourquoi « L’âge d’or de la pub » est-il révolu ?
Thierry Ardisson : Ça a commencé à changer quand les contrôleurs sont arrivés chez les annonceurs, mettant fin à une ère de confiance avec les agences. Ces nouveaux intermédiaires ont apporté une certaine méfiance, réduisant les budgets, car ils pensaient que les agences facturaient trop cher. Et comme toujours, là où il y a moins d’argent, les talents finissent par partir. À l’époque, j’ai quitté la pub pour la télévision, car c’était encore un secteur où il y avait de l’argent. Aujourd’hui, c’est pareil qu’en publicité : il y en a beaucoup moins. Mais ce n’est pas tout, la pub a aussi perdu de son lien avec les gens. Avant, elle était “enrobée” : les messages commerciaux étaient enrichis d’humour, de spectacle, parfois même de sex-appeal. C’est cet enrobage qui a disparu, laissant place à une publicité impersonnelle. Bien sûr, il y a encore quelques bonnes campagnes, mais elles se font rares.
The Media Leader : Les célébrités se prêtaient facilement au jeu des publicitaires dans les années 70 et 80. Vous dites qu’il n’y a plus de stars dans la pub. Pourquoi ?
T.A. : À une époque, les stars refusaient de faire de la pub en France. Alain Delon allait au Japon. Ensuite, certaines, comme celles du Splendid ou Valérie Lemercier, ont choisi de se faire connaître via la pub. Plus tard, les grandes stars, comme Isabelle Adjani, ont fini par rejoindre les campagnes publicitaires, surtout dans le luxe. Aujourd’hui, elles sont beaucoup plus rares, même si Jean Dujardin et George Clooney, par exemple, restent des figures reconnues. Mais le vrai problème, c’est qu’il y a moins de stars.
The Media Leader : On vous demande parfois si vous referiez de la pub. Quelle est votre réponse ?
T.A. : Je viens de réaliser gratuitement un spot pour un institut de recherche sur les maladies génétiques, reprenant l’intro de mon émission Tout le monde en parle. Cela m’a fait plaisir de concevoir et de tourner ce message. Je n’ai rien contre la pub, contrairement à d’autres. Elle a pu être nocive sur certains aspects, mais autrefois, les gens restaient pour la regarder ; aujourd’hui, ils profitent des pauses pour quitter la pièce.
The Media Leader : Parlons de Canal+. Vous y avez travaillé plusieurs années, et cette chaîne fête aussi ses 40 ans. Que pensez-vous de son évolution ?
T.A. : Aller sur Canal, pour ma génération, c’était le graal. Mais aujourd’hui, Vincent Bolloré veut en faire une plateforme, comme Netflix. Il a supprimé des émissions emblématiques comme Le Grand Journal ou Les Guignols, et m’a même déplacé sur C8, ce qui a fait fuir mes annonceurs haut de gamme. Bolloré a une vision complètement différente. Personnellement, je n’ai rien contre sa stratégie, mais j’ai un différend avec lui : il m’a licencié sans préavis après 13 ans de travail, ce qui m’a conduit à intenter une action en justice, que j’ai gagnée. Cependant, ce qu’il fait de Canal, c’est son affaire.
The Media Leader : Vous avez déclaré que la perte de la fréquence de C8 serait une bonne nouvelle. Vous le maintenez ?
T.A. : Oui, cela pourrait même arranger Bolloré, car cette chaîne a perdu 368 millions d’euros depuis son lancement. Pour un financier comme lui, cette situation est intenable. Beaucoup de chaînes, comme TMC, sont à l’équilibre. Il est donc probable que Bolloré ne soit pas mécontent d’en finir avec cette charge.
The Media Leader : Est-ce que l’antenne vous manque ? Un talk-show comme vous en avez animé pendant des années, vous tenterait-il ?
T.A. : Les talk-shows, tels que je les ai pratiqués, je n’en referai plus. D’abord, parce qu’il n’y a plus de vraies stars. Ensuite, avec les réseaux sociaux, tout est amplifié et déformé. Je suis plus un créateur de concepts. Aujourd’hui, ce qui me passionne, c’est de développer des idées et de les mettre à l’écran, tout en revenant à l’écriture, un plaisir que je retrouve enfin.
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