Yannick Carriou (Médiamétrie) : « Nous avons une culture du consensus et de la transparence que beaucoup nous envient »
Lors de la première édition du Connected TV Paris Summit organisé par The Media Leader, le PDG de Médiamétrie a dévoilé les prochaines étapes de la future mesure cross media vidéo qui devrait voir le jour en 2025. Un comité ad hoc va être constitué pour mettre place les mesures éditoriales et publicitaires. Objectif : fédérer l’ensemble des acteurs du marché de la vidéo, les broadcasters et les plateformes. Yannick Carriou a répondu aux questions de François Quairel.
The Media Leader : Depuis votre arrivée à la tête de Médiamétrie, vous avez mis en œuvre des réformes majeures. En janvier dernier, vous avez introduit une nouvelle mesure d’audience TV, qui est une première étape importante. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette évolution et son importance pour l’avenir de la télévision et des médias ?
Yannick Carriou : Nous avons franchi une étape importante avec cette nouvelle mesure d’audience TV. Depuis janvier, la France est l’un des rares pays à pouvoir mesurer l’audience sur tous les écrans et tous les appareils. Cela inclut la télévision, les smartphones, les tablettes et les ordinateurs. Chaque matin à 9h, nous sommes en mesure de publier des chiffres qui reflètent les usages télévisuels sur l’ensemble de ces dispositifs. C’est un bond en avant significatif, qui répond aux transformations rapides de la consommation vidéo, en particulier avec l’essor de la Connected TV, où les acteurs traditionnels et les nouvelles plateformes numériques se rencontrent.
TML : L’audience sur les téléviseurs connectés devient cruciale. Nous avons récemment vu que plus de 10 % de l’audience de YouTube aux États-Unis se fait sur des écrans TV. Comment Médiamétrie se prépare-t-elle à intégrer ces données dans ses mesures ?
YC : C’est un point clé. Nous travaillons à valider ces données de manière rigoureuse et scientifique. Notre objectif est d’offrir une mesure fiable et transparente de l’audience sur tous les écrans, y compris les téléviseurs connectés. Cela ne concerne pas seulement la mesure éditoriale, que nous faisons déjà chaque jour pour des programmes comme Koh-Lanta ou L’Amour est dans le pré, mais aussi la mesure publicitaire. Nous devons être capables de mesurer la performance réelle des campagnes publicitaires sur tous les appareils et points de contact.
TML : Vous avez mentionné que la mise en place de la mesure cross-média prend plus de temps que prévu. Où en êtes-vous dans ce processus ?
YC : Nous avons pris un peu de retard, en effet. Cela est dû à des questions technologiques. Nous utilisons certaines solutions développées par Nielsen, mais les infrastructures Internet en France, notamment les box, ne sont pas comparables à celles des États-Unis. Il a donc fallu adapter nos dispositifs. Nous avons actuellement environ 1 300 panélistes équipés pour mesurer à la fois la télévision et les plateformes numériques. D’ici la fin de l’année, nous devrions atteindre 2 500 panélistes, ce qui nous permettra de commencer à publier les premiers résultats début 2025.
Nous sommes en train de constituer le comité cross media, sur le modèle de ce que nous faisons avec la TV et la radio. L’idée est de réunir 25 personnes environ issues de l’ensemble des acteurs de la vidéo qui souscriront aussi bien les côtés « buy side », les agences et les annonceurs et également le « sale side », les éditeurs et leurs régies. Le comité se réunira pour statuer sur les grandes décisions, notamment les méthodologies. C’est difficile à mettre en place, mais Médiamétrie a une longue expérience.
TML : Médiamétrie est souvent vue comme un modèle unique en France, réunissant tous les acteurs du marché, ce qui n’existe pas dans d’autres pays. Comment réussissez-vous à convaincre des plateformes internationales comme Netflix, Amazon, Disney ou Google d’adhérer à ce modèle ?
YC : C’est un véritable défi. En France, nous avons une culture du consensus et de la transparence que beaucoup nous envient, mais qui peut parfois sembler complexe pour les grandes plateformes internationales. Nous avons travaillé avec des acteurs comme YouTube, Amazon et Netflix pour leur expliquer la spécificité du marché français. Ce modèle permet une mesure plus équitable et transparente, et bien qu’il puisse sembler différent de ce qu’ils connaissent, la plupart des plateformes commencent à comprendre l’intérêt de s’intégrer à ce système. Je peux vous dire que localement, toutes les équipes m’ont réservé un excellent accueil. A elles de convaincre leurs directions mondiales.
TML : Vous avez évoqué le financement de cette mesure. Les plateformes sont-elles prêtes à payer pour y participer ?
YC : Oui, elles comprennent qu’une telle mesure a un coût. Ces entreprises investissent déjà des millions dans d’autres pays et elles ne s’attendent pas à ce que ce soit gratuit en France. Bien sûr, cela fait partie des discussions, mais le fait d’avoir accès à des données fiables et transparentes est essentiel pour elles. La condition d’accès au comité reposera également sur la sélection de profils d’experts, que chaque acteur pourra proposer.
TML : Quelles sont les prochaines étapes pour Médiamétrie et la mise en place de cette mesure cross-média ?
YC : Nous allons d’abord lancer la mesure éditoriale de l’audience sur les plateformes vidéo et de streaming, puis nous travaillerons progressivement sur la mesure publicitaire avec chaque plateforme. Cela se fera au fur et à mesure de l’année 2025, avec des bêta-tests déjà en cours. Il ne s’agira pas d’un « Big Bang » du jour au lendemain, mais plutôt d’une implémentation progressive avec des contingences techniques liées à chaque acteur.
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