Valérie Morrisson (CESP) : « Nous espérons que Médiamétrie, via son comité cross-média, pourra définir des standards unifiés. »
INTERVIEW DU LUNDI. Alors que le marché publicitaire poursuit sa mutation, le rôle de la mesure et de la certification devient central. Valérie Morrisson, Directrice Générale du CESP, l’organisme interprofessionnel des acteurs de la communication concernés par l’étude de l’audience des médias et la mesure de leur efficacité, évoque pour The Media Leader les grands chantiers de son organisation : l’évolution vers une mesure cross-média, les défis liés à l’attention publicitaire et le rôle du e-retail media dans un monde sans cookies.
The Media Leader : Quel est le rôle du CESP dans un environnement où les médias sont de plus en plus fragmentés et où la mesure devient essentielle ?
Valérie Morrisson : Le CESP, créé en 1956, a trois missions principales : auditer, certifier et former. Nous sommes les garants des études d’audience de référence en France, comme Médiamétrie, Mediamat ou Mobimétrie. Nous vérifions chaque étape, de la méthodologie à la publication des résultats. En 2017, nous avons ajouté la certification à notre portefeuille d’activités, comme avec Drive-to-Trust ou plus récemment le e-retail media. Nous avons également lancé la CESP Academy pour former les professionnels aux outils et méthodologies de mesure.
TML : La mesure cross-média vidéo, en préparation chez Médiamétrie avec l’accord de Netflix, Youtube et Amazon, est perçue comme une étape cruciale. Qu’en pensez-vous ?
V.M. : C’est une avancée majeure. Les annonceurs demandent depuis longtemps de pouvoir comparer les performances des chaînes TV et des plateformes vidéo sur des bases communes. Cette mesure permettra enfin d’harmoniser les métriques. Aujourd’hui, le GRP et les impressions servies coexistent, ce qui rend les comparaisons difficiles. Nous espérons que Médiamétrie, via son comité cross-média, pourra définir des standards unifiés.
TML : En matière de cross-média, le Royaume-Uni et le projet Origin sont souvent cités comme des références. Qu’en pensez-vous ?
V.M. : Origin est intéressant, notamment avec son concept de Virtual ID pour dédupliquer les audiences. Mais ce modèle est coûteux et complexe, avec des résultats qui restent à démontrer. Aucun pays n’a encore trouvé la solution parfaite pour le cross-média. En France, nous avons des bases solides et un écosystème performant qui peut s’inspirer de ces expériences tout en construisant sa propre approche.
Le ciblage publicitaire repose encore trop sur des solutions opaques.
TML : Le e-retail media prend de l’ampleur. Que fait le CESP sur ce segment ?
V.M. : Nous avons lancé une certification en octobre, en réponse à une demande des annonceurs et des agences. La première vague de contrôle est en cours, avec des résultats attendus en janvier. À l’échelle européenne, nous avons été sélectionnés par l’IAB Europe pour auditer les standards du e-retail media à partir de 2025. Cela montre l’importance de ce segment, particulièrement dans un contexte où la disparition des cookies bouleverse le marché publicitaire.
TML : Justement, la fin des cookies est souvent perçue comme un risque pour le financement des médias via la publicité digitale. Qu’en pensez-vous ?
V.M. : C’est un enjeu réel. Le ciblage publicitaire repose encore trop sur des solutions opaques. Nous travaillons sur des outils d’évaluation, notamment un projet basé sur l’IA et des contrôles manuels pour mesurer la qualité du ciblage contextuel. Ces initiatives visent à renforcer la transparence et à s’assurer de la fiabilité des solutions proposées.
TML : La mesure de l’attention est devenue un enjeu majeur pour les annonceurs. Pourquoi ce KPI reste-t-il si difficile à standardiser ?
V.M. : Le principal défi est l’absence de définition commune. Avec l’IREP, nous avons publié un livre blanc pour poser les bases d’une normalisation. Cependant, le marché reste une jungle : des solutions comme l’eye tracking coexistent avec des approches hybrides. Nous collaborons avec des instances internationales, comme le Attention Council, pour essayer d’établir des standards globaux. Ce travail est essentiel pour répondre aux attentes des annonceurs et crédibiliser ce KPI.
TML : Le podcast et l’audio digital progressent. Comment voyez-vous l’avenir de la mesure dans ce secteur ?
V.M. : Il faut évoluer vers une mesure totale, intégrant radio, podcast et audio digital. Les usages évoluent rapidement, et la mesure doit s’adapter. Sur l’audio, Médiamétrie a déjà fait évoluer sa méthodologie avec EAR Insight. Le podcast représente une nouvelle étape, et nous suivons de près ces travaux pour accompagner le marché.
TML : Et sur la communication extérieure, avec Mobimétrie ?
V.M. : Mobimétrie est une étude emblématique, combinant panel, modélisation et big data. Cette approche hybride est l’avenir de la mesure d’audience. Bien qu’il existe déjà des mesures des faces, il reste du travail pour des mesures à la face. C’est un projet ambitieux et innovant qui montre la voie.
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